Le Liban officiel réaffirme le refus de toute ingérence étrangère au Liban
©Présidence libanaise

Le message officiel libanais à Téhéran a été on ne peut plus clair, mercredi: Beyrouth, ne tolérera aucune immixtion dans ses affaires intérieures et encore moins, une intervention dans ses décisions souveraines, comme celle, principalement, du monopole étatique des armes.

Il a été formulé sans équivoque par le président Joseph Aoun, puis par le Premier ministre, Nawaf Salam, devant le secrétaire du Conseil suprême de la sécurité nationale iranien, Ali Larijani, qu’ils ont reçu mercredi.

Le message libanais sera-t-il cependant entendu par l’Iran, habituée pendant de nombreuses années, à tirer les ficelles du jeu au pays du cèdre, par le biais de son bras militaire, le Hezbollah?

Si la question se pose, c’est à cause du double langage que Ali Larijani a tenu à Beyrouth. Devant l’intransigeance du président Aoun et du Premier ministre, Nawaf Salam, qui ont littéralement mis les autorités iraniennes à leur place, ce dernier a avancé que Téhéran ne se mêle pas des affaires libanaises. Devant les partisans du Hezb rassemblés autour de lui devant la tombe de l’ancien chef de ce groupe, Hassan Nasrallah, il a toutefois plaidé pour un maintien de la résistance. Dans le même temps, le mufti jaafari, Ahmad Kabalan, porte-parole officieux du Hezb, tirait à boulets rouges sur le gouvernement, promettant de «faire chuter la clique gouvernementale capitularde».  

Les propos de MM. Aoun et Salam n’ont ainsi fait qu’accentuer la colère d’une formation qui ne cesse de voir sa marge de manœuvre rétrécir face à un pouvoir déterminé à en finir avec l’hérésie du mini-État dans l’État, qu’elle a imposé pendant des années aux Libanais.

Devant Ali Larijani, le président Aoun a donc rejeté toute ingérence dans les affaires intérieures libanaises et appelé à préserver la stabilité et la sécurité, dans l’intérêt de tous les Libanais sans distinction.

M. Aoun a affirmé que «le Liban souhaite coopérer avec l’Iran dans le cadre de la souveraineté et de l’amitié, sur base de respect mutuel», mais a estimé que les propos récents de certains responsables iraniens ne contribuaient pas positivement aux relations bilatérales.

Il a insisté sur le fait que l’amitié entre le Liban et l’Iran «ne doit pas se limiter à une seule communauté ou composante libanaise, mais inclure tous les Libanais». Rappelant que le Liban est «une patrie définitive pour tous ses fils, chrétiens et musulmans», le chef de l’État a souligné que seules «les institutions constitutionnelles et sécuritaires» sont responsables de la protection du peuple.

«Il n’est permis à aucune partie de porter des armes et de chercher un soutien extérieur contre un autre Libanais», a affirmé M. Aoun. Selon lui, toute menace, qu’elle vienne «de l’ennemi israélien ou d’ailleurs», doit être affrontée dans l’unité, «car l’arme la plus puissante reste l’unité des Libanais».

Pour sa part, M. Larijani a transmis les salutations du président iranien, Massoud Pezechkian, et renouvelé l’invitation à M. Aoun de se rendre à Téhéran. Il a affirmé que l’Iran «ne s’ingère pas dans les affaires internes du Liban», et que les propos qu’il a tenus à son arrivée à Beyrouth reflètent la position officielle de la République islamique».

Téhéran, a-t-il ajouté, «ne souhaite aucune perturbation dans l’amitié ou les relations avec l’État et le peuple libanais» et est prête à aider le Liban «si le gouvernement le souhaite».

À la suite d’une rencontre avec le président de la chambre, Nabih Berry, à Aïn el-Tiné, M. Larijani, a souligné l’importance capitale de l’unité et du succès du Liban, tout en réaffirmant la coopération amicale entre l’Iran et le Liban, «sans insister sur des directives imposant un calendrier précis», en référence à la feuille de route américaine présentée aux autorités libanaises.

Par ailleurs, il a déclaré que la prise de décisions judicieuses au Liban passe par «un dialogue amical et inclusif», estimant que la «Résistance» fait preuve d’«une réflexion profonde et d’un sens stratégique».

M. Larijani a aussi rejeté toute ingérence étrangère, précisant que «les pays ne devraient pas adresser des ordres au Liban depuis l’étranger» et que l’Iran n’intervient pas dans les affaires internes libanaises et respecte les décisions du pays.

Sur le plan militaire, il a assuré que, «si le gouvernement libanais le demande, nous serons bien entendu prêts» à intervenir en cas d’escalade israélienne, tout en soulignant l’importance de préserver et d’estimer la «Résistance» qui, selon lui, fait face à Israël, qu’il a qualifié de «prédateur».

