Du sport au crime: la chasse désormais interdite au Liban
©Ici Beyrouth

Longtemps considérée comme le «sport des rois», la chasse est devenue illégale au Liban à la suite de mesures gouvernementales récentes visant à protéger la faune. Le 22 septembre 2025, les ministères de l’Environnement, de l’Agriculture, de l’Intérieur et des Municipalités ont publié une circulaire interdisant la chasse aux oiseaux sauvages sur l’ensemble du territoire, en raison du début de la migration automnale. Cette décision met en lumière le rôle crucial du Liban comme corridor migratoire pour de nombreuses espèces, dont certaines rares et menacées à l’échelle mondiale.

Inquiétudes des chasseurs et des communautés locales

Bien que motivée par la conservation, cette interdiction a provoqué un vif débat parmi les chasseurs et les communautés locales. Elie Mazraani, président du Lebanese Hunting Club, a expliqué à Ici Beyrouth que l’interdiction avait, paradoxalement, favorisé une «chasse indiscriminée». Selon lui, l’absence de campagnes de sensibilisation a créé une nouvelle génération de chasseurs qui s’attaquent à toutes les espèces, y compris celles dont la chasse est interdite, comme les hirondelles ou les rapaces. Il a critiqué le ministère de l’Environnement, estimant que le manque de lois actualisées et l’absence de programmes éducatifs ne font qu’aggraver la situation.

M. Mazraani a également mis en garde contre des législations obsolètes et une application laxiste des règles, qui encouragent des méthodes illégales, telles que l’utilisation de filets ou d’appâts collants. «Cette décision, vieille de plus de 15 ans, a conduit à la prolifération de pratiques de chasse non éthiques», a-t-il afirmé.

Le cadre légal: la loi n° 580

La loi n° 580, adoptée en 2004 pour réglementer la chasse aux oiseaux, a marqué la première révision complète de la législation depuis les années 1950. Elle énumère les espèces autorisées, parmi les quelles la caille, la grive, la bécasse, la tourterelle, l’alouette ainsi que les fauvettes à tête rouge ou noire. La plupart de ces oiseaux sont considérés comme des nuisibles agricoles, car ils endommagent les fruits d’été et les récoltes d’automne. La loi fixe également des quotas strictss, limitant par exemple la chasse à 50 alouettes et 25 cailles par saison, afin de trouver un équilibre entre la conservation des espèces et le soutien aux agriculteurs.

La chasse au Liban n’est pas seulement un sport: elle représente aussi une source de revenus essentielle pour de nombreuses communautés rurales. M. Mazraani souligne que les villages frontaliers attendent chaque année la saison de chasse, qui débute à la mi-septembre, comme une véritable opportunité économique. Les chasseurs y louent des chalets, fréquentent les commerces locaux et soutiennent ainsi les petites entreprises du secteur rural. Au-delà de cet aspect économique, la chasse conserve une dimension culturelle et récréative profondément ancrée, offrant à de nombreux Libanais un moment d’évasion face aux difficultés du quotidien. M. Mazraani appelle le ministère de l’Environnement à faire appliquer strictement la loi et à sanctionner les contrevenants, afin de préserver à la fois la faune et la tradition de la chasse responsable.

Licences et régulation

En 2017, le ministère a délivré plus de 18.000 licences, marquant ainsi le lancmeent de la première saison officielle depuis près de vingt ans. Les chasseurs étaient tenus de passer des examens sur la législation et l’identification des espèces, d’obtenir les certificats requis et de souscrire une assurance couvrant les risques éventuels. Ce dispositif visait à encadrer la pratique, tout en générant des revenus pour l’État et en alignant le Liban sur les standards internationaux d’une chasse responsable.

Cependant, cette reprise a été de courte durée. Après la saison 2017–2018, la délivrance des licences a été suspendue en raison de l’expiration du mandat du Haut conseil de la chasse, l’organisme chargé de déterminer les saisons et de fixer les quotas par espèce. Depuis, faute de conseil actif, le Liban ne peut légalement ni ouvrir de nouvelles saisons, ni délivrer de licences de chasse.

La voie à suivre

Les experts estiment que la priorité pour réorganiser la chasse au Liban consiste à reconstituer le Haut conseil de la chasse. Une fois cet organe rétabli, le ministère pourrait reprendre la délivrance des licences, faire appliquer la législation et réduire le braconnage. Cette démarche permettrait de poser les bases d’une loi modernisée, inspirée des modèles européens réussis, notamment en France et en Italie, conciliant sport, tradition et préservation de la faune.

Aujourd’hui, le Liban se trouve à un carrefour délicat: protéger ses oiseaux migrateurs tout en tenant compte des réalités économiques et culturelles des communautés de chasseurs. Sans réformes rapides ni campagnes de sensibilisation efficaces, la chasse illégale risque de se poursuivre, menaçant la biodiversité et le fragile équilibre entre conservation et héritage culturel

 

 

Commentaires
  • Aucun commentaire