
Dans un Liban qui se relève peu à peu de la guerre entre le Hezbollah et Israël, l’armée libanaise se retrouve au centre d’une mission capitale: étendre la souveraineté de l’État sur l’ensemble du territoire en instituant le monopole étatique des armes.
Ce qui implique un désarmement de la milice pro-iranienne. Une opération à la fois historique et risquée, qui pourrait redéfinir le rôle de l’institution militaire et l’équilibre dans le pays.
Quels sont les effectifs de l’armée, ses équipements, ses capacités, les défis auxquels elle doit faire face?
Une armée longtemps marginalisée
Avec environ 80.000 soldats actifs, l’armée libanaise constitue la première force de sécurité du pays. Mais son rôle a longtemps été limité au maintien de l’ordre intérieur. Dans le sud du pays, le Hezbollah a imposé sa domination militaire et politique, reléguant l’armée au second plan malgré la présence symbolique de ses troupes, ainsi que celle de la Finul.
Mais le conflit militaire avec Israël a considérablement affaibli le Hezbollah et précipité l’ouverture d’un processus de désarmement total, conformément à l’accord de cessez-le-feu de novembre 2024, dont les dispositions avaient été acceptées par le tandem chiite.
Pour la première fois, le gouvernement libanais mise sur son armée pour superviser, avec l’appui de ses partenaires internationaux, la transition vers un État au sein duquel les armes sont concentrées aux seules mains des forces légales.
Cette évolution place l’armée face à un test décisif: assumer un rôle de garant de la souveraineté nationale et de seule détentrice des armes.
Capacités et limites
Néanmoins, les capacités opérationnelles de l’armée restent plus ou moins limitées. Ses blindés comprennent environ 200 chars (M60, M48 et T-55 de conception ancienne), plus de 600 véhicules blindés et 32 Bradley de fabrication américaine livrés entre 2018 et 2021.
Son aviation est réduite: 5 Super Tucano, 3 AC-208 Caravan, une trentaine d’hélicoptères utilitaires et d’attaque légère, ainsi que quelques drones de reconnaissance. La défense aérienne reste inexistante, ce qui constitue une vulnérabilité majeure dans un contexte régional où les cieux sont dominés par les missiles et les drones.
La marine, avec près de 70 navires de patrouille et d’interception, concentre son action sur la surveillance des côtes et la lutte contre le trafic maritime, sans oublier la sécurisation de la zone économique exclusive libanaise.
Ces unités spécialisées, par contre, notamment les commandos marins et les régiments d’intervention rapide, se distinguent par leur entraînement poussé et leur efficacité sur le terrain.
Une armée sous-financée
Le budget de la défense s’élevait à environ 1,2 milliard de dollars en 2021, un montant modeste par rapport aux standards régionaux. Avec l’effondrement économique du pays, ce budget s’est réduit en termes réels à quelque 100 millions de dollars, rendant l’armée fortement dépendante des financements et des dons étrangers.
Les États-Unis, la France et d’autres partenaires fournissent l’essentiel des équipements, des formations et parfois même des ressources pour maintenir la solde des militaires.
Quoi qu’il en soit, la mission confiée à l’armée dépasse le cadre purement militaire. Elle engage l’équilibre interne du Liban, où la majorité de la population réclame le retour exclusif des armes et de l’autorité de l’État, tandis que seuls les partisans du Hezbollah et certains de ses alliés, restent attachés au rôle paramilitaire de cette formation.
Sur le plan régional, Israël exige des garanties concrètes de la neutralisation de l’arsenal du groupe, tandis que l’Iran, son principal soutien, tente, malgré un affaiblissement conséquent de ses capacités, d’influer sur la scène libanaise.
Une équation décisive
Le plan de modernisation de la Troupe 2023-2027, initialement conçu pour renforcer les capacités internes, prend une dimension stratégique nouvelle. Si l’armée réussit à gérer le processus qui lui est confié, elle pourrait redevenir l’acteur central et le garant de la souveraineté nationale. Si elle échoue, le Liban risquerait de s’enfoncer davantage dans la logique des milices et de perdre encore un peu plus de sa cohésion étatique.
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