Malgré la présence de superstars féminines en tête d’affiche, les artistes femmes restent nettement sous-représentées et moins écoutées en France. Un festival 100% féminin organisé par Spotify met en lumière cette inégalité persistante à tous les niveaux de l’industrie.
Derrière des chanteuses au firmament, comme Beyoncé, les Blackpink ou Aya Nakamura et Santa en France, la musique souffre toujours d’une sous-représentation des artistes féminines, moins écoutées, moins programmées que les hommes, et encore victimes de sexisme.
L’affiche valait le coup d’œil: sur la façade du Palais Brongniart, au cœur de Paris, ont trôné cette semaine les visages de sept chanteuses. Elles étaient réunies par le leader mondial du streaming Spotify, qui déclinait pour la première fois en France son programme de valorisation Equal en un festival d’un soir, 100% féminin.
Star la plus attendue, Theodora («Kongolese sous BBL») incarne cette nouvelle génération d’artistes qui s’affirment, dans une industrie musicale qui compte encore peu d’exemples de femmes, noires, à un tel niveau de succès.
«Quand tu es une fille noire et que tu fais de la musique en France, tu dois te battre cinq fois plus. Parce que personne n’aime les filles noires», a-t-elle lâché dans une récente interview au magazine musical américain The Fader.
En 2024, seules quatre artistes féminines ont figuré parmi les 20 albums les plus vendus (streaming compris) sur le marché français: les stars américaines Taylor Swift et Billie Eilish et les pépites françaises Zaho de Sagazan et Santa.
Même en dézoomant, le total des écoutes des chansons interprétées par des femmes ne représente que 22% parmi les 100.000 titres les plus populaires sur les plateformes de streaming l’année dernière, a comptabilisé le Syndicat national de l’édition phonographique (Snep).
«C’est encore trop peu mais on a toutes les raisons de penser que cette proportion va continuer à croître car la place des artistes féminines progresse dans les Tops annuels», analyse la principale organisation professionnelle de la musique enregistrée.
«Pugnacité»
«C’est une industrie qui n’est toujours vraiment pas égalitaire», confirme à l’AFP la chanteuse québécoise Charlotte Cardin, nouvelle coqueluche en France avec son tube Feel good.
«Ne serait-ce qu’en regardant des line-ups de festivals dont je faisais partie, à 80% masculins», illustre-t-elle.
Hormis quelques exceptions – Aya Nakamura, Katy Perry, Theodora, Zaz – les têtes d’affiche des principaux rendez-vous de l’été 2026 sont masculines.
«En tant qu’artiste féminine, on a besoin de plus de détermination, plus de pugnacité pour y arriver», constate Julie Béhérec, responsable du programme Equal en France.
D’autant que malgré #MeToo, le sexisme demeure. Exemples récents: des commentaires misogynes sur les réseaux sociaux visant Theodora et son poids, ou envers Miki, accusée d’être une «industry plant» (pur produit de l’industrie) mais qui nomme ainsi son premier album en guise de «pied-de-nez», illustre-t-elle.
«Il y a encore des gens qui objectifient les femmes. Je pense qu’on n’est pas sortis du bois encore à ce niveau-là parce que ça fait tellement partie de la société depuis longtemps», dénonce Charlotte Cardin.
«Vague de fans»
Pourtant l’artiste est convaincue qu’il existe «de plus en plus de gens» qui en sont conscients. Sur les réseaux sociaux, «il y a des gens qui vont commenter mon corps, mon apparence ou être un peu critiques. Et là, il y a une vague de fans qui vient à ma défense à chaque fois!», raconte-t-elle.
Aux yeux de Yoa, révélée avec La Favorite, la sororité doit prévaloir. «Profitons aussi, toutes ensemble, de cette era où j’ai l’impression qu’on est toutes plus les unes avec les autres», a-t-elle appelé lors d’une table-ronde organisée par Spotify.
Autre conseil à ses pairs: rester solide sur ses choix artistiques. «C’est le seul endroit où il faut vraiment se battre, quand vous vous dites cette chanson, elle est comme ça, et elle n’est pas avec trois points de BPM en plus et un couplet en moins», a-t-elle lancé.
Au-delà des chanteuses, l’écosystème entier est appelé à se féminiser, jusqu’aux plus hauts échelons.
«Même si tout le monde ne souhaite pas devenir patronne, on sent des envies plus décomplexées, qui sont verbalisées et qui sont encouragées par la direction des maisons» de toutes tailles, observe Patricia Sarrant, coordinatrice de All Access, une association créée par le Snep en 2020, qui accompagne des femmes via le mentorat.
Dans un univers plus mixte, «cette richesse-là entraîne la diversité», rappelle-t-elle.
Par Fanny LATTACH / AFP



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