Restaurer la souveraineté du Liban ne se fera pas à coups de slogans, mais en fermant le robinet financier du Hezbollah. Car sans argent, plus d’ingérence armée ni d’État parallèle.
Dimanche, une certaine effervescence a gagné le marché libanais après la publication d’une enquête du « Financial Times » (FT) révélant l’usage présumé de portefeuilles numériques et de sociétés de transfert d’argent par le Hezbollah pour collecter des dons et alimenter ses réseaux dits « caritatifs ».
Les entreprises mises en cause — fournisseurs de portefeuilles numériques et sociétés de transfert de fonds — ont aussitôt réagi en diffusant des communiqués de clarification. Elles y affirment appliquer les normes les plus strictes en matière de transparence et de conformité, notamment des « procédures rigoureuses de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme ». Elles assurent en outre que tous leurs clients sont soumis à des vérifications régulières, conformément aux listes émises par la Banque du Liban et par les autorités de sécurité libanaises.
Hezbollah et les paiements numériques
Dans un article intitulé « Les groupes liés au Hezbollah se tournent vers les paiements numériques pour collecter des fonds”, le FT souligne que des organisations caritatives liées au Hezbollah auraient recours à des portefeuilles numériques et à des sociétés de transfert d’argent, citant notamment Whish Money et OMT, deux prestataires libanais partenaires de géants américains comme Visa, Mastercard et Western Union, pour contourner les sanctions et collecter des fonds.
Les associations concernées — dont Emdad, la Fondation Al-Shahid (Fondation du martyr) et la Fondation Al-Jarha (Fondation des blessés), toutes sanctionnées par les États-Unis — auraient demandé à leurs donateurs d’envoyer des fonds vers des comptes personnels plutôt que vers des comptes officiels. Cette méthode permettrait de déjouer les contrôles liés au blanchiment d’argent et au financement du terrorisme, relève l’article.
Le journal britannique affirme avoir vérifié plusieurs de ces comptes, toujours actifs, et avoir obtenu des preuves de transferts internationaux, notamment depuis la République démocratique du Congo via le réseau RIA, partenaire de Whish.
L’enquête du « Financial Times » relance le débat sur la vulnérabilité des paiements numériques au Liban.
Enquête du Financial Times
Selon l’enquête du Financial Times, des documents, des échanges WhatsApp et des enregistrements consultés par les journalistes du quotidien britannique révèlent que des organisations caritatives liées au Hezbollah continueraient à lever des fonds à l’international en s’appuyant sur les mêmes intermédiaires.
Dans un cas cité par « FT », un donateur souhaitant verser plus de 10 000 dollars à l’association Emdad aurait été invité à fractionner son don en plusieurs paiements plus modestes, sur instruction d’un interlocuteur gérant le compte WhatsApp de l’organisation, qui lui aurait communiqué les noms de particuliers chargés de recevoir les fonds.
Dans le même registre du financement souterrain, un quotidien libanais rapporte que certaines entreprises commerciales et industrielles du Mont-Liban, appartenant à des propriétaires proches du camp de la “moumanaa” ou soi-disant résistance, refuseraient désormais les paiements par carte bancaire, n’acceptant que les règlements en espèces libanaises.
Une stratégie qui viserait, selon plusieurs observateurs, à alimenter en liquidités les réseaux de ce courant politique tout en échappant à la traçabilité et aux sanctions potentielles pour blanchiment d’argent.
Nassar et Souhaid dans le viseur du Hezbollah
Parallèlement, le Hezbollah a ouvert un nouveau front politique contre le ministre de la Justice, Adel Nassar, et le gouverneur de la Banque du Liban, Karim Souhaid, qu’il accuse de vouloir « saper l’économie du cash ».
Mardi dernier, le numéro un de la milice, cheïkh Naïm Qassem, a dénoncé leurs décisions, affirmant que « le gouverneur de la Banque du Liban n’est pas un employé de Washington » et que « le ministre de la Justice n’est pas un agent au service des États-Unis et d’Israël ».
Ces attaques surviennent après la circulaire n° 170, publiée par le gouverneur, qui interdit l’entrée dans le système bancaire libanais de fonds provenant d’organisations sanctionnées par l’OFAC américain — une mesure visant directement l’association al-Qard al-Hassan, considérée comme le bras financier du Hezbollah.
Dans le même contexte, le ministre de la Justice a demandé aux notaires de vérifier que les parties à toute transaction ne figurent pas sur les listes de sanctions, au risque de voir leurs actes refusés. Une initiative que le Hezbollah dénonce comme une extension de la pression de la communauté internationale sur ses réseaux.




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