Assureurs libanais: prudence et opportunités sur le marché syrien
©Ici Beyrouth

Les compagnies d’assurance libanaises connaissent bien le marché syrien. Elles y ont pris pied il y a plusieurs décennies, lorsque le régime de Hafez el-Assad a ouvert la porte au secteur privé. Mais avec l’imposition des sanctions internationales, la plupart ont plié bagage, préférant se retirer d’un marché devenu trop risqué.

À ce jour, toute tentative de retour sur le marché syrien est jugée prématurée, selon une source du secteur de l’assurance interrogée par Ici Beyrouth. «Deux conditions au minimum doivent être réunies: que les grands réassureurs acceptent d’y opérer et que les transferts de dollars vers et depuis la Syrie soient autorisés», d’après cette  source.

Les sanctions américaines, imposées à la Syrie dans le cadre de la loi César, restent en vigueur, rappelle-t-on de même source. D’ailleurs, le ministre syrien de l’Économie, Mohammad Nidal el-Chaar, a exprimé, dans une interview accordée mardi à Reuters, l’espoir que «les sanctions américaines contre la Syrie soient officiellement levées dans les mois à venir».

Un marché prometteur

Malgré les défis, les compagnies libanaises se préparent activement à tirer parti du marché syrien, qui recèle un potentiel considérable. Les besoins sont multiples, notamment dans le domaine des polices couvrant la reconstruction technique, les travaux d’ingénierie et les projets de construction complexes. Ces contrats, appelés «assurance responsabilité et risques d’ingénierie» ou «assurance construction et génie civil», protègent contre les dommages matériels, assurent la reconstruction après sinistre et couvrent parfois la responsabilité civile associée aux travaux.

L’assurance «fronting»: un mécanisme stratégique

Selon un professionnel du secteur interrogé par Ici Beyrouth, «les choses bougent en Syrie», en référence à la signature récente de gros contrats d’assurance responsabilité et risques d’ingénierie sous forme de fronting. Cette pratique consiste à ce qu’une compagnie locale émette une police pour le compte d’un assureur étranger, sans réellement conserver le risque principal. En d’autres termes, la société locale joue le rôle de visage officiel pour respecter la réglementation nationale, tandis que le risque est transféré à l’assureur étranger via la réassurance. Le fronting est ainsi avant tout un mécanisme réglementaire et commercial, plutôt qu’un transfert réel de risque sur le marché local.

La proximité géographique, un atout stratégique

Si d’autres marchés régionaux, comme Dubaï, Abou Dhabi, l’Arabie saoudite ou l’Égypte, attirent par leur potentiel, y accéder n’est pas à la portée de toutes les compagnies. Les assureurs libanais doivent mobiliser des dizaines de millions de dollars de capitaux propres pour répondre aux exigences locales. En outre, les régulateurs imposent des conditions strictes en matière de gouvernance, de conformité aux normes internationales, et surtout de provisions et de liquidités.

«La Syrie reste plus simple à pénétrer et, de surcroît, beaucoup plus proche du Liban», souligne une source du secteur, mettant en lumière un avantage géographique et opérationnel non négligeable.

Des compagnies libanaises toujours présentes

Malgré la tourmente, certaines compagnies libanaises, dont Arope, Adir, Arabia et UCA, ont choisi de maintenir leurs activités en Syrie. Les sanctions occidentales les ont contraintes à déconsolider leurs bilans au Liban et à faire face à la dévaluation de la livre syrienne, mais elles continuent d’émettre des polices d’assurance dans toutes les catégories.

Pour sécuriser leurs opérations, ces compagnies se réassurent principalement auprès de l'Arab Union Reinsurance Company – une joint-venture entre la Syrie, la Libye et l’Égypte, fondée en 1974 – et de Syria Re, fondée en 2004. Cette dernière a renforcé ses partenariats avec des réassureurs russes et iraniens, tels que Rosgosstrakh et Alborz Insurance Company, afin de pallier les restrictions imposées par les sanctions occidentales.

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