Le gouverneur de la région du Darfour au Soudan a appelé lundi à la protection des civils piégés à El-Facher, au lendemain de l'annonce par les paramilitaires de la conquête de cette ville stratégique affamée.
El-Facher était la dernière ville qui échappait au contrôle des paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) au Darfour dans l'ouest du pays en guerre depuis 2023.
L'armée n'a pas officiellement réagi à l'annonce des FSR qui ont proclamé leur «victoire» après la prise du quartier général de l'armée dans la ville.
Toutes les communications satellite starlink - le seul réseau fonctionnel - ont été coupées à El-Facher, laissant la ville dans un «black out médiatique», selon le Syndicat des journalistes soudanais.
Ces dernières heures, les paramilitaires ont diffusé des vidéos où l'on voit des centaines d'hommes en tenue civile assis par terre entourés de combattants en tenue paramilitaire. Ces hommes sont présentés dans les vidéos comme des prisonniers des rangs de l'armée ou des forces conjointes alliées.
«Nous exigeons la protection des civils, la révélation du sort des déplacés et une enquête indépendante sur les violations et les crimes» des paramilitaires, a dit le gouverneur pro-armée du Darfour Minni Minnawi dans un message sur X.
«La chute d'El-Facher ne signifie pas que l'avenir du Darfour sera livré à des groupes violents ou à des intérêts corrompus et mercenaires», a-t-il affirmé, alors que la situation reste très confuse sur le terrain.
Lundi, les combats se poursuivaient autour de l'aéroport d'El-Facher et dans plusieurs zones de l'ouest de la ville, selon un communiqué du groupe de résistance locale, un groupe de civils qui documente le conflit opposant l'armée aux FSR.
Il souligné «l'absence totale d'appui aérien» de l'armée face aux «bombardements intensifs» des FSR conduits par le général Mohamed Hamdane Daglo.
«Corridors humanitaires»
Le général Abdel Fattah al-Burhane, chef de l'armée et dirigeant de facto du Soudan depuis le coup d'Etat de 2021, a fait savoir dimanche qu'il avait «abordé le siège imposé par la milice de soutien rapide à la ville d'El-Facher» lors d'un entretien avec l'ambassadeur turc à Port-Soudan, ville de l'est du pays.
Le chef des opérations humanitaires de l'ONU, Tom Fletcher, a demandé un passage sûr pour les civils: «avec les combattants avançant dans la ville et les voies d'évacuation coupées, des centaines de milliers de civils sont piégés et terrifiés - bombardés, affamés, et sans accès à la nourriture, aux soins ou à la sécurité».
L'émissaire américain pour l'Afrique, Massad Boulos, a aussi appelé les FSR à ouvrir «des corridors humanitaires» afin de permettre l'évacuation des civils.
Malgré les déclarations répétées des FSR sur la protection des civils, le groupe de résistance a dénoncé des exactions de leur part: «les innocents subissent les pires formes de violence et de nettoyage ethnique».
Le syndicat des journalistes a exprimé «sa profonde inquiétude pour la sécurité des journalistes présents à El-Facher, dans ces conditions exceptionnelles et difficiles».
Un journaliste indépendant, Maamar Ibrahim, se trouve aux mains des FSR depuis dimanche, selon le syndicat et d'après des images diffusées sur les réseaux sociaux où on le voit entouré de paramilitaires.
Ces derniers mois, el-Facher est devenu l'un des principaux fronts du conflit qui a fait depuis 2023 des dizaines de milliers de morts, déplacé des millions de personnes et provoqué ce que l'ONU qualifie de «pire crise humanitaire» au monde.
Selon l'ONU, 260.000 civils, dont la moitié sont des enfants, sont dépourvus de nourriture, d'eau et de soins à el-Facher. Plus d'un million de personnes ont fui la ville depuis le début de la guerre.
La prise de cette ville, si elle se confirme, représenterait un tournant majeur dans la guerre, confortant les positions des FSR dans la vaste région du Darfour où les paramilitaires ont installé un gouvernement parallèle.
Le Soudan, déjà amputé du Sud en 2011, risque à terme de se fragmenter, selon les experts. Et malgré des efforts internationaux pour un cessez-le-feu, les deux camps, tous deux accusés d'exactions sur les civils, restent sourds aux appels à négocier.
AFP



Commentaires