Montage controversé: France Télévisions face à la justice après une plainte de Depardieu
(ARCHIVES) L'acteur français Gérard Depardieu fait son retour au tribunal après une pause, lors du quatrième jour de son procès dans lequel il est accusé d'avoir agressé sexuellement deux femmes pendant le tournage d'un film en 2021, au tribunal correctionnel de Paris, le 27 mars 2025. ©Julien DE ROSA / AFP

Gérard Depardieu poursuit France Télévisions en justice ce jeudi, accusant Complément d’enquête d’avoir manipulé une séquence vidéo diffusée en décembre 2023. En cause, des propos graveleux tenus par l’acteur alors qu’apparaît une fillette à l’image, des paroles qui, selon sa défense, visaient en réalité une femme adulte dans le cadre d’une fiction. Le tribunal correctionnel de Paris devra trancher sur la légitimité du montage, au cœur d’un reportage qui avait relancé les accusations visant le monstre sacré du cinéma français.

L'acteur Gérard Depardieu attaque jeudi devant la justice française une émission qu'il accuse d'avoir réalisé un montage illicite et trompeur dans un reportage qui a accéléré sa chute, durant lequel il tient des propos graveleux et sexistes.

Au cœur des débats devant le tribunal correctionnel de Paris: la séquence de moins d'une minute sur les 54 que dure l'enquête de l'émission «Complément d'enquête», intitulée «Gérard Depardieu: la chute de l'ogre» et filmée dans un haras en 2018 lors d'un voyage à l'occasion des 70 ans du régime nord-coréen.

Sur ces images diffusées le 7 décembre 2023 sur le groupe public France Télévisions, l'acteur tient des propos de nature sexuelle au moment où une fillette à cheval passe à l'écran.

Or, ont affirmé la défense de l'acteur ainsi que l'écrivain français Yann Moix, à l'initiative de ce voyage, ces propos auraient concerné une femme adulte, que l'on ne voit pas à l'écran, et auraient été prononcés dans le cadre d'une œuvre de fiction sur laquelle auraient travaillé les deux hommes.

La méprise serait imputable, selon leur version, à une manipulation, un montage frauduleux destiné à faire faussement croire que le comédien sexualisait une enfant.

Gérard Depardieu et Yann Moix sont absents, représentés par leurs avocats, Jérémie Assous et Etienne Bodéré, à cette audience qui s'est ouverte peu après 07H30 GMT et devrait durer toute la journée.

Macron «grand admirateur»

«France Télévisions conteste tout trucage et tout montage illicite» et «réserve (ses) observations pour le tribunal», a déclaré à l'AFP l'avocate du groupe, Juliette Félix.

Les auteurs du reportage affirment que leur montage ne travestit pas la réalité, que les propos concernaient bien la fillette et s'appuient sur d'autres enregistrements de la séquence.

L'émission avait suscité un vif émoi. On y entend aussi l'acteur tenir de nombreux propos misogynes et dégradants pour les femmes lors de ce voyage. La comédienne française Charlotte Arnould l'y accuse aussi de l'avoir violée en 2018, et d'autres femmes racontent des agressions sexuelles.

Alors que la ministre de la Culture d'alors Rima Abdul Malak avait estimé que Gérard Depardieu faisait «honte à la France», le président Emmanuel Macron avait volé à son secours, se décrivant en «grand admirateur», assurant détester les «chasses à l'homme» et laissant entendre que les images avaient pu être truquées.

Le comédien, alors considéré comme un monstre sacré du cinéma français, a été condamné au printemps à 18 mois de prison avec sursis pour des agressions sexuelles lors d'un tournage (il a fait appel), et a été renvoyé devant la cour criminelle de Paris pour les viols dénoncés par Charlotte Arnould.

Il conteste ces accusations depuis son inculpation en 2020 et a fait appel de l'ordonnance de renvoi.

Expertises

France Télévisions a eu recours à une procédure rare, en faisant authentifier par huissier le passage contesté. «Il n'y a aucun doute et aucune ambiguïté sur le fait que c'est bien la jeune fille à l'image qui est ciblée par les propos de Gérard Depardieu», assure le groupe.

Mi-mai, une expertise versée à l'enquête pour viols, révélée par le quotidien français Libération et dont l'AFP a eu connaissance, «permet d'établir que des propos à connotation sexuelle ont été adressés à l'égard d'une fillette évoluant sur un poney».

Mais dans le cadre de la contestation des images de «Complément d'Enquête», la justice a ordonné une autre expertise afin de déterminer «avec précision toutes les opérations de montage intervenues» et d'indiquer «dans la mesure du possible» à qui s'adressait Gérard Depardieu, selon un arrêt de la cour d'appel.

Ses résultats définitifs ne sont pas connus, mais selon, l'avocat de Gérard Depardieu, une note de l'expert «établit de manière ferme et définitive qu'il y a eu montage illicite».

Le tribunal examinera aussi les allégations d'abus de confiance et de travail dissimulé. Yann Moix argue que les images de Gérard Depardieu en Corée du Nord ne font que montrer un artiste qui interprétait son propre rôle dans une fiction finalement jamais sortie.

Par Nicolas GAUDICHET / AFP

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