Il y a quelques jours, le ministère de la Santé publique a rappelé au corps médical de penser «malaria» devant toute fièvre inexpliquée, d’effectuer rapidement frottis et goutte épaisse et de déclarer sans délai tout cas suspect ou confirmé. Ici Beyrouth s’est penché sur ce rappel et ses implications, alors que le ministère n’a pas précisé sur quelle base exacte il a été émis. Objectif affiché: détecter tôt, traiter vite, éviter toute chaîne de transmission.
Dans l’esprit de la note, il s’agit d’inclure la malaria dans le diagnostic différentiel, même sans voyage récent, de pratiquer frottis et goutte épaisse, d’utiliser au besoin un test rapide pour gagner du temps, de notifier les cas au Bureau de lutte contre la malaria et d’appliquer strictement les protocoles thérapeutiques. Cette piqûre de rappel s’inscrit dans un contexte régional en évolution, marqué par une vigilance accrue face aux expositions liées aux soins.
Où en est le Liban?
Le Liban est libre de transmission locale depuis 1963: les cas recensés sont quasi tous importés. En 2012, le pays a signalé 115 cas importés, dont la moitié à Plasmodium falciparum. En 2019, un cas notifié à Saïda a fait l’objet d’investigations; la source d’infection n’a pas pu être tranchée (locale ou importée) faute de données additionnelles. Autrement dit: nous ne sommes pas face à une endémie, mais à un risque résiduel lié aux déplacements, aux pratiques de soins invasifs non sécurisées et, l’été, à la survie sporadique d’Anopheles dans certains micro-habitats.
Ce que montrait l’étude publiée en décembre 2024
Fin 2024, des cliniciens libanais ont rapporté un cas de paludisme localement acquis chez une femme de 27 ans qui n’avait pas effectué de voyage récent: frottis positif à Plasmodium falciparum, parasitémie modérée, guérison sous artésunate puis relais oral. Les auteurs évoquaient deux scénarios plausibles: une exposition sanguine lors d’un geste invasif en milieu insuffisamment sécurisé, ou une piqûre ponctuelle d’un moustique anophèle en période chaude. L’article n’établissait pas de transmission communautaire installée, mais appelait à garder un haut niveau de suspicion clinique.
Milieux propices aux moustiques
La maîtrise de l’environnement reste déterminante. Dans des zones où la gestion de l’eau est défaillante, les gîtes larvaires prolifèrent: eaux stagnantes non drainées, stockage d’eau à ciel ouvert, déchets qui retiennent l’eau après les pluies. Il se peut que des situations de ce type aient été observées dans certains camps de réfugiés ou quartiers précaires au Liban, favorisant ponctuellement la présence d’Anopheles. Le bon levier n’est pas l’hygiène individuelle, mais l’assainissement: drainage, couverture des réservoirs, collecte régulière des déchets et élimination des flaques persistantes.
Rappel express – c’est quoi, la malaria?
Le paludisme est une infection parasitaire due à des Plasmodium transmis surtout par la piqûre nocturne de moustiques anophèles femelles infectés. Cinq espèces infectent l’humain: Plasmodium falciparum – la plus grave, potentiellement mortelle –, Plasmodium vivax et Plasmodium ovale susceptibles de rechute. Le tableau associe le plus souvent fièvre, frissons, sueurs, céphalées, douleurs musculaires et fatigue; des troubles digestifs sont possibles. L’apparition de troubles de conscience, d’une détresse respiratoire, d’un ictère franc, de saignements ou d’une hypoglycémie impose une prise en charge urgente.
Comment confirmer et soigner, simplement?
Le diagnostic repose d’abord sur le frottis sanguin et la goutte épaisse, qui permettent de voir le parasite et de quantifier la parasitémie. Un test de diagnostic rapide peut orienter la prise en charge en attendant les résultats, tandis que la PCR peut indiquer l’espèce impliquée, si nécessaire. Côté traitement, le principe clé est d’agir sans délai: en cas de forme grave, un traitement injectable est instauré d’emblée, puis relayé par une forme orale; pour les formes non compliquées, des associations antipaludiques orales validées par le médecin sont utilisées. Pour certaines espèces susceptibles de persister à l’état dormant dans le foie, un traitement complémentaire est ajouté après la réalisation d’un test sanguin spécifique. L’essentiel, pour le public comme pour les soignants, tient en deux mots: rapidité et suivi.
En pratique, toute fièvre inexpliquée – avec ou sans voyage récent – justifie une consultation rapide. Les mesures anti-moustiques restent de bon sens: moustiquaire, répulsifs, vêtements couvrants au crépuscule, suppression des eaux stagnantes autour du domicile. Avant un déplacement en zone d’endémie, une consultation pré-voyage permet d’évaluer une prophylaxie adaptée et d’éviter les fausses sécurités.
Le Liban n’a pas de paludisme endémique, mais il n’est pas à l’abri d’épisodes sporadiques. Le message est simple: diagnostiquer tôt, déclarer sans attendre, assainir les gîtes larvaires. Une fièvre traitée aujourd’hui évite un foyer demain.




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