Photographe iconique du quotidien britannique, Martin Parr dresse dans son autobiographie visuelle Complètement paresseux et étourdi, un demi-siècle d’observations sur nos travers modernes : consumérisme, tourisme de masse et absurdités du monde globalisé. À 73 ans, le membre de l’agence Magnum livre un regard à la fois critique et ironique sur une société «trop riche» et «trop gourmande», à la veille d’une grande rétrospective au musée du Jeu de Paume.
Tourisme de masse, consumérisme, empreinte carbone: «Nous sommes tous trop riches et nous consommons beaucoup trop», dénonce le célèbre photographe britannique Martin Parr, qui capte depuis 50 ans les bizarreries du quotidien.
«L'état dans lequel nous sommes tous est affligeant», a déclaré lors d'une rencontre avec l'AFP le photographe de 73 ans, qui sort une autobiographie visuelle sous forme de 150 clichés accompagnés de textes rédigés par lui-même et Wendy Jones.
Martin Parr a photographié avec humour pendant 50 ans le quotidien de ses compatriotes, des plages de Brighton aux garden-parties chapeautées, captant l'absurdité du quotidien.
«Nous sommes tous trop riches et nous consommons beaucoup trop de choses», observe celui qui a capturé sous toutes ses coutures la société occidentale, via le tourisme de masse, le consumérisme, les loisirs ou encore le luxe.
Évoquant les vagues de touristes déferlant sur des villes comme Rome ou Venise, Martin Parr dénonce un mode de vie qui n'est «pas durable». «Cette blague sur l'atteinte du zéro émission nette (de gaz à effet de serre) ne se concrétisera jamais», déplore-t-il.
Martin Parr a titré son autobiographie Complètement paresseux et étourdi, empruntant à une ancienne professeure de français l'appréciation qu'elle avait portée sur l'un de ses bulletins scolaires à l'âge de 14 ans.
Globe-trotter
Le livre retrace son parcours de fils d'ornithologue devenu photographe avec un œil aiguisé pour le quotidien.
Parmi les photos sélectionnées dans l'ouvrage, on retrouve le tout premier drive-in McDonald's d'Irlande ouvert en 1986, les toilettes d'une loge maçonnique à Londres en 2001 ou un adulte serrant une poupée à l'effigie de Donald Trump en 2016 avant son élection à la présidence des États-Unis.
Martin Parr a parcouru la planète, de la Corée du Nord à l'Albanie en passant par le Japon et la Russie, photographiant partout où il allait.
Il aurait aimé visiter l'Iran mais n'a jamais pu avoir de visa, assure-t-il.
Mais son terrain de prédilection restera toujours le supermarché. Les lieux de consommation du quotidien sont toujours pertinents en 2025, insiste ce membre de la prestigieuse agence Magnum, «parce qu'ils évoluent constamment».
«Maintenant vous n'avez même plus besoin de passer à la caisse, vous sortez simplement du magasin», s'étonne Martin Parr, en référence aux magasins où un système de suivi facture directement les consommateurs.
Son autobiographie visuelle couvre une période allant de l'observation des trains à vapeur aux voitures électriques Tesla.
Smartphones
En passant par le plus grand changement sociétal de sa vie, l'avènement des smartphones. «Ils ont bouleversé certains aspects comme le tourisme, et la manière dont les gens font les choses», déclare-t-il.
La visite d'un site touristique devient seulement un prétexte pour prendre une photo, observe-t-il.
«Vous collectez des points, comme vous le feriez pour un jeu», ajoute le photographe, dont plus de 100 publications figurent dans un de ses livres intitulé Death by Selfie (Mort par selfie).
Pour lui, l'émergence de l'intelligence artificielle est moins préoccupante.
«J'ai vu des interprétations de mon travail faites par des IA, elles sont horribles», indique-t-il. «Ca s'améliorera, mais ça ne m'inquiète pas du tout», complète celui qui s'est inspiré des codes de la photographie de mode et de la publicité pour son œuvre.
Il a déjà vu plusieurs livres sur sa vie apparaitre en ligne. «Ils sont tous générés par une IA (...), horribles en général», s'amuse Martin Parr.
À partir du 30 janvier, le photographe sera au centre d'une nouvelle rétrospective intitulée «Global Warning» au musée du Jeu de Paume, à Paris.
Par Alice HACKMAN / AFP



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