
Trois mois après la «guerre des douze jours» qui l’a opposé à Israël, l’Iran tente de maintenir à flot son économie, durement affectée par les sanctions américaines. Mais entre la pression militaire, le retour des sanctions européennes et l’effondrement continu de sa monnaie, la République islamique se trouve plus vulnérable que jamais.
Une croissance fragile
Malgré des décennies de restrictions internationales, l’économie iranienne affichait encore une relative résilience en 2024. Selon la Banque mondiale, le PIB atteignait alors 436,9 milliards de dollars, en grande partie grâce aux exportations de pétrole. Mais derrière ce chiffre se cachait une réalité contrastée: un marché dual où le taux officiel du rial masquait l’effondrement de sa valeur sur le marché noir.
La dépendance à l’or noir restait totale: en moyenne, entre 1,2 et 1,5 million de barils étaient exportés par jour, principalement vers la Chine. Ce flux de devises permettait à Téhéran de financer ses dépenses courantes et de contenir, tant bien que mal, une inflation déjà proche de 40% (FMI).
Le choc du «snapback» européen
Le 28 août 2025 a marqué un tournant. La France, le Royaume-Uni et l’Allemagne ont décidé de réactiver le mécanisme de «snapback», rétablissant un arsenal de sanctions commerciales et financières qu’ils estiment justifiées par les manquements nucléaires de Téhéran.
Si ces mesures ne relèvent pas d’un embargo onusien, elles représentent néanmoins une menace directe pour les banques, assureurs et transporteurs liés au commerce iranien. Résultat: les cargaisons de brut trouvent encore preneur, mais à des prix fortement rabotés, Pékin étant pratiquement devenu l’acheteur exclusif.
Les routes maritimes se compliquent également: les tankers iraniens multiplient les détours via la Malaisie, Singapour ou le Vietnam pour masquer l’origine du brut.
Une monnaie en chute libre
Sur le plan intérieur, le choc est sévère. Au printemps, le rial a franchi un seuil symbolique: plus d’un million de rials pour un dollar sur le marché noir. Aujourd’hui, il s’échange autour de 1,05 à 1,08 million, accentuant la dollarisation de l’économie.
Pour les ménages, la vie quotidienne est de plus en plus précaire. Le salaire minimum, fixé en mars à 104 millions de rials (l’équivalent de 100 à 110 dollars au taux parallèle), suffit à peine à couvrir les besoins essentiels. L’érosion du pouvoir d’achat renforce la défiance vis-à-vis de la monnaie nationale, poussant les Iraniens à thésauriser en devises ou en or.
Vers une économie de survie
La «guerre des douze jours» en juin a illustré la fragilité de cette équation. Les frappes israéliennes contre des infrastructures pétrolières ont brièvement paralysé les exportations, révélant à quel point la dépendance au brut constitue une faiblesse stratégique.
Aujourd’hui, l’Iran continue de financer son budget grâce à ses ventes à la Chine, mais à prix cassés et au prix d’un isolement financier accru. Le FMI prévoit que le PIB, déjà en recul, tombera à 341 milliards de dollars en 2025, un signe clair d’asphyxie progressive.
L’économie iranienne n’a pas encore cédé sous la pression, mais elle évolue dans une logique de contournement permanent. Cette survie au rabais se traduit par une monnaie exsangue, un pouvoir d’achat laminé et une dépendance quasi totale à la Chine. Plus que jamais, l’Iran apparaît pris dans l’étau des sanctions et des tensions régionales, contraint de vendre son pétrole à prix sacrifié pour maintenir à flot son État.
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