Enfin, au sujet de la reconstruction, il a indiqué que l’Iran «déploierait tous les efforts possibles» et qu’une aide a déjà été fournie.

Au Sérail

Au Sérail, où Ali Larijani a été reçu à 18h, la délégation iranienne a entendu le même discours qu’à Baabda: les ingérences iraniennes dans les affaires libanaises ne sont pas acceptables.

Selon divers médias locaux, le Premier ministre, Nawaf Salam, a réservé un accueil froid au responsable iranien et à la délégation qui l’accompagne.

Devant ses visiteurs, M. Salam a affirmé que les récentes déclarations de certains responsables iraniens, notamment celles du ministre des Affaires étrangères, Abbas Araghchi, de Ali Akbar Velayati, conseiller du guide suprême iranien, Ali Khameni, et du commandant adjoint de la Force Qods pour la coordination iranienne, le général de brigade Iraj Masjedi, «sont inacceptables tant dans la forme que sur le fond».

Il a estimé que leurs interventions dans lesquelles «ils critiquent directement des décisions libanaises prises par les autorités constitutionnelles du pays, et qui recèlent des menaces à peines voilées, constituent une violation flagrante des règles diplomatiques et du principe de respect mutuel de la souveraineté». Ce respect, a insisté M. Salam, est «un pilier fondamental de toute relation bilatérale saine et une règle essentielle du droit international, laquelle ne peut être contournée».

Et d’ajouter: «Aucun responsable libanais ne se permettra de s’immiscer dans les affaires intérieures iraniennes, comme soutenir un camp au détriment d’un autre ou s’opposer à des décisions souveraines iraniennes». «Par conséquent, le Liban n’acceptera en aucune manière une ingérence dans ses affaires internes et attend du côté iranien un respect clair et explicite de ces règles», a encore dit le Premier ministre, en rappelant également que «les décisions qui sont prises par le gouvernement ne peuvent pas faire l’objet de discussions dans un pays tiers».

«Le Conseil des ministres est le centre de décision libanais. Les Libanais seuls prennent les décisions les concernant, et rejettent toute tutelle ou diktat», a-t-il fait valoir en rappelant que la question du monopole de l’État sur les armes relève de la souveraineté libanaise. «Elle est prévue dans l’accord de Taëf et a été confirmée dans le discours d’investiture du président Aoun et dans la Déclaration ministérielle».

M. Salam a en outre fait comprendre à la délégation que le Liban «qui a été l’un des premiers défenseurs de la cause palestinienne et a payé un lourd tribut face à Israël, n’a besoin des leçons de personne». Il a expliqué que Beyrouth est déterminé à en finir par la présence israélienne dans les cinq points qu’il occupe au sud du pays, «par tous les moyens politiques, diplomatiques et juridiques disponibles».

Le Premier ministre a également souligné que «toute relation avec le Liban passe exclusivement par ses institutions constitutionnelles, et non par le biais d’un parti politique ou d’un autre canal parallèle», avant d’indiquer que «toute aide extérieure est la bienvenue à condition de passer par les canaux officiels».

S’il a affirmé «que le Liban tient à ses relations historiques avec l’Iran et tous les pays amis, sur la base du respect mutuel», il a rappelé que «l’unité nationale, la souveraineté de l’État et les décisions du gouvernement constituent des lignes rouges infranchissables».

Les vainqueurs

En soirée, Ali Larijani qui s’est recueilli sur la tombe de Hassan Nasrallah, a pratiquement encouragé les partisans du Hezb, rassemblés autour de lui, à «maintenir» leur attachement à la «résistance». «La haine que certains vous vouent témoigne de votre impact et de votre fermeté (….). Nous serons toujours à vos côtés. Nous ne nous immisçons pas dans les affaires intérieures des pays, mais nous affirmons notre soutien aux mouvements de résistance partout dans le monde», a-t-il ajouté. «Si vous souhaitez suivre le chemin de Nasrallah, votre devoir est de tenir bon et de persévérer dans la résistance. Votre voie est claire et vous serez, au final, les vainqueurs», leur a-t-il promis.

Dans le même temps, le mufti Ahmad Kabalan faisait paraître un communiqué au ton belliqueux, dans lequel il a commencé par dénoncer «les projets expansionnistes de Benjamin Netanyahou» pour finir en accusant les autorités libanaises de «se soumettre aux diktats israéliens».

«Le pouvoir libanais et son autorité exécutive se retrouvent enfermés dans un silence imposé, marqué par une paralysie souveraine et un scandale national», a-t-il dit, en faisant référence aux propos tenus le chef d’état-major israélien, Eyal Zamir, depuis le Liban-Sud. Accusant le gouvernement «démissionnaire de ne faire preuve de fermeté que face à son propre peuple», cheikh Kabalan a estimé que «face à la tyrannie sioniste, il n’existe d’autre issue que la résistance souveraine et la chute de la clique gouvernementale capitularde».

 

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