Le dirigeant syrien Ahmad al-Chareh est reçu lundi par Donald Trump à Washington, première visite d'un président syrien à la Maison Blanche et consécration pour l'ancien jihadiste qui en moins d'un an de pouvoir a sorti son pays de l'isolement.
Lors de cette visite historique, Damas devrait signer un accord pour rejoindre la coalition internationale antijihadiste emmenée par les États-Unis, selon l'émissaire américain pour la Syrie, Tom Barrack.
Les États-Unis pour leur part prévoient d'établir une base militaire près de Damas, a indiqué à l'AFP une source diplomatique en Syrie.
Le pays, sorti de plus de 13 ans de guerre civile, cherche aussi à garantir des fonds pour sa reconstruction, un chantier dont le coût pourrait dépasser les 216 milliards de dollars selon la Banque mondiale.
Jeudi, le Conseil de sécurité de l'ONU a levé les sanctions contre M. Chareh, qui jusqu'à présent avait besoin d'une exemption des Nations unies pour chaque déplacement international.
La résolution préparée par les États-Unis salue l'engagement des nouvelles autorités de M. Chareh, qui il y a encore un an dirigeait le groupe Hayat Tahrir al-Sham (HTS), l'ancienne branche syrienne d'Al-Qaïda, à «lutter contre le terrorisme».
C'est au titre de chef de HTS, qui à la tête d'une coalition islamiste a renversé Bachar al-Assad le 8 décembre 2024, que Chareh était inscrit depuis 2013 sur la liste des sanctions de l'ONU.
Mais dès sa prise du pouvoir, il a clairement rompu avec son passé jihadiste, multipliant les ouvertures envers l'Occident, les pays de la région, dont les riches monarchies arabes et engageant des négociations avec Israël, avec lequel son pays est théoriquement en état de guerre.
Base américaine près de Damas
M. Chareh s'était déjà rendu à New York en septembre pour s'adresser au Conseil de sécurité de l'ONU.
Mais sa visite à Washington «est la première dans l'histoire de la Syrie moderne d'un président syrien à la Maison Blanche», bien avant que le clan Assad prenne le pouvoir en 1971, souligne à l'AFP l'historien Sami Moubayed.
Cette visite «ouvre un nouveau chapitre dans la politique américaine au Moyen-Orient», estime l'analyste Nick Heras, du New Lines Institute for Strategy and Policy.
«Trump amène Chareh à la Maison Blanche pour dire qu'il n'est plus un terroriste (...) mais un dirigeant pragmatique et, surtout, flexible qui, sous la direction américaine et saoudienne, fera de la Syrie un pilier régional stratégique», explique-t-il.
De son côté, «Chareh veut la bénédiction de Trump pour débloquer des milliards de dollars (...) pour reconstruire la Syrie et consolider son contrôle sur le pays».
Donald Trump avait déjà rencontré le dirigeant syrien pendant un voyage dans le Golfe en mai et avait annoncé la levée des sanctions américaines contre la Syrie.
De plus, le Royaume Uni a annoncé vendredi avoir aussi levé les sanctions contre la Syrie.
Une source diplomatique en Syrie a indiqué à l'AFP que les États-Unis avaient «l'intention d'établir une base militaire à l'aéroport militaire de Mazzeh, près de Damas, pour coordonner l'aide humanitaire et observer les développements entre la Syrie et Israël».
Selon une autre source diplomatique syrienne, «la question du ralliement de la Syrie à la coalition antijihadiste figurera en tête de l'agenda» de la rencontre à la Maison Blanche.
Jusqu'à présent, la majorité des troupes américaines déployées en Syrie sont basées dans les zones sous contrôle des forces kurdes dans le nord-est.
Le groupe jihadiste Etat Islamique (EI) a été défait en 2019 en Syrie par la coalition et les Forces démocratiques syriennes (FDS), conduites par les Kurdes, qui négocient actuellement leur intégration dans l'armée syrienne.
«Influence israélienne»
Les deux hommes vont également évoquer les négociations directes entamées par les autorités syriennes avec Israël.
M. Trump avait pressé en mai le dirigeant syrien de rejoindre les accords d'Abraham, qui avaient vu plusieurs pays arabes reconnaître Israël en 2020.
Mais M. Chareh a dit en septembre que les négociations visaient à conclure un accord de sécurité en vertu duquel Israël se retirerait des zones du sud de la Syrie qu'il occupe depuis la chute d'Assad et mettrait fin à ses attaques.
Depuis décembre, la Syrie est la cible d'attaques et d'incursions répétées d'Israël, auxquelles elle n'a pas riposté.
Pour Nick Heras, «la vision de Trump pour la Syrie inclut une influence israélienne significative sur une partie stratégique du pays pour les années à venir».
Par Maher AL MOUNES, avec Acil TABBARA – AFP



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