K. Maro signe son grand retour après 15 ans: voyage en «Place de Loréane»
K.Maro signe un retour inattendu avec « Place de Loréane » ©Ici Beyrouth

Après quinze ans d’absence, K.Maro  (Cyril Kamar) revient avec Place de Loréane , un album audacieux à la croisée du hip‑hop, de la chanson française et de l’électronique. Un projet où l’artiste libano-canadien affirme son indépendance créative et livre un univers personnel et maîtrisé

Quinze ans de silence. Un silence nourri de voyages intérieurs, de collaborations dans l’ombre et d’un besoin de liberté. Aujourd’hui, K.Maro surprend tout le monde avec Place de Loréane , un album‑concept pensé comme une œuvre totale, sonore et visuelle, disponible depuis novembre 2025. Le rappeur, producteur et entrepreneur, né à Beyrouth et installé au Canada, livre ici un travail à la fois personnel et universel, traversant des thèmes aussi intimes que le départ du Liban en guerre, la résilience, la paternité ou la surconsommation. Son écriture, toujours incisive, s’appuie désormais sur des textures électroniques sophistiquées, tout en restant fidèle à ses racines hip‑hop et à son amour de la chanson française.

À l’occasion de cette sortie, l’ artiste qui n’a jamais cessé de réinventer son art, a répondu aux questions d’Ici Beyrouth

Comment avez‑vous imaginé et construit cet univers intérieur qu’est la Place de Loréane?

«L’univers imaginaire de Place de Loréane a été inspiré d’abord par la musique, par cette fusion entre la chanson française et des influences de musique électronique, à la croisée des albums de Justice ou M83 mais aussi de Benjamin Biolay ou d’autres… Cette intersection entre ces deux registres avait pour moi quelque chose de rétro‑futuriste.

La Place de Loréane n’existe sur aucune carte mais on a pu la visiter à notre manière et on va continuer à la faire évoluer via la tournée, les prochains visuels… À chaque fois qu’on crée quelque chose, on a cette liberté de pouvoir jouer de cet imaginaire‑là.»

Qu’est‑ce qui vous a poussé à revenir avec un album après 15 ans de silence ?

«Ce qui m’a donné envie de refaire de la musique, c’est justement cette liberté dont je peux jouir aujourd’hui, et qui est quand même assez rare pour les artistes : pouvoir faire de la musique uniquement pour le plaisir !

J’ai la chance d’avoir un premier album qui reste encore dans la mémoire des gens et qu’ils continuent à écouter tous les jours. Ça me permet de pouvoir penser différemment, de prendre des risques, d’utiliser ma “notoriété” pour proposer des choses là où on ne m’attend pas. C’est assez challengeant, en fait, de pouvoir faire de la musique avec autant de liberté sans nécessairement réfléchir aux diktats des formats et de la pop star… Je trouve ça finalement assez cool de pouvoir bosser comme un artiste quasi underground !
L’aventure a concrètement commencé avec la célébration des 20 ans de la Good Life l’année dernière, où on a pu repartir sur la route et refaire des concerts. J’ai été de nouveau piqué et puis le fait d’être en studio…

En 15 ans : j’ai beaucoup produit, j’ai écrit pour d’autres artistes. J’ai toujours été dans les studios, mais moins pour moi, sauf sur des aspects très introspectifs.»

Comment avez‑vous trouvé l’équilibre entre votre héritage hip‑hop/chanson française et les textures électroniques?

«Je ne pense pas y avoir vraiment réfléchi. Ça s’est fait très naturellement. L’héritage hip‑hop ne me quittera jamais puisque c’est là que j’ai commencé. C’est une culture dans laquelle j’ai baigné en Amérique du Nord pendant plus de 20 ans. La chanson française, c’est pareil, c’est ce que j’écoute depuis ma jeunesse, c’est la musique qu’écoutaient mes parents notamment au Liban. Et ça va des plus anciens comme Brel, Aznavour, Brassens… jusqu’à la chanson française plus contemporaine, d’auteur. C’est quelque chose que j’écoute beaucoup.

Les musiques électroniques, ça fait à peu près 10 ans que je baigne là‑dedans, depuis ma trentaine. C’est un courant musical que j’ai découvert un peu sur le tard et auquel je me suis beaucoup intéressé. Je trouve qu’il y a des influences à la croisée des chemins par exemple chez Tame Impala, que je trouve absolument formidable, on peut mixer de la musique organique avec des techniques de musique électronique, ressortir les échantillonneurs, les sampleurs Akai et les beat machines…
C’est assez formidable de pouvoir mélanger les univers et l’équilibre s’est fait assez naturellement parce que j’ai travaillé avec des gens qui sont hyper doués là‑dedans, des producteurs, des compositeurs qui ont l’habitude justement d’être à la fois musiciens et bidouilleurs de machines vintage. Et moi je suis un geek de studio…
Ce projet n’est que le volume 1, je pense qu’on va vouloir aller encore plus loin sur un éventuel volume 2 voire volume 3 !»

Une œuvre totale, introspective et engagée

Place de Loréane  s’écoute comme on traverse un territoire à la fois familier et inconnu. Chaque titre ouvre une porte sur une émotion. Dans Devoir de mémoire, K.Maro revient sur son départ du Liban en guerre, livrant un témoignage poignant sur l’exil et la résilience. Sur Rêver mieux, il interroge le bruit du monde et la capacité à se projeter dans l’avenir. Le titre Feeling célèbre la résilience, tandis que Cœur pyromane  évoque la paternité, et Zanzibar questionne la surconsommation dans nos sociétés modernes.

L’album se distingue aussi par sa dimension visuelle forte. Chaque morceau est pensé comme un fragment d’un territoire intérieur, que K.Maro explore avec une liberté nouvelle, loin des diktats de l’industrie. Cette indépendance, l’artiste la revendique haut et fort, quitte à dérouter ou à surprendre. Mais c’est précisément là que réside la force de ce retour : dans cette capacité à proposer une vision, à inventer un langage musical et poétique qui ne ressemble à aucun autre.

À travers ce projet, K.Maro redéfinit les contours de sa carrière. Place à l’expérimentation et à la fusion des genres. La démarche rappelle celle de certains artistes qui, après avoir connu le succès, choisissent la marge et l’exploration. Place de Loréane  s’inscrit ainsi dans une lignée où la musique est un espace de création totale.

Cet album marque aussi une étape importante dans la relation de K.Maro à son public. Après l’énorme succès de  Femme Like U  et de  La Good Life , l’artiste libano‑canadien aurait pu se reposer sur ses lauriers. Il a préféré revenir là où on ne l’attendait pas, s’offrir le luxe rare de l’indépendance et proposer un objet artistique singulier.

Le voyage ne fait que commencer. K.Maro compte bien prolonger cette aventure avec une tournée qui promet d’être tout aussi audacieuse. Chaque date sera l’occasion de faire évoluer l’univers de la  Place de Loréane , avec des visuels et des arrangements repensés. 

Le premier volume de Place de Loréane  n’est sans doute qu’un point de départ. K.Maro évoque déjà la possibilité d’un deuxième, voire d’un troisième volet, poursuivant – avec bio – cette exploration à la frontière de la pop, du hip‑hop et de l’électronique.

À écouter : Place de Loréane de K.Maro, disponible sur toutes les plateformes.
https://youtu.be/AWTJ0zGgOFk?si=iE0O6hNuRiHvW3LC

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