
Cinq ans d’impunité… Cinq années de pressions, d’intimidation, de menaces, de comportements miliciens et mafieux des plus répugnants pour torpiller l’action de la Justice…
La tragédie de l’explosion apocalyptique du 4 août 2020 qui a dévasté le port de Beyrouth ainsi que les quartiers limitrophes, notamment Achrafieh, Gemmayzé, Mar Mikhaël et Saïfi, résume à elle seule tout ce qui est répréhensible dans la ligne de conduite du Hezbollah à l’égard du pays et des autres composantes du tissu social libanais.
Introduire en contrebande dans l’enceinte portuaire plus de 2.700 tonnes de nitrate d’ammonium et les entreposer dans un hangar sous une stricte garde milicienne en faisant fi des risques sécuritaires encourus par la population des secteurs voisins; contraindre par la coercition certains magistrats et hauts responsables officiels à occulter les mises en garde lancées à plus d’une reprise par des officiers et des fonctionnaires conscients du grave danger qui planait sur la région (certains de ces officiers ont été liquidés froidement dans d’obscures circonstances); acheminer ce nitrate d’ammonium en Syrie, en dehors de tout contrôle, afin de fabriquer des barils d’explosifs largués sur les habitants des zones tenues à l’époque par l’opposition syrienne; imposer un black-out total sur les circonstances de l’explosion; faire irruption de manière intempestive au Palais de justice pour proférer publiquement, haut et fort, des menaces contre le juge en charge de l’enquête; avoir recours à toute sorte d’intimidation et de manœuvres afin de bloquer les investigations…: autant de comportements qui démontrent, une fois de plus, à quel point le Hezb agit en considérant que le pays dans sa globalité est sa propriété privée.
La tragédie du 4 août constitue en ce sens l’une des nombreuses manifestations de la profonde crise existentielle dans laquelle l’allié fidèle des Pasdaran plonge l’entité libanaise depuis des décennies. Le projet politique du Hezb correspond en effet à une «culture de l’espace», par opposition à la «culture du territoire» – pour reprendre la notion exposée par plusieurs auteurs français – qui repose sur une stratégie d’action exclusivement transnationale et dont il ressort, dans notre cas particulier, que la milice chiite perçoit le pays du Cèdre comme un simple pion sur le grand échiquier de l’aile radicale du régime iranien. Cette vision se complique, de surcroît, par un ancrage idéologique théocratique d’un autre âge.
Peu importe de ce fait les intérêts supérieurs, le bien-être, le droit à une vie normale et digne de la population libanaise. Peu importe, surtout, le respect non pas des pratiques démocratiques (ce serait trop demander!), mais tout au moins du mécanisme de fonctionnement des institutions étatiques et constitutionnelles. L’objectif n’est-il pas la déconstruction de l’État, l’édification d’une société guerrière, sous le slogan fallacieux d’une prétendue «résistance», afin de mener «la guerre pour la guerre», sans objectif réalisable, sans horizon clair au niveau régional? Comment s’étonner alors de l’irruption intempestive au Palais de justice pour menacer ouvertement et effrontément un juge, et comment s’étonner que cette milice pro-iranienne affiche une désinvolture répugnante face à la tragédie du 4 août qu’elle semble percevoir comme un simple dommage collatéral?
Dans un tel contexte, on ne peut s’empêcher de réitérer, une fois de plus, que prôner le «dialogue» et le containment avec ce parti revient à pratiquer la politique de l’autruche, car ce chimérique «dialogue» dure depuis plus de vingt ans. L’obstination actuelle du Hezbollah à s’accrocher à son arsenal militaire, dont la totale inefficacité et l’inutilité ne sont plus à démontrer, s’inscrit dans la logique de l’attitude adoptée à la suite de l’explosion du 4 août, sans aucune considération pour les pertes en vies humaines, les dégâts matériels et le désastreux impact économique. Que ce soit au Liban-Sud ou dans le cas des quartiers limitrophes du port, que valent donc, pour les Pasdaran et leur allié local, les centaines de victimes tombées dans le Sud, les villages entiers réduits en poussière, le retour à la présence israélienne dans certains secteurs névralgiques, parallèlement à la tragédie du 4 août qui a fait 220 morts, près de 6.000 blessés, plusieurs quartiers dévastés et des centaines d’habitations et d’entreprises endommagées? Que valent donc toutes ces pertes devant la longue épopée sur la route interminable de Jérusalem dont nul ne verra jamais la fin? À l’État donc de faire preuve aujourd’hui d’une implacable fermeté et de passer, enfin, à l’acte – loin de l’équilibrisme dévastateur et des tournures linguistiques stériles – en vue de mettre un terme aux caprices partisans et miliciens du Hezbollah qui n’ont que trop duré.
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