Le Liban, point de transit pour le pétrole irakien
Le Liban, une plateforme pour l’exportation du pétrole irakien ©Ici Beyrouth

Le pétrole irakien passera-t-il de nouveau par Tripoli, chef-lieu du Liban-Nord? Le projet revient sur la table, mais son aboutissement reste incertain.

Bagdad affiche pourtant sa volonté. Le ministre du Pétrole, Hayan Abdel Ghani, confirme étudier sérieusement cette option. Pour montrer son bon vouloir, il évoque parallèlement la réhabilitation de l’oléoduc Kirkouk-Banias.

«La relance des pipelines de Kirkouk-Tripoli et Kirkouk-Banias offrirait des avantages économiques et géopolitiques à l’Irak et à la Syrie et ouvrirait des perspectives pour le Liban», renchérit le conseiller économique du Premier ministre irakien, Mazhar Mohamad Saleh.

L’Irak veut réduire sa dépendance aux ports du Sud  

Pour le pays du Tigre et de l’Euphrate, l’objectif «stratégique» est clair, net et précis. L’Irak mise sur l’oléoduc Kirkouk-Banias et sur le pipeline Kirkouk-ripoli pour diversifier ses routes d’exportation du pétrole et réduire sa dépendance aux ports du Sud.

Ces corridors stratégiques offriraient au pétrole irakien un accès direct à la Méditerranée, à l’écart des contraintes de navigation dans le Golfe et le détroit d’Ormuz, et ouvrirait de nouvelles opportunités sur les marchés européens, asiatiques et nord-américains. Cette option revêt une importance particulière au milieu des différends avec la Turquie au sujet des exportations depuis le port turc de Ceyhan.

Kirkouk‑Tripoli et Kirkouk‑Banias: deux branches d’un même réseau

Les oléoducs Kirkouk‑Tripoli et Kirkouk‑Banias ne sont pas identiques, mais ils font partie d’un même système historique reliant les champs pétroliers de Kirkouk, dans le nord de l’Irak, à la Méditerranée. Les documents d’époque montrent que la conduite principale se scindait en deux branches desservant Tripoli et Banias, transformant ainsi ces ports en débouchés complémentaires pour l’exportation du pétrole irakien.

L’acheminement vers le Liban remonte à 1931, grâce à une concession accordée à l’Iraq Petroleum Company, qui permettait de transporter le brut vers la région de Baddawi, à Tripoli, pour son raffinage et son exportation. Une raffinerie d’une capacité de 21.000 barils par jour a été mise en service en 1940 pour accompagner ces flux. L’oléoduc Kirkouk‑Tripoli est ainsi plus ancien que son pendant vers Banias, construit en 1951. Une ligne a été ajoutée en 1950 au pipeline Kirkouk-Tripoli, d’une capacité de 400.000 barils/jour.

Aujourd’hui, les deux sont à l’arrêt. La remise en service de leurs infrastructures pourrait soutenir l’objectif de Bagdad d’atteindre 3 millions de barils par jour et de renforcer l’attractivité du pays pour les investissements dans le secteur pétrolier.

Le Liban entame des discussions avec l’Irak

En mai, Beyrouth et Bagdad ont abordé le dossier au plus haut niveau. Mais sur le terrain, les obstacles restent nombreux: difficultés techniques, contraintes logistiques et un contexte politique lourd. «Ce projet répond à un besoin vital pour le Liban, mais il s’inscrit dans le long terme. Rien n’indique qu’il puisse, à court terme, alléger notre crise économique», confie une source proche du dossier.

Les autorités libanaises affirment leur volonté de coopérer avec l’Irak et la Syrie. Elles savent l’enjeu considérable que représente la réhabilitation de l’oléoduc Kirkouk-Tripoli, assortie d’une modernisation – ou d’une reconstruction – de la raffinerie de Tripoli. Jusqu’en 1984, date de l’arrêt du pipeline, le Liban percevait de Bagdad près d’un dollar par baril de pétrole brut en droits de transit, en plus des tarifs préférentiels dont il bénéficiait pour une partie du brut destiné à la consommation locale.

De son côté, l’Irak se dit prêt à mobiliser des financements pour relancer le projet et envisage même de relier une nouvelle ligne en provenance de Bassorah à l’oléoduc Kirkouk-Tripoli.

La Syrie tente de saisir l’opportunité  

De son côté, la partie syrienne a rapidement pris le relais du projet lancé par L’Irak. Son ministre de l’Énergie, Mohammad Bachir, s’est rendu en Irak, lundi dernier, dans le cadre d’une visite officielle, pour discuter de la réhabilitation et de la maintenance de l’oléoduc Kirkouk-Banias, à l’arrêt depuis plus de 22 ans. Créé en 1952, long d’environ 800 km et capable d’exporter 300.000 barils par jour, ce pipeline reliait les champs pétroliers du nord de l’Irak au port syrien de Banias sur la Méditerranée avant d’être arrêté en 2003 à cause des guerres. Il a fait l’objet de plusieurs tentatives de remise en service, notamment en 2007, 2010 et 2017, mais les tensions politiques et l’insécurité ont empêché sa relance. 

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