Bagdad s’apprête à voter. Le 11 novembre, près de 21 millions et demi d’Irakiens, inscrits, sont appelés à élire les 329 députés du Conseil des représentants. Un scrutin décisif, dans un pays pris entre les blocages politiques et l’espoir d’un changement. L’Irak est à la recherche d’un nouvel équilibre, loin des tensions communautaires, de la corruption et de l’influence des puissances étrangères. Mais le ton est déjà donné.
La campagne électorale a débuté dans un climat très tendu. Le 15 octobre dernier, Safaa al-Mashhadani, candidat sunnite du Conseil provincial de Bagdad, a été tué lorsqu’une bombe placée sous sa voiture a explosé à Tarmiyah, au nord de la capitale. Trois de ses gardes du corps ont été grièvement blessés. Cet assassinat, le premier depuis le début de la campagne, a choqué l’opinion et relancé les craintes de violences politiques à l’approche du scrutin. Le Parlement a ouvert une commission d’enquête et le Premier ministre, Mohammed Chia al-Soudani, a ordonné l’arrestation des auteurs présumés.
Une mécanique électorale bien huilée, mais contestée
Les élections seront organisées sous la supervision de la Commission indépendante des élections (IHEC). Au total: 31 alliances, 38 partis et 75 listes indépendantes sont en lice. Chaque gouvernorat forme une circonscription unique. La répartition des sièges se fera selon la méthode dite de Sainte-Laguë (1,7), un système de proportionnelle qui divise le total des voix par un facteur constant pour attribuer les sièges selon le poids des partis.
La loi électorale nᵒ 12 de 2018, amendée en 2023, garantit une représentation minimale de 25% de femmes, soit au moins 83 députées, et réserve des sièges à plusieurs minorités: chrétiens, yézidis, sabéens, kurdes feylis et turkmènes. Ces quotas visent à préserver la diversité confessionnelle du pays, même si, dans les faits, les grands blocs chiites, sunnites et kurdes restent dominants.
Un test pour Mohammed Chia al-Soudani
En poste depuis le 27 octobre 2022, le Premier ministre cherche à décrocher un second mandat. Mohammed Chia al-Soudani est soutenu par les partis chiites pro-iraniens. Il veut apparaître comme un garant de stabilité. Mais l’équilibre reste précaire: l’Irak doit composer avec les milices, la rivalité entre Washington et Téhéran, et une société épuisée par les pénuries et la corruption. Soudani tente alors de convaincre qu’il maîtrise la situation, tout en préservant la neutralité de l’État dans une région instable et constamment sous tension.
Muqtada al-Sadr: absent mais omniprésent
Le leader chitte Muqtada al-Sadr, figure nationale dotée d’une large base populaire, a confirmé le 27 mars 2025, dans une lettre publiée par le site irakien Al-Alam al-Jadid, cité par Courrier International, qu’il boycottera les élections. «Tant que la corruption perdurera, je ne participerai à aucun processus électoral boiteux», écrivait-il, accusant les partis politiques d’être au service de puissances étrangères. Lors des législatives de 2021, son mouvement avait remporté 73 sièges, avant de se retirer du Parlement dans une crise sans issue. Son absence risque donc d’affaiblir la légimité du futur scrutin.
Les urnes et les armes
Le silence électoral s’imposera 24 heures avant le scrutin. Les résultats préliminaires seront publiés dans la journée suivant le vote, avant vérification manuelle et électronique. Les résultats définitifs seront ensuite validés par la Cour suprême fédérale, après examen des recours. Le Parlement actuel continuera de siéger jusqu'à la prestation de serment des nouveaux députés, prévue début janvier 2026.
L’Irak veut prouver, avant, durant et après le scrutin, qu’il peut voter sans violence. Mais l’assassinat de Safaa al-Mashhadani rappelle la fragilité d’un système encore gangréné par les armes. À l’approche du 11 novembre, les Irakiens oscillent entre l’espoir d’un renouveau démocratique et la peur de replonger dans le chaos.



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