Le financement du Hezbollah continue de susciter de vives interrogations. Un bras de fer s’engage entre la légalité internationale et la milice, qui multiplie les stratagèmes pour préserver ses ressources. D’après plusieurs sources, elle aurait même recours au dollar numérique — en particulier au Tether — pour assurer sa survie financière.
La délégation du Trésor américain, en mission exploratoire au Liban la semaine dernière, a révélé que le groupe pro-iranien aurait perçu au moins un milliard de dollars, remis en espèces — au porteur — via les frontières terrestres et aéroportuaires, ainsi que via des portefeuilles numériques et l’utilisation de cryptomonnaies.
Un tel montant n’est pas négligeable dans le contexte libanais, sachant que le budget de l’État s’élève à moins de 4 milliards de dollars.
Au Liban, aucun cadre législatif spécifique ne régit actuellement les marchés des cryptomonnaies. Seule une décision prise en 2018 par l’Autorité des marchés de capitaux interdit aux institutions financières d’en détenir.
L’utilisation des cryptomonnaies, en particulier du Tether (USDT), soulève la question de la traçabilité des opérations effectuées avec ces actifs numériques surtout qu’il sert de «dollar numérique» dans le trading de crypto.
Le USDT, un dollar parallèle
Le Hezbollah aurait eu recours au Tether (USDT), une cryptomonnaie classée parmi les « stablecoins », réputée pour sa stabilité. Contrairement aux devises numériques classiques, l’USDT est adossé à des réserves financières telles que des dollars ou des bons du Trésor américain, ce qui garantit sa parité avec le billet vert : 1 USDT équivaut, en principe, à 1 dollar.
Aujourd’hui, l’USDT est la monnaie stable la plus échangée au monde, avec des volumes quotidiens pouvant atteindre les 190 milliards de dollars. Dans plusieurs pays en crise ou sous sanctions internationales — notamment pour blanchiment d’argent ou financement du terrorisme — il s’impose comme un « dollar parallèle ». Il offre les avantages de la devise américaine sans passer par les circuits bancaires traditionnels ni manipuler de liquidités physiques.
Facile d’accès via une simple application mobile, il contourne les pénuries de dollars et les restrictions bancaires. Grâce à la technologie blockchain, les transferts sont instantanés d’une personne à l’autre et peu coûteux.
Ainsi, un commerçant libanais peut être réglé en USDT par un client irakien en deux minutes. Un étudiant turc peut recevoir une aide financière depuis l’Europe en un clin d’œil.
Les changeurs dans le viseur
Si les changeurs locaux attirent l’attention des autorités de contrôle, c’est parce qu’au Liban – comme dans d’autres pays en crise et inscrits sur la liste grise du GAFI – la conversion de l’USDT s’effectue largement dans des bureaux de change privés, en OTC ou de gré à gré. Concrètement, les utilisateurs envoient leurs USDT depuis leurs wallets, et reçoivent en échange des billets en dollars. Un mécanisme rapide, anonyme et surtout indépendant du système bancaire.
Pourtant, la voie la plus «propre» pour revenir vers la banque reste le passage par une plateforme d’échange telle que Binance, Coinbase, Kraken, ByBit ou OKX. L’opération est simple : transférer ses USDT vers l’une de ces plateformes, puis retirer les dollars sur un compte bancaire, une carte ou même un compte PayPal, selon les options disponibles.
Une méthode, particulièrement prisée, des importateurs et exportateurs réguliers.
Traçabilité possible, mais pas automatique
Le Tether circule sur plusieurs blockchains — Ethereum (ERC-20), Tron (TRC-20), Solana et d’autres — des registres électroniques publics réputés infalsifiables. Sur ces réseaux, chaque transaction est visible et peut être suivie via des outils comme Etherscan ou Tronscan. En théorie, les flux sont donc traçables.
En pratique, tout dépend de la capacité à relier une adresse à une personne physique. Ces adresses étant des pseudonymes, on peut observer les mouvements de fonds, sans pour autant identifier leurs propriétaires. Pour lever ce voile, les autorités s'appuient sur les plateformes centralisées — où une pièce d’identité est généralement requise — ainsi que sur des techniques avancées d'analyse blockchain. Le Trésor américain combine d’ailleurs ces analyses aux données fournies par les plateformes régulées pour remonter jusqu’aux individus.
La surveillance est désormais transfrontalière : le ministère américain du Trésor travaille étroitement avec Europol, Interpol et d’autres agences internationales pour suivre les flux en stablecoins, dont l’usage explose à l’échelle mondiale.




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