Connu pour être un avant-gardiste et un mystique, Rick Owens réinvente la mode tel un rituel sacré. Avec son exposition Temple of Love, le Palais Galliera revêt la peau d’une cathédrale païenne, où le noir, la lumière se marient dans un acte de foi esthétique et chaotique à la fois.
Le Palais Galliera accueille depuis juin dernier l’exposition Rick Owens: Temple of Love. Cette rétrospective parisienne est la première dédiée au créateur excentrique californien. Inventée comme un ensemble artistique total, cette création redessine les limites du musée de la Mode. Il devient sanctuaire sensoriel. En visiter chaque coin et recoin bouleverse les sens et recrée le tout en lumière, s’alliant à la matière conçue par l’artiste dans un concept unique et saisissant.
Né en 1961 à Porterville, Rick Owens fait ses débuts en tant que patronnier à Los Angeles avant de fonder sa marque en 1992. Ses toutes premières créations trouvent leur source dans des matériaux récupérés, sacs militaires, couvertures d’armée, cuirs lavés. Cette forme d’upcyclage, du temps où le terme n’existait pas encore, affirment déjà un goût pour la structure, la rigueur et les teintes froides, en particulier le gris poussiéreux ou «dust», devenu sa signature.
Installé à Paris depuis 2003, Rick Owens s’inspire fortement de la culture environnementale. Il s’affirme en créateur indépendant, libre, et provocateur. Il crée inlassablement, avec sa propre signature particulière, et sans excuses. Ses défilés sont incessamment une prise de position politique ancrée dans une performance artistique. Son travail redonne force et légitimité aux femmes et condamne toute sorte de domination. Il libère même ses mannequins des codes de défilés traditionnels. Leur marche ne se fait plus au millimètre près. Dans ses défilés, on peut voir des danseuses afro-américaines prendre le podium ou encore la nudité masculine refléter vulnérabilité et pouvoir. À la manière du peintre et graveur Edward Hopper qui s’inspire de sa femme Jo dans quasiment toutes ses toiles, de Picasso qui représente inlassablement Dora Maar, la présence de Michèle Lamy, la muse et compagne de Rick Owens, conquiert chaque espace et va jusqu’à la reconstitution de leur chambre californienne. Sa source d’inspiration n’a pas de limites; l’artiste va puiser dans des créations de Gustave Moreau, Joseph Beuys ou Steven Parrino.
Visiter l’exposition est une ouverture vers un nouveau monde et un échappatoire à l’esprit enfermé dans des chemins mille fois battus. La première salle, enrobée d’une pénombre de feutre brun, met en relief des silhouettes figées dans un rituel sacré. Neuf chapelles thématiques retracent son enfance catholique, l’âge d’or hollywoodien, le tailoring de Charles James ou la scène punk et gothique qui l’inspire dans son esthétique brute.
Rick Owens ouvre les rideaux du musée, laissant pénétrer la lumière naturelle, une première à Galliera. Pour lui, le textile est délicat, mais le tissus vibre. Tout devient acte poétique. Tout est refus catégorique du fétichisme neuf.
Dans un espace conçu pour adultes, il célèbre la joie de la décadence et les créatures joyeusement dépravées, personnifiant cette tension constante entre sacré et violation. Au centre, une sculpture grandeur nature du créateur personnifie ironie et foi qui irriguent toute son œuvre.
À l’extérieur, trente sculptures brutalistes en béton, les Prongs, parsèment le jardin recréé, où fleurissent les ipomées bleues de son enfance. Sur la façade Renaissance, trois statues sont drapées de capes brodées de sequins, devenant les Sisters of Mercy tournées vers le Palais de Tokyo. L’amour, la différence, la fragilité et les cultes païens sont au centre de l’œuvre de Rick Owens. Temple of Love est une ode à la création.
L’exposition est en cours jusqu’au 4 janvier 2026.




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