À Rome, un éphémère «musée du patriarcat» dénonce le sexisme
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À Rome, une exposition éphémère projette les visiteurs en 2148 pour imaginer une société enfin libérée du patriarcat. En revisitant les stéréotypes et violences du passé, elle met en lumière les inégalités encore profondément ancrées en Italie.

Nous sommes en 2148, femmes et hommes sont sur un pied d'égalité: à Rome, un éphémère «musée du patriarcat» (MUPA) plonge les visiteurs dans un futur fantasmé d'où les comportements et récits sexistes ne sont plus que de lointains souvenirs à archiver.
Des fiches de paye roses ou bleues pour illustrer les discriminations salariales, un haut-parleur reproduisant les interjections des harceleurs de rue ou encore une robe rouge portant les inscriptions «Où es-tu ? Avec qui?» sont quelques-unes des «reliques» figurant dans l'exposition imaginée par l’ONG internationale ActionAid jusqu'à mardi, date de la Journée internationale pour l'élimination de la violence à l’égard des femmes.
À l'entrée du musée, un panneau promet «un voyage à travers des artefacts, des reliques et des œuvres représentatives de la société patriarcale italienne des XXe et XXIe siècles après J.-C., jusqu'aux débuts de la période sombre des années 2020».
«Le principe est que nous observons des artefacts de 2025 avec le regard de quelqu'un qui se trouve en 2148», année où, selon le dernier rapport du Forum économique mondial sur l’écart entre les sexes, l'égalité des genres sera enfin atteinte, explique à l’AFP Alice Grecchi, chargée des relations avec les médias pour ActionAid Italie.
L'exposition se base sur une enquête menée par l’ONG et l’Observatoire de Pavie, institut de recherche indépendant spécialisé dans l'analyse des médias, selon laquelle «la violence contre les femmes est le résultat d'inégalités structurelles enracinées dans la vie quotidienne», que ce soit à la maison, au travail, dans l’espace public, les transports, le numérique.
Les résultats de cette recherche offrent «la photographie d'un pays où la violence est normalisée, où l’égalité des genres est très éloignée, où il existe un grand fossé entre l’égalité formelle et l’égalité réelle», souligne auprès de l’AFP la chercheuse Isabella Orfano, qui a participé à l’enquête.

Féminicides

Un homme dans un fauteuil, plusieurs bouteilles de bière vides devant lui, regarde la télévision. À ses côtés, une mère multitâche travaille tout en faisant le ménage et en étant sollicitée par son enfant. Cette scène, reconstituée à l’aide de mannequins, «peut sembler absurde aujourd’hui, mais en 2025, elle représentait la normalité de la vie domestique», détaille le cartel de l’œuvre, intitulée rôles.
Un peu plus loin, trois portes de placard portant des traces de coups sont affichées au mur. «Nous avons ici représenté la manifestation de la violence au sein des foyers, non seulement à travers les marques sur les corps des femmes, mais aussi à travers les traces laissées sur les maisons, les murs, les portes, les hommes : la colère qui laisse des marques invisibles de l’extérieur, mais bien présentes», ajoute Alice Grecchi.
Selon un rapport préliminaire sur les violences faites aux femmes publié vendredi par l’Institut national des statistiques (Istat), près d’un tiers des femmes italiennes (31,9 %) âgées de 16 à 75 ans ont subi au moins un acte de violence physique ou sexuelle au cours de leur vie (à partir de 16 ans).
Parmi elles, les femmes plus jeunes apparaissent davantage exposées: elles sont 37,6 %, dans la tranche d'âge 16-24 ans, à avoir subi au moins un acte de violence physique ou sexuelle, et 36,2 % parmi les étudiantes.
Les stéréotypes de genre restent très ancrés en Italie, pays à majorité catholique, tandis que les violences faites aux femmes font fréquemment la une des journaux.
«Lorella Rocca», «Assunta Sgarbini», «Vincenza Russo»: dans l’une des pièces de l’exposition, un projecteur égrène des noms de femmes. Ce sont ceux des plus de 80 victimes de féminicides comptabilisées jusqu'à présent pour l’année 2025 en Italie par le mouvement féministe et transféministe «Non Una di Meno».

Par Juliette RABAT / AFP

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