
Du café plus cher, du chocolat réservé aux grandes occasions et des fruits dont le prix donne le tournis… Non, ce n’est pas (que) l’inflation ou les conflits mondiaux. C’est aussi et surtout le dérèglement climatique qui bouleverse les marchés alimentaires. Une étude publiée dans Environmental Research Letters a analysé 16 situations concrètes à travers le monde entre 2022 et 2024. Le constat est sans appel: le climat fait grimper les prix, partout, tout le temps, pour tout le monde.
Il fut un temps où l’on se plaignait du prix du carburant. Aujourd’hui, c’est celui de la nourriture qui fait froncer les sourcils. Le contenu de notre assiette ne dépend plus seulement de l’offre, de la demande ou de l’inflation… mais aussi du thermomètre. Car derrière la flambée des prix alimentaires, un acteur discret s’invite à table: le changement climatique.
Prenons le chocolat, ce petit bonheur universel devenu un baromètre climatique inattendu. En avril 2024, le prix mondial du cacao a bondi de près de 300% en un an, atteignant des sommets historiques sur le marché à terme de New York, indique Bloomberg. En cause, des vagues de chaleur et de fortes précipitations en Côte d’Ivoire et au Ghana, qui assurent à eux seuls près des deux tiers de la production mondiale.
Au Royaume-Uni, les pluies hivernales exceptionnelles ont provoqué une chute des récoltes de pommes de terre et une hausse des prix de 22% selon The Guardian. Résultat: des frites au goût amer, dans tous les sens du terme.
Au Pakistan, les inondations de l’été 2023 ont réduit les récoltes de blé, de riz et de légumes, entraînant une hausse de 50% des prix alimentaires selon les chiffres de la FAO. En Inde, les canicules de 2024 ont fait grimper le prix des oignons, aliment de base, à des niveaux record, signale Reuters. Même scénario en Corée du Sud avec le chou, ingrédient clé du kimchi, devenu rare, et au Japon, où la production de riz souffre des vagues de chaleur récurrentes (Japan Times).
Effet domino: la santé des plus vulnérables est en jeu. Selon la Banque centrale européenne, les effets d’un événement climatique extrême peuvent faire grimper les prix alimentaires pendant plus d’un an. Et ce sont les ménages à faibles revenus qui trinquent en premier: moins de fruits, moins de légumes, plus de féculents bon marché… et plus de carences.
Le Liban n’est pas épargné. En 2024 et 2025, plusieurs vagues de chaleur et périodes de sécheresse ont fortement affecté les rendements agricoles, notamment dans la plaine de la Bekaa et au Liban-Sud, selon un rapport publié à la mi-2025 par le ministère de l’Agriculture. Conséquence: le prix du kilo de tomates a doublé, et l’oignon local dépasse parfois le prix de l’importé, malgré l’envolée des coûts de transport et du carburant.
Les supermarchés affichent des prix dignes de Dubaï, mais les salaires stagnent. Et comme si cela ne suffisait pas: manque d’eau, soutien public quasi absent, dépendance chronique aux importations… Dans un pays non autosuffisant, le réchauffement climatique devient un handicap économique majeur.
Une adaptation encore trop lente
Face à cette crise, les États réagissent trop souvent dans l’urgence, via des blocages de prix, des subventions ponctuelles ou des aides ciblées.
Mais sur le long terme, c’est tout le système agricole qu’il faut repenser: la diversification des cultures, l’irrigation durable, les circuits courts et le soutien aux petites exploitations.
Des projets existent, mais avancent lentement… Si rien ne change, l’assiette de demain sera plus chère, plus pauvre et plus triste. Moins de fruits, moins de légumes, plus de féculents bas de gamme… et plus de tensions sociales.
Mais tout n’est pas perdu: l’agriculture peut s’adapter, les gouvernements peuvent agir, et les citoyens peuvent faire pression. Pour continuer à bien manger, même sous 40°C.
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