La mode retrouve ses vieux réflexes: la maigreur reprend le dessus sur les podiums
Un mannequin présente une création de Pierre Cardin pour la collection Femme Prêt-à-porter Printemps-Été 2026 dans le cadre de la Fashion Week de Paris, dans la boutique historique du 59 rue du Faubourg Saint-Honoré à Paris, le 7 octobre 2025. ©Julien DE ROSA / AFP

Malgré des avancées récentes en matière de diversité corporelle, les podiums des Fashion Weeks printemps-été 2026 signent un retour marqué à la maigreur. Près de 97 % des silhouettes présentées correspondaient à des tailles très fines, selon Vogue Business, illustrant un recul de l’inclusivité dans un secteur toujours dominé par un idéal de beauté restreint.

Après quelques saisons d'émancipation, la mode semble avoir repris ses vieux réflexes: la maigreur a de nouveau envahi les podiums, balayant les espoirs d'inclusivité qui semblaient, un temps, avoir ouvert le secteur à toutes les morphologies.

«Il faut quand même le dire quand la mode déconne et a érigé une norme qu'elle devrait abandonner», a estimé la journaliste française mode Sophie Fontanel sur Instagram début octobre, en se réjouissant de voir une mannequin avec des courbes défiler pour Givenchy lors de la dernière Fashion Week de Paris.

Une silhouette qui fait figure d'exception. Sur les 9.038 looks des collections printemps-été 2026 présentés à New York, Londres, Milan et Paris le mois dernier, 97,1% correspondaient à des tailles comprises entre le 32 et le 36, soit des très petites tailles, selon des données de Vogue Business.

De manière générale, «il y a un peu cette fausse idée qu'être maigre, c'est être chic, être riche», pointe auprès de l'AFP la directrice de casting française Esther Boiteux.

Ces tailles dites «standards» dans la mode ne reflètent pourtant en rien la morphologie moyenne. Selon les dernières données de l'Institut français du textile et de l'habillement, publiées en octobre 2025, la moitié des Françaises s'habillent entre la taille 40 et 44, un tiers portent du 46 ou plus, et moins de 20% du 38 ou en dessous.

Une majorité largement absente des podiums: les modèles dits «moyenne taille» (38-42) ne représentaient que 2% des silhouettes, contre 0,9 % pour les mannequins «plus-size» (44 et au-delà), souligne Vogue Business.

Fin du «body positive»

Malgré une légère progression par rapport à la saison précédente, la diversité corporelle reste marginale sur les podiums. Le mouvement «body positive», né dans les années 2010 et fondé sur l'acceptation de tous les corps, marque aujourd'hui le pas.

«Sur les défilés, il y a de moins en moins de mannequins, plus-size», confirme Aude Perceval, bookeuse à l'agence Plus, pionnière du mannequinat grande taille en France. Une tendance particulièrement marquée à Paris, précise-t-elle.

Un constat partagé par la mannequin grande taille Laura Leonide. «Je n'ai jamais tenté la Fashion Week de Paris, parce que je sais que l'idéal de beauté français, c'est du 36», analyse la trentenaire, qui fait une taille 46.

La Franco-Suisse, dont la carrière a connu un pic entre 2021 et 2022, a surtout exercé à Dubaï, où son profil est très demandé. «Un mannequin qui travaille bien en Europe a deux ou trois jobs, par semaine (défilés ou shootings, ndlr). Moi, j'en avais jusqu'à cinq», assure-t-elle.

Pour sa collègue Doralyse Brumain, 31 ans, qui fait une taille 40-42, les podiums demeurent hors de portée. Si sa carrière centrée sur les campagnes publicitaires a connu un essor entre 2019 et 2021, la dynamique s'est nettement essoufflée.

«Depuis 2022, on sent une vraie régression, tant dans la fréquence des contrats que dans les cachets», constate-t-elle.

«Idéal inatteignable»

«Intégrer des mannequins de différentes tailles, c'est quelque chose que demandent les consommateurs. Mais pour que cela devienne réellement pérenne, il faudrait un changement profond dans la production», estime Ekaterina Ozhiganova, mannequin d'origine russe et fondatrice de l'association Model Law, qui défend les droits des modèles.

Les vêtements des défilés sont généralement conçus dans une seule taille, celle des «mannequins standard», et, du créateur aux agences et directeurs de casting, chacun se renvoie la responsabilité de ce choix.

Les tendances récentes, comme l'usage détourné de médicaments antidiabétiques ou anti-obésité tels que l'Ozempic ou le Wegovy, comme coupe-faim, rendent encore moins probable une réintégration de silhouettes plus proches de la moyenne, ajoute Ekaterina Ozhiganova.

«Le milieu de la mode n'est pas conçu pour être le plus accessible possible: il doit vendre un idéal inatteignable», déplore-t-elle.

À l'inverse, la créatrice française Jeanne Friot estime que le podium doit permettre à chacun de se projeter.

«L'intérêt du défilé, c'est de montrer autre chose que la mode avec laquelle j'ai grandi, très maigre et très standardisée. Je veux voir des tailles 42, 44, 46, des personnes plus âgées, toutes les ethnies, tous les genres», souligne la trentenaire à l'AFP, connue pour sa mode engagée.

L'inclusivité «est une norme qu'il devrait y avoir», abonde de son côté le styliste alsacien Victor Weinsanto. «Mais on va y arriver», espère-t-il.

Par Marine DO-VALE / AFP

 

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