
La raffinerie Dangote, au Nigeria, la plus grande d'Afrique, commencera dès ce vendredi à expédier directement et sans frais du carburant aux distributeurs, une initiative inédite qui pourrait profondément transformer le secteur énergétique du premier producteur de pétrole brut du continent.
Propriété de l'homme le plus riche du pays, Aliko Dangote, cette raffinerie vise à gagner en efficacité en supprimant les intermédiaires, tout en proposant aux distributeurs et aux consommateurs des options plus compétitives.
L'installation, d'une capacité de 650.000 barils par jour, mise en service en 2023, a déjà contribué à faire reculer les prix à la pompe, après la flambée provoquée par la suppression des subventions gouvernementales sur les carburants.
Voici cinq points importants sur l’industrie pétrolière nigériane.
Secteur économique clé
Au Nigeria, le pétrole a été découvert pour la première fois en 1956 dans le delta du Niger, dans le sud du pays. Le géant ouest-africain extrait en moyenne 1,5 million de barils par jour selon l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), mais demeure loin d’atteindre son objectif de 2 millions de barils.
Le pétrole représente environ 62% des revenus d'exportation du Nigeria et constitue une part majeure des recettes publiques.
Crise énergétique ancienne
Le secteur souffre depuis des décennies de problèmes récurrents, notamment des coûts de production élevés dus à des installations obsolètes, aux vols et à la pollution environnementale.
Le coût de production d'un baril est d'environ 30 dollars, contre une dizaine de dollars en Arabie saoudite.
Le détournement de pétrole alimente un climat d'instabilité qui décourage les investissements étrangers et incite certaines compagnies pétrolières à se désengager de leurs actifs onshore.
Le pays dispose de quatre raffineries appartenant à l'État totalisant une capacité de traitement de 445.000 barils par jour, mais ces installations souffrent d'une gestion défaillante et de pratiques de corruption.
Pendant des décennies, le Nigeria a exporté son pétrole brut vers l'Europe pour le raffinage, ce qui a provoqué des pénuries de carburant intermittentes jusqu’à l’entrée en service de la raffinerie Dangote.
Selon Ikemesit Effiong, analyste au cabinet de conseil SBM Intelligence, avant la mise en service de la raffinerie Dangote, l'industrie était «largement structurée autour des intérêts d'intermédiaires fortunés», peu favorables au raffinage local.
En mai 2023, le président Bola Tinubu a supprimé les subventions au carburant, responsables de pertes annuelles de plusieurs milliards de dollars pour l'État.
Le prix à la pompe a alors été multiplié par cinq avant de diminuer progressivement.
Nouveaux camions pour la distribution
Dangote a déployé 4.000 camions fonctionnant au gaz naturel comprimé pour assurer la distribution nationale de carburant, venant ainsi renforcer un marché dominé depuis des décennies par plus de 20.000 camions-citernes qui roulent au diesel.
Selon Anthony Chiejina, porte-parole du groupe Dangote, cette initiative réduira significativement les coûts, améliorera la disponibilité du carburant et limitera les pressions inflationnistes.
Mais ce changement majeur suscite des craintes, notamment de la part de l'Association des distributeurs pétroliers indépendants du Nigeria, qui redoute la création d’un monopole.
«En théorie, ce plan devrait réduire le coût de la distribution de l'essence», mais la baisse des prix à la pompe pourrait être limitée, tempère Clément Isong, responsable de l'Association des principaux distributeurs d'énergie.
Autres acteurs
Certains acteurs majeurs reconnaissent que la raffinerie Dangote pèse sur leurs résultats.
Le groupe Oando a vu son chiffre d'affaires chuter de 15% sur les six premiers mois de 2025.
Son directeur général, Wale Tinubu, qui est le neveu du président nigérian, a indiqué que la baisse du chiffre d'affaires de l'entreprise était due au ralentissement des importations de pétrole «dans le pays en raison de l'augmentation de la capacité de raffinage locale de l’installation de Dangote, une évolution positive qui renforce la sécurité énergétique et l'autosuffisance du Nigeria».
TotalEnergies Marketing Nigeria a également annoncé une baisse de son chiffre d’affaires semestriel.
Une deuxième raffinerie privée, BUA, est en construction par Abdulsamad Rabiu, deuxième homme le plus riche du pays.
Pollution et accidents
Le secteur est marqué depuis longtemps par la pollution environnementale, les fuites d'hydrocarbures rendant les activités de pêche et agricoles difficiles à exercer dans le sud du pays.
Les compagnies pétrolières imputent ces fuites à des actes de sabotage menés par des groupes criminels locaux.
Les accidents impliquant des camions-citernes sont également fréquents au Nigeria où des populations précaires se précipitent souvent sur les lieux de déversements pour récupérer le carburant, illustrant la dure réalité économique du pays malgré la richesse pétrolière.
Par Susan NJANJI/AFP
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