France: à l'ère des écrans, un plan pour «réenchanter» la lecture chez les jeunes
Le ministre français de l’Éducation Edouard Geffray, la jurée Elsa, l’épouse du président français Brigitte Macron et le président Emmanuel Macron posent avec l’autrice franco-mauricienne Nathacha Appanah (au centre) après qu’elle a reçu le prix littéraire «Prix Goncourt des lycéens 2025» pour son roman La nuit au cœur, lors de la cérémonie de remise au palais présidentiel de l’Élysée à Paris, le 27 novembre 2025. ©Dimitar DILKOFF / AFP

Face à l’érosion continue de la pratique de la lecture chez les 7-19 ans, les ministres français de l’Éducation et de la Culture ont présenté les conclusions des États généraux de la lecture pour la jeunesse. Après avoir mobilisé plus de 36 000 participants, dont 6 000 jeunes, cette vaste consultation débouche sur quinze propositions et l’appel à un plan décennal destiné à relancer l’appétence des adolescents pour les livres, dans un contexte de concurrence écrasante des écrans.  

Comment «réenchanter la lecture» aux yeux des jeunes qui préfèrent les écrans aux livres? En France, les États généraux de la lecture ont débouché lundi sur une série de propositions pour que, de l'école à la maison, lire ne soit plus considéré «comme une corvée», mais comme un plaisir.

«La chute de la lecture n'est pas une fatalité», a affirmé le ministre français de l'Éducation Edouard Geffray en visitant, avec son homologue de la Culture Rachida Dati, le salon du livre de jeunesse de Montreuil (Seine-Saint-Denis).

Mais «il y a urgence à agir» car le constat de «la désaffection» de la lecture est «indiscutable», a alerté le président du comité de pilotage de ces États généraux, Nicolas Georges, directeur du livre au ministère français de la Culture.

Les 7-19 ans passent en moyenne 19 minutes à lire quotidiennement, contre plus de trois heures sur les écrans, soit dix fois plus, selon une étude pour le Centre national du livre.

20% des jeunes, dont 38% des 16-19 ans, ne lisent pas du tout dans leurs loisirs, et, aux yeux de beaucoup d'entre eux, «la lecture n'est pas sexy», a précisé Nicolas Georges.

C'est particulièrement vrai pour les adolescents garçons, dont la lecture s'effondre en collège, au niveau de la classe de 4e.

Ceux qui lisent sont traités d'«intellos», qui «ne socialisent pas», a témoigné Théo, un lycéen, lors d'une discussion avec des jeunes pendant le salon, en regrettant cette stigmatisation.

De ce fait, «il y a une féminisation très forte de la lecture», a ajouté Nicolas Georges.

Pas «une activité solitaire»

Pour réhabiliter la lecture, les membres du comité de pilotage des États généraux ont appelé au lancement d'un «plan sur dix ans» basé sur 15 propositions.

Parmi elles, figurent l'amélioration de la formation à la lecture des enseignants, la sensibilisation des familles sur l'importance des rituels, comme la lecture du soir, ou le soutien des initiatives, souvent locales, pour moderniser l'image du livre.

«La lecture n'est pas uniquement une activité solitaire. Elle permet aussi de sociabiliser», a souligné Eléora, une lycéenne très active dans la communauté de lecteurs BookTok sur TikTok. «J'ai lu Les Trois mousquetaires grâce à elle», a-t-elle indiqué.

Rachida Dati a indiqué que les propositions des États généraux serviraient à la mise en place d'«une feuille de route» par les deux ministères car «une coopération plus structurée» est nécessaire sur ce dossier.

Elle a assuré qu'ils essaieraient de trouver «des moyens financiers» pour ce plan, en évoquant le principe du «pollueur payeur» appliqué aux acteurs du numérique. «Il faut une concurrence plus équitable. Il faut faire payer les écrans», a avancé Nicolas Georges.

Les propositions des États généraux insistent notamment sur l'importance de penser le rapport des jeunes à la lecture «comme une continuité, de la naissance à l'âge adulte».

«La lecture commence avant de savoir lire», a précisé Édouard Geffray, une préoccupation marquée par la création cette année du prix pour «le livre pour bébé» par le ministère de la Culture.

Selon le ministre de l'Éducation, des études ont démontré l'importance de la lecture pour réussir à l'école: «plus vous avez de livres à la maison, plus les résultats scolaires s'améliorent» et «plus un jeune a un champ lexical diversifié, mieux il réussit».

L'une des membres des États généraux, la neuropsychologue Sylvie Chokron a souligné que la lecture était «un problème de santé publique». Elle «active la totalité du cerveau», contrairement aux écrans, qui «altèrent notamment la concentration et l'attention», a-t-elle expliqué.

«Le combat du livre n'est pas un combat désuet», a estimé un autre membre, le romancier Timothée de Fombelle, auteur de la trilogie jeunesse à succès Alma. "Au contraire, le livre est un outil qui peut régler bien des problèmes de notre société, comme ceux portant sur les liens sociaux ou la santé mentale".

Par Jérôme RIVET / AFP

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