James Bond 2.0: l’intelligence artificielle va-t-elle voler la vedette à 007?
IA ou retour aux sources ? Le futur James Bond s’annonce plus imprévisible que jamais. ©Ici Beyrouth

Le prochain James Bond, orchestré par Denis Villeneuve et Steven Knight, attise les spéculations. Gadgets à la pointe de l’IA ou retour à l’espion minimaliste? La saga, oscillant depuis toujours entre innovation et classicisme, semble à un nouveau tournant.  

L’annonce du prochain opus de James Bond, confié au réalisateur Denis Villeneuve et au scénariste Steven Knight, relance la question de la place de la technologie dans l’univers de l’agent 007. Alors que la saga vient de traverser une ère Daniel Craig marquée par le réalisme, faut-il s’attendre à une déferlante de gadgets dopés à l’intelligence artificielle ou à une nouvelle cure d’austérité high-tech? L’ambiguïté des déclarations officielles laisse le champ libre à toutes les hypothèses, nourries par l’histoire sinueuse que James Bond entretient avec la technologie depuis plus de soixante ans.

À la source, l’ADN de 007 s’est forgé autour de gadgets aussi délirants qu’astucieux. Des débuts de Sean Connery, déjà équipé de mallettes piégées et de voitures customisées, jusqu’à l’explosion techno-fantaisiste des années 1970, la saga a toujours reflété le rapport du monde à l’innovation. Ainsi, chaque décennie Bond trouve son miroir dans les peurs, les fantasmes ou les espoirs technologiques du moment. La course à l’espace, l’informatique balbutiante, la cybercriminalité: tous ces thèmes ont alimenté les scénarios, les gadgets et même le profil des «grands méchants».

Mais cette fascination n’est jamais linéaire. L’histoire de Bond est rythmée par des oscillations régulières entre surenchère technologique et retour aux fondamentaux. À chaque nouvel acteur, ou presque, un changement de cap s’opère. Quand George Lazenby succède à Connery dans On Her Majesty’s Secret Service («Au service secret de Sa Majesté»), la saga se recentre soudainement sur l’intime et le drame amoureux, reléguant la technologie au second plan. À l’inverse, les années Roger Moore versent dans le spectaculaire, culminant avec Moonraker et ses batailles spatiales inspirées par la vague Star Wars. Le film suivant, For Your Eyes Only («Rien que pour vos yeux»), impose aussitôt un recentrage réaliste, dicté en partie par des impératifs budgétaires et une volonté de retrouver la patte du Bond originel.

L’ambivalence se prolonge sous Timothy Dalton, puis s’accélère avec l’arrivée de Pierce Brosnan. Golden Eye fait entrer Bond dans l’ère de l’information et de la cybermenace, mais Die Another Day («Meurs un autre jour»), avec son Aston Martin invisible, fait vaciller la crédibilité de la saga. Le public et la critique réclament alors une pause: la surenchère techno ne fait plus rêver, elle lasse. 

Daniel Graig, un Bond «authentique» 

C’est dans ce contexte que surgit Daniel Craig, incarnation d’un Bond «authentique», dépouillé de gadgets invraisemblables et recentré sur la rugosité de l’action pure. Casino Royale puis Skyfall, réinventent l’agent secret: Q, le maître des gadgets, réapparaît en geek introverti, et déclare sans détours à Bond qu’il n’est plus question de stylo explosif ou d’artifices dignes d’une foire à la science-fiction.

Ce balancier entre innovation et sobriété rend incertaine la direction du prochain opus. Denis Villeneuve, cinéaste salué pour ses univers futuristes – Blade Runner 2049 et Dune –, pourrait logiquement pousser Bond vers une nouvelle ère de gadgets sophistiqués, tirant parti des avancées en intelligence artificielle: drones autonomes, logiciels prédictifs, armes «intelligentes»… La tentation est forte, d’autant plus que l’IA s’est imposée au cœur des angoisses contemporaines. On imagine aisément 007 affrontant un ennemi dont le pouvoir résiderait non plus dans la force brute, mais dans la maîtrise du big data, de la surveillance algorithmique et de la désinformation pilotée par des machines. Ce serait cohérent, mais risqué: trop d’IA, et Bond pourrait devenir le jouet de la technologie, perdant la part d’improvisation, de sang-froid et de panache qui fait sa légende.

Le duo Villeneuve-Knight, tout en promettant d’«honorer la tradition», sait que la tradition Bond n’a rien d’immuable. Elle est, au contraire, une succession d’adaptations successives, de relectures du mythe, où chaque époque réinvente le héros selon ses propres obsessions. L’enjeu, cette fois, sera d’intégrer l’IA sans transformer 007 en simple utilisateur de gadgets, ni sombrer dans la nostalgie paralysante. Le prochain Bond devra évoluer dans un monde ultra-connecté, mais aussi affirmer ce qui le distingue des autres espions de la pop culture: sa capacité à rester humain, vulnérable, faillible, face à un univers où la frontière entre l’homme et la machine n’a jamais été aussi mince.

Le public, quant à lui, reste partagé. Les nostalgiques espèrent un retour au Bond à l’ancienne, à la ruse et à la séduction plus qu’à la prouesse technologique. Les nouvelles générations pourraient attendre un 007 au diapason de leur temps: fluide, connecté, hacker d’élite si nécessaire, mais jamais dupe des pièges de l’innovation. Quelle que soit la direction prise, le nouveau Bond aura fort à faire: incarner un monde obsédé par l’IA, sans sacrifier ce qui, depuis plus d’un demi-siècle, fait de lui une icône inimitable.

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