Le Hamas se réarme-t-il au Liban ?
©Ici Beyrouth

La frappe israélienne qui a visé, mardi soir, le camp de réfugiés palestiniens d’Aïn el-Héloué, au Liban-Sud, a relancé une question restée en arrière-plan du conflit, du moins depuis l’accord de cessez-le-feu conclu le 27 novembre 2024 qui a fait que l’attention soit centrée sur le Hezbollah. Le Hamas est-il en train de reconstituer une infrastructure militaire au Liban ?

Selon Israël, la frappe, ayant tué au moins treize personnes, aurait visé un «complexe d’entraînement du Hamas». Une affirmation immédiatement démentie par le mouvement palestinien, qui assure qu’il s’agissait d’un simple terrain de sport fréquenté par les jeunes du camp.

Pour tenter d’y voir plus clair, Ici Beyrouth a posé trois questions au général Maroun Hitti, qui connaît intimement les camps palestiniens du Sud.

Que révèle la frappe israélienne sur Aïn el-Héloué ?

Tout indique que la frappe ciblait un centre d’entraînement du Hamas. Même des médias proches du mouvement l’ont reconnu. Le démenti du Hamas, évoquant un simple terrain de sport, n’est pas crédible.

Le plan de désarmement des factions palestiniennes lancé par le Liban est resté partiel et a été largement contourné. Certaines factions refusent toujours de remettre leurs armes. Le Hamas cherche clairement à maintenir des capacités militaires dans les camps et continue de s’équiper.

Le Hezbollah soutient-il ce réarmement ?

Il existe un soutien, oui, mais limité. Le Hamas et le Hezbollah coopèrent par opportunité: ils ont un ennemi commun, Israël. Cela ne relève pas d’une alliance idéologique – les deux mouvements représentent des fanatismes opposés et se sont déjà affrontés en Syrie.

La coopération actuelle est donc tactique et se traduit par des échanges ponctuels, des transferts d’armes limités ainsi qu’un soutien politique et logistique minimal.

Si le Hamas ne dispose pas de capacités militaires réellement significatives au Liban, son utilité pour le Hezbollah serait essentiellement interne: servir de levier de déstabilisation si la formation chiite venait à être placée sous pression pour se désarmer.

Concrètement, le Hezbollah pourrait activer certains groupes palestiniens pour créer une diversion, perturber la scène intérieure ou ouvrir un front secondaire. Il s’agirait d’un outil tactique, non d’une force de combat: une carte de pression interne, qui ne serait utilisée que si l’arsenal du Hezbollah était menacé.

Quelles sont les implications de cette dynamique pour le Liban ?

La frappe israélienne constitue un message explicite: Israël n’acceptera aucune reconstitution des capacités du Hamas au Liban. Elle confirme aussi la supériorité du renseignement israélien, fondée sur les drones, la surveillance technique, les interceptions et les infiltrations humaines.

Au-delà de l’opération ponctuelle, cinq implications stratégiques se dégagent:

1- Le refus du Hezbollah de se désarmer et son soutien tactique au Hamas verrouillent le système sécuritaire libanais. La formation chiite conserve une chaîne de commandement autonome, un arsenal supérieur à celui de l’État et une décision stratégique dictée par l’Iran.

2- L’armée libanaise se retrouve paralysée sur les dossiers stratégiques. Professionnelle et transcommunautaire, elle ne peut cependant pas gérer une confrontation interne. Son rôle se limite à amortir les chocs.

3- Le pouvoir politique est prisonnier du rapport de force réel. La Constitution dit une chose, le terrain en impose une autre.

4- Le Liban a perdu sa capacité de négociation internationale, puisque le véritable interlocuteur des puissances étrangères, sur le terrain, n’est plus l’État mais le Hezbollah.

5- Le Liban reste un champ de bataille pour des conflits qui ne sont pas les siens, pris dans une confrontation régionale – Iran, Israël, Hezbollah, Hamas – qui le dépasse totalement.

 

 

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