BDL: les observations du FMI sur la Gap Law sont graves et non conformes aux normes internationales
Vue du siège du Fonds monétaire international à Washington, DC, le 20 octobre 2024, avant les assemblées annuelles du FMI et de la Banque mondiale de 2024. ©Tierney CROSS / AFP

La Banque du Liban (BDL) a formulé une série d’observations concernant les remarques récentes du Fonds monétaire international (FMI) sur le projet de la Gap Law. Elle estime que ces observations sont graves et non conformes aux normes comptables et financières, et qu’il n’existe aucun précédent historique de crise systémique dans laquelle un État aurait d’abord annoncé la dépréciation des fonds propres de toutes les banques pour ensuite imposer une recapitalisation générale. Dans tous les cas examinés, le processus commence par un état des lieux de la situation, suivi d’une résolution ou d’une recapitalisation des établissements en difficulté, avec parfois l’effacement des droits de propriété dans certaines banques, mais sans jamais généraliser à l’ensemble du secteur.

La BDL souligne également que les examens internes du FMI des programmes en Asie établissent un ordre normatif: identification des déséquilibres dans les bilans, révision de la qualité des actifs et tests de résistance, puis assainissement ou recapitalisation des banques en difficulté, jusqu’ à une réduction des droits des actionnaires dans les établissements en difficulté. Plus important encore, aucun document ne recommande l’effacement des droits de propriété des actionnaires à l’échelle du secteur avant tout diagnostic.

Des études indépendantes, réalisées par la Banque des règlements internationaux, la Banque mondiale et le groupe d’évaluation indépendant confirment que, même en cas de fermeture documentée d’institutions, des cadres de recapitalisation sont adoptés sans référence à une politique imposant l’effacement total des droits de propriété comme condition préalable pour obtenir de l’aide. Autrement dit, faire disparaître les capitaux des banques, les avoirs de leurs actionnaires, ainsi que les dépôts, ne peuvent servir de préalable pour bénéficier du soutien du FMI.

Quelles sont donc les principales observations techniques formulées par la BDL en réponse aux remarques du FMI concernant le projet sur la Gap Law?

Normes comptables et audit: le diagnostic doit précéder le traitement

Conformément aux normes comptables internationales en vigueur, notamment la norme internationale d’information financière IFRS 9 et la norme comptable internationale IAS 36, les tests de dépréciation et les réévaluations à la juste valeur doivent être effectués d'imposer des ajustements aux capitaux propres des institutions bénéficiaires.

Partant:

- La réévaluation du bilan de la Banque du Liban constitue la base et le point de départ.

- La situation réelle des droits de propriété de chaque banque ne peut être déterminée qu’après validation de cette évaluation.

- S’ensuit une revue de la qualité des actifs (AQR) conformément aux exigences IFRS.

- Les créances irrégulières sont éliminées, puis la hiérarchie des créances est appliquée, en commençant par les droits des actionnaires.

Clarté des données d’entrée imposée par la règle juridique de hiérarchie des créances

Dans tous les systèmes de règlement bancaire, qu’il s’agisse de la directive européenne sur le redressement et la résolution bancaire (BRRD) ou des pratiques de la Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC) aux États-Unis, ou de la loi bancaire libanaise n°23 du 14 août 2025, les pertes ne peuvent être réparties qu’après identification et suppression des créances irrégulières ou en souffrance. Tout écart par rapport à ce principe entraîne la prise en charge des pertes sur la base de chiffres incertains, gonflés ou contestés, et viole la règle de droit privé régissant le règlement bancaire, qui exige des bilans clairs et vérifiés avant l’application de la hiérarchie des créances.

Précédents internationaux

Réaffirmant que le Liban traverse une crise systémique, la BDL insiste sur l’absence de tout précédent historique dans lequel un État aurait effacé les droits de propriété de toutes les banques avant d’imposer une recapitalisation générale. Dans les cas étudiés, le processus commence par un diagnostic, suivi de la liquidation ou de la recapitalisation des institutions en difficulté, parfois avec effacement des droits de propriété dans certaines banques, mais sans jamais être appliqué au niveau du secteur entier.

La BDL a étayé son approche par une série d’exemples de crises survenues dans plusieurs pays, en exposant les mécanismes de leur gestion et le traitement réservé au secteur bancaire comme à la banque centrale.

- Chypre (2013): les bénéfices exceptionnels liés aux mécanismes de liquidité d’urgence (ELA) et aux instruments à haut rendement n’étaient reconnus qu’après une évaluation indépendante des comptes de l’État et de la banque centrale.

- Suède (1991–1993): l’État a garanti les engagements des banques, procédé à des diagnostics et à des interventions sélectives, recapitalisé les banques et, dans certains cas, pris temporairement le contrôle de certaines institutions (ex. Nordbanken), sans toutefois supprimer les droits de propriété de l’ensemble du secteur, maintenant ainsi l’intégrité du système.

- États-Unis (2008–2009): après la crise des subprimes, les autorités ont injecté des capitaux via le programme TARP et utilisé des stress tests pour identifier les lacunes et imposer des augmentations de capital ciblées, sans nationalisation généralisée ni effacement général des droits de propriété.

La BDL s’appuie sur ces précédents parmi d’autres pour contester les recommandations du FMI concernant le projet sur la Gap Law.

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