Saison sèche au Liban: urgence agricole et espoir fragile 
Le Liban subit une année exceptionnellement sèche, avec un automne marqué par un déficit important de précipitations. ©Shuttertock

Le Liban subit une année exceptionnellement sèche, avec un automne marqué par un déficit important de précipitations. Selon le ministre de l’Énergie et de l’Eau, la baisse des pluies cette année a atteint environ 51% par rapport à la moyenne. L’hiver 2024-2025 avait déjà été particulièrement pauvre en précipitations, avec seulement 382 mm enregistrés à Beyrouth, contre 1.051 mm l’année précédente, alors que la moyenne nationale tourne autour de 800 mm.

Depuis le début de la saison automnale, à peine 20 à 30 mm de pluie ont été relevés, essentiellement dans le Liban-Nord, alors que la normale se situe autour de 100 mm, indique le météorologue, père Elie Khneisser, à Ici Beyrouth.

Les ressources en eau ont été gravement affectées. Le lac de Qaraoun, principal réservoir naturel du pays, est tombé à 45 millions de mètres cubes, contre 230 millions en 2024, pour une moyenne annuelle de 350 millions. Plus inquiétant encore, les 60 millions de mètres cubes restants sont inutilisables en raison d’une forte pollution. Les nappes phréatiques ne se rechargent plus, entraînant une baisse de 30% du débit des sources et rivières, dont le Litani, et un rationnement sévère, notamment à Beyrouth et dans le Mont-Liban.

Des agriculteurs à bout de souffle

Le secteur agricole, vital pour l’économie rurale, est en grande difficulté. Selon un rapport récent du CNRS, la superficie des champs de blé a chuté de 26%, tandis que les terres agricoles exploitées ont reculé de plus de 53%. Le nombre de champs de blé est passé de 15.691 en 2016 à 11.638 en 2024.

Face à cette situation, de nombreux agriculteurs doivent puiser dans des puits de plus en plus profonds – parfois à plus de 50 mètres – pour maintenir la production. La sécheresse actuelle est donc bien plus qu’un phénomène météorologique: elle constitue un enjeu environnemental, économique et social majeur.

Contacté par Ici Beyrouth, Ibrahim Tarchichi, président de l’Association des agriculteurs de la Békaa, confirme la gravité de la situation. «Le blé est la culture la plus touchée cette année dans la Békaa, tout comme les raisins, les tomates et les agrumes. La situation est similaire dans le sud et le nord du pays», explique-t-il.

Il souligne que la saison pluviale, habituellement amorcée début octobre, est pratiquement inexistante: «Nous aurions dû enregistrer environ 130 mm de pluie jusqu’à présent, mais à Tal Amara, nous n’avons eu que 2 mm. L’an dernier, à la même période, on avait déjà atteint 25 mm.»

Les agriculteurs tentent de s’adapter en optimisant l’utilisation de l’eau grâce à de nouvelles technologies d’irrigation, mais ces efforts ne suffisent pas. «Toutes les réserves d’eau ont été consommées l’an dernier. L’État doit intervenir d’urgence en construisant des bassins et des barrages efficaces, en recyclant les eaux usées et en autorisant le forage de puits profonds, jusqu’à 400 mètres, pour éviter une catastrophe agricole», avertit M. Tarchichi.

Certaines cultures, poursuit-il, risquent de ne plus être adaptées au climat local. «Par exemple, l’irrigation du blé, qui commence normalement en avril, devient de plus en plus difficile.» Et de conclure: «Si la tendance se poursuit, la prochaine saison pourrait être encore plus sèche.»

Un phénomène préoccupant mais encore réversible

De son côté, le père Elie Khneisser appelle à la nuance. Tout en reconnaissant la gravité du déficit pluviométrique, il souligne l’importance de replacer la situation dans une perspective scientifique. Il rappelle que la différence entre climat et saison est cruciale pour juger une sécheresse. Une saison correspond à une période de l’année avec certaines conditions météorologiques, tandis que le climat se mesure sur plusieurs décennies et reflète les tendances générales. Une saison sèche ne signifie pas nécessairement que le pays traverse une sécheresse structurelle. Après une saison très humide en 2023-2024 avec un surplus de pluie et des inondations, un épisode sec est normal, car le climat fonctionne par cycles. 

Selon lui, les anomalies actuelles s’expliquent par des pressions atmosphériques défavorables qui bloquent les systèmes pluvieux au-dessus du Liban, tandis que les nuages chargés de pluie se déplacent vers le nord, en direction de la Turquie et de l’Europe. Le météorologue se veut néanmoins optimiste: «Les prochaines semaines pourraient marquer un rééquilibrage, avec un retour massif des pluies à partir de la mi-novembre, en lien avec les mouvements de l’Atlantique et les variations du pôle Nord.»

S’il juge la situation préoccupante, le père Khneisser insiste sur la nécessité d’en tirer les leçons plutôt que de céder à la panique: «C’est un signal d’alerte, pas une catastrophe.» Il appelle à mettre en œuvre des mesures de conservation de l’eau, à développer les infrastructures de stockage et à adapter les cultures aux nouvelles conditions climatiques.

La crise est déjà bien réelle. Dans un pays fragilisé par la crise économique et sécuritaire (guerre au Liban-Sud et dans la Békaa), produire moins d’eau tout en en consommant davantage – que ce soit pour l’agriculture ou les besoins domestiques – accentue la pression sur des ressources déjà limitées. Les prochains mois seront décisifs pour évaluer le développement de cette situation préoccupante.

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