Bloc 8: un test de crédibilité pour la stratégie énergétique du Liban
©Ici Beyrouth

Réuni jeudi au palais présidentiel de Baabda, le Conseil des ministres a franchi deux étapes clés dans la politique énergétique du Liban: il a approuvé l’accord d’exploration pétrolière du bloc 8 et ratifié la délimitation des frontières maritimes avec Chypre.

Ces décisions traduisent la volonté du gouvernement de relancer un secteur stratégique longtemps paralysé par les incertitudes politiques et les litiges frontaliers.

En donnant son feu vert à l’exploration du bloc 8, le Cabinet cherche à transformer en projet concret un dossier enlisé depuis des années, tout en offrant un signal positif aux investisseurs étrangers.

Le bloc 8: une promesse énergétique sous haute surveillance

Le bloc 8 occupe une position stratégique dans la zone économique exclusive (ZEE) libanaise. D’une superficie de 1.400 km², cette parcelle offshore concentre une partie des espoirs gaziers du Liban depuis la signature de l’accord de délimitation maritime avec Israël, en 2022, qui a levé les derniers obstacles de souveraineté dans le sud.

Sous mandat du ministère de l’Énergie et de la Lebanese Petroleum Administration (LPA), les compagnies Geoex MCG (Royaume-Uni) et Brightskies Geoscience (Égypte) ont lancé une campagne sismique tridimensionnelle (3D) destinée à cartographier les structures du sous-sol marin. Cette opération, estimée entre 10 et 15 millions de dollars, vise à réduire le risque géologique afin d’attirer de nouveaux consortiums internationaux dans le cadre du troisième cycle de licences, ouvert en 2025 et incluant les blocs 1, 5, 8 et 10.

Les premiers résultats transmis fin 2024 indiquent la présence de formations géologiques comparables à celles du bloc 9, laissant espérer des réserves de gaz exploitables, bien qu’aucun forage exploratoire n’ait encore été autorisé. Ces données représentent aujourd’hui le principal atout commercial du Liban dans sa quête d’investisseurs.

Cette clarification intervient après un revers commercial majeur: début 2024, le consortium TotalEnergies-Eni-QatarEnergy a refusé de signer les contrats d’exploration des blocs 8 et 10, jugeant les conditions contractuelles trop rigides et peu compétitives. Ce retrait a rappelé une réalité persistante: le principal frein à l’exploitation des ressources offshore libanaises n’est pas géologique, mais institutionnel.

À ce jour, malgré des indicateurs sismiques prometteurs, aucun gisement commercialement viable n’a encore été découvert dans les eaux libanaises. Le bloc 8 devient ainsi un test de crédibilité pour la stratégie énergétique du Liban – et pour sa capacité à transformer un potentiel géologique en opportunité économique réelle.

Une décennie de litiges frontaliers

Le redémarrage du dossier s’inscrit dans une trajectoire complexe. Comme le rappelle la Fondation pour la recherche stratégique (FRS), le Liban a passé plus d’une décennie à tenter de corriger les erreurs du passé: «Imbriqués dans un conflit frontalier, le Liban et Israël n’ont longtemps pas pu s’entendre sur la délimitation de leurs frontières maritimes».

Les maladresses techniques de l’accord libano-chypriote de 2007, corrigées par le décret 6433 en 2011, avaient déplacé la frontière vers le point 23, accordant au Liban 860 km² supplémentaires. Mais les accords ultérieurs entre Israël et Chypre, fondés sur le point 1, ont consolidé un chevauchement toujours litigieux.

L’accord de 2022 avec Israël, conclu sous médiation américaine, avait partiellement levé ces ambiguïtés. En 2025, la ratification par le gouvernement libanais de l’accord maritime avec Chypre vient compléter cette dynamique, fixant enfin les contours nord de la ZEE.

Le Liban continue cependant de défendre le point 7 comme ligne de référence, plus avantageuse que le point 6 reconnu par Nicosie, et essentielle à ses futures négociations avec la Syrie, où un différend d’environ 750 km² demeure actif.

La conjoncture internationale redonne au dossier une importance stratégique. À l’heure où l’Europe cherche de nouveaux partenaires gaziers et où les grandes compagnies redéploient leurs stratégies vers des zones politiquement stables, le Liban ne peut plus se permettre le luxe du désordre interne.


 

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