En Irak, des élections législatives suivies de près par Téhéran
L’Irak s’apprête à voter le 11 novembre lors d’élections décisives, sous l’œil attentif de Téhéran et de Washington. ©AHMAD AL-RUBAYE / AFP

L'Irak organise le 11 novembre des élections législatives suivies de près par Téhéran, qui espère y préserver son influence après avoir vu son poids régional reculer ces deux dernières années.

L'Iran conserve plusieurs leviers à Bagdad, via des partis chiites ayant joué un rôle clé dans la désignation des Premiers ministres - dont l'actuel, Mohamed Chia al-Soudani - et des factions armées alliées.

Depuis le début de la guerre à Gaza en 2023, les alliés de la République islamique - Hamas, Hezbollah au Liban, Houthis au Yémen - ont subi de lourdes pertes face à Israël, qui a aussi mené en juin une guerre de 12 jours contre l'Iran. Téhéran a en outre perdu un allié majeur avec la chute de Bachar al-Assad en Syrie fin 2024.

Dans ce contexte, l'Irak maintient un équilibre fragile entre Téhéran et Washington.

Des groupes pro-iraniens ont revendiqué des tirs contre des positions américaines en Irak, suivis de frappes de représailles américaines.

Affaibli sur la scène régionale, l'Iran entend consolider ses acquis dans un pays qui, depuis l'invasion américaine de 2003, constitue l'un des points d'ancrage de son influence régionale.

«Téhéran conserve son influence tant que ses alliés détiennent le pouvoir de décision», dit à l'AFP l'analyste politique Ihsan al-Chammari.

«L'Iran n'est plus aujourd'hui en position d'imposer ses conditions (...) mais cela ne signifie pas qu'il n'essaiera pas de peser», tempère Munqith Dagher, directeur du think tank IIACSS.

«Élection bancale» 

Lors des législatives de 2021, le courant du leader chiite Moqtada Sadr avait remporté le plus grand nombre de sièges avant de se retirer du Parlement, laissant la majorité à la coalition pro-iranienne «Cadre de coordination», qui a porté M. Soudani au pouvoir.

Cette année, M. Sadr a refusé de participer à une «élection bancale, dominée par les intérêts sectaires, ethniques et partisans», appelant ses partisans à boycotter le scrutin.

Le scrutin du 11 novembre est le sixième depuis la chute de Saddam Hussein en 2003. Il vise à élire 329 députés pour un mandat de quatre ans, ouvrant la voie à la désignation d'un nouveau président - poste largement honorifique réservé à un Kurde - et d'un Premier ministre - traditionnellement chiite - choisi après de longues tractations.

«Les Irakiens perçoivent de plus en plus les élections comme un spectacle sans réel impact sur la gouvernance», observe un rapport du think tank britannique Chatham House, prévoyant une participation «au plus bas depuis 2003».

Ibrahim al-Soumaidaie, ancien conseiller du Premier ministre, discerne pour sa part «une volonté américaine de provoquer un changement réel dans la scène intérieure, peut-être au-delà de l'acteur iranien».

L'administration Trump a nommé un envoyé spécial pour l'Irak, Mark Savaya, d'origine irakienne, qui a insisté sur la nécessité de voir l'Irak «libéré des ingérences étrangères malveillantes, notamment celles de l'Iran et de ses supplétifs».

«Il n'y a pas de place pour des groupes armés opérant en dehors de l'autorité de l'État», a-t-il encore martelé cette semaine.

«Mesures concrètes» face à Téhéran 

Pour Tamer Badawi, chercheur au Royal United Services Institute (RUSI) à Londres, Washington «attend du futur Premier ministre qu'il prenne des mesures concrètes pour réduire l'influence iranienne, quelle que soit l'issue du scrutin».

«Les États-Unis ne veulent pas voir un gouvernement ou des ministères clés dominés par les alliés de Téhéran, ni que l'Iran utilise l'Irak comme une plateforme pour revendre son pétrole ou obtenir des devises fortes», ajoute-t-il.

Les États-Unis maintiennent quelque 2.500 soldats en Irak et 900 en Syrie, dans le cadre de la coalition internationale contre le groupe jihadiste État islamique, et ont sanctionné des Irakiens accusés d'aider Téhéran à contourner les sanctions américaines.

Washington a également renforcé sa présence économique à travers des contrats dans le pétrole, la technologie et la santé.

Le 11 novembre, plus de 21,4 millions d'électeurs - sur environ 46 millions d'Irakiens - devront départager plus de 7.700 candidats, dont près d'un tiers de femmes.

Les femmes doivent occuper au moins 25% des sièges, selon un système de quotas, tandis que neuf sont réservés aux minorités.

Le scrutin inclut la région autonome du Kurdistan, où la rivalité historique entre le Parti démocratique du Kurdistan (PDK) et l'Union patriotique du Kurdistan (UPK) reste vive.

Avec AFP

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