MTV Music, clap de fin pour une icône
MTV Music s’arrête après 40 ans: une page se tourne pour la culture pop. ©Ici Beyrouth

Après quarante ans d’antenne, MTV Music s’apprête à tirer sa révérence dans plusieurs pays européens. Cette fermeture résonne comme la fin d’un cycle pour une chaîne qui a accompagné l’adolescence de générations entières et bouleversé la culture pop mondiale. À noter: pendant que l’aventure européenne s’achève, la chaîne MTV poursuit sa route aux États-Unis, fidèle à sa nouvelle ligne plus orientée vers le divertissement et la téléréalité.  

L’information est tombée presque discrètement, relayée par les agences puis confirmée par Paramount Global: MTV Music va cesser d’émettre dans plusieurs pays d’Europe d’ici la fin de l’année 2025. La chaîne, tout comme ses consœurs MTV 80s, MTV 90s, Club MTV et MTV Live, tire sa révérence au Royaume-Uni, en Irlande, en Allemagne et dans plusieurs autres territoires européens et extra-européens. Ce retrait marque la fin d’une histoire télévisuelle, mais aussi d’une aventure collective et intime pour tous ceux qui ont fait leurs classes musicales devant l’écran. Pourtant, le générique de fin ne s’impose pas partout: de l’autre côté de l’Atlantique, MTV poursuit son existence. La chaîne, devenue davantage terrain de jeux pour la téléréalité et le divertissement, continue de diffuser aux États-Unis, vestige d’une époque réinventée.

Dès ses premières heures, MTV ne se résumait pas à une chaîne musicale classique. Lancement aux États-Unis en 1981, le fameux «Ladies and gentlemen, rock and roll» résonne encore dans la mémoire de ceux qui l’ont entendu. En Europe, MTV débarque dans les années 80, avec des déclinaisons locales, des animateurs stars et une promesse: celle de faire entrer la musique dans tous les salons, qu’ils soient londoniens, parisiens ou berlinois. On ne regardait pas MTV, on la vivait. Les clips devenaient des œuvres d’art, la programmation fixait les tendances, la jeunesse occidentale dansait au même rythme.

Pourtant, la chaîne n’a pas su – ou pas pu – résister à la grande vague du numérique. Les années 2000 voient la montée en puissance d’Internet, puis des plateformes de streaming, de YouTube à TikTok. MTV tente de se réinventer, multiplie les émissions de téléréalité, les séries adolescentes, mais la musique en continu n’est plus la reine du petit écran. La génération Z, née dans un monde de playlists à la demande, n’a plus le même rapport à la télévision linéaire ni au clip. Les chiffres d’audience s’effritent, les contenus migrent vers le smartphone. Il était presque inévitable que la chaîne doive s’incliner devant les nouveaux usages, sans bruit mais avec panache.

La fin d’un monde

La disparition annoncée de MTV Music signe aussi la fin d’un certain rituel. Pour toute une génération, le passage du matin devant la télé, la découverte du dernier tube de Madonna ou de Nirvana, la fascination pour l’univers graphique de Michael Jackson ou la provocation de Lady Gaga, tout cela avait la saveur d’une expérience sans égal. MTV fut le terrain d’expérimentation de la pop culture mondiale, le berceau où sont nées les stars de demain. Elle fut aussi, parfois, le miroir déformant de nos propres goûts, de nos révoltes adolescentes et de nos envies d’ailleurs.

Les artistes eux-mêmes doivent beaucoup à MTV. Le clip a changé de statut grâce à la chaîne, il est devenu outil de narration, support de performance, levier de notoriété. Le lancement mondial de Thriller ou la folie Britney Spears n’auraient pas eu le même retentissement sans la caisse de résonance offerte par MTV. La chaîne, en diffusant des artistes issus de toutes les scènes et de toutes les cultures, a permis des brassages inédits. Elle a forgé des identités.

La fermeture de MTV Music est loin d’être réduite à un fait économique ou médiatique. C’est aussi le reflet d’une transformation profonde de nos usages et de notre rapport au son et à l’image. La musique s’écoute partout, à toute heure, sans attente ni rendez-vous. Les artistes parlent directement à leurs fans sur les réseaux sociaux. Les règles changent, le goût de la découverte persiste mais la médiation n’est plus la même. Il n’y a plus ce passage obligé par une chaîne, plus de filtre générationnel, mais une immense agora où chacun pioche, zappe, crée sa propre bande-son.

Nostalgie vs lucidité 

On pourrait se lamenter sur la perte d’un certain romantisme, sur la dissolution du commun. Mais il faut aussi reconnaître l’incroyable vitalité de la musique aujourd’hui, sa capacité à toucher d’autres publics par d’autres canaux. Ce qui meurt avec MTV Music, c’est sans doute moins la musique que la manière dont nous la partagions. La nostalgie n’efface pas la lucidité. À l’heure où Paramount Global justifie la fermeture par la chute d’audience et le basculement vers le streaming, il est difficile de contester la logique de cette évolution. Mais il reste le goût du souvenir, la certitude d’avoir vécu une époque où la télévision, le rock et la jeunesse formaient un triangle magique.

Il y aura sans doute d’autres espaces, d’autres modes de partage. La fin de MTV Music ne signe pas la fin de la créativité, ni même celle du clip vidéo. Elle enterre une époque où la musique s’imposait sur le poste, à heure fixe, pour toute une génération, et où l’on se rêvait star devant son écran.

 

 

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