Ghassan Salamé et la Gap Law : l’éloge sans lecture
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Lorsque Ghassan Salamé, ministre libanais de la Culture, a salué publiquement l’adoption du projet de loi dit de la Gap Law par le gouvernement de Nawaf Salam, une question s’est immédiatement imposée : sur quelle base ?
Car, de fait, Ghassan Salamé n’était pas présent à la séance ministérielle décisive. Il n’a donc ni participé aux débats, ni entendu les réserves exprimées, ni pris la mesure des implications juridiques, financières et sociales d’un texte qui engage l’avenir des dépôts, du secteur bancaire et de la relation entre l’État et les citoyens.

Un soutien de principe, sans responsabilité

Saluer un texte aussi structurant sans en avoir débattu, ni même en avoir porté la responsabilité collective autour de la table du Conseil des ministres, relève d’un geste politique problématique. Dans un pays traumatisé par l’effondrement financier, ce type de positionnement apparaît comme un soutien idéologique davantage que comme un acte de gouvernance responsable.

Ghassan Salamé n’est pas un acteur politique ordinaire. Son parcours intellectuel et international est connu, tout comme ses connexions avec des réseaux de réflexion gauchistes et d’ONG internationales, notamment celles gravitant autour de la galaxie Open Society Foundations.

Sans entrer dans le procès d’intention, il est légitime de rappeler que ces réseaux défendent une vision erronée des réformes économiques, institutionnelles et financières — vision qui recoupe largement les orientations portées aujourd’hui par le FMI et par certains cercles libanais de “réformisme technocratique”, dont Kulluna Irada est souvent citée comme expression locale.

Une convergence, pas un hasard

La défense enthousiaste de la Gap Law par Ghassan Salamé s’inscrit dans cette convergence idéologique : priorité à l’“équilibre macroéconomique”, acceptation d’une restructuration qui fait porter l’essentiel du coût sur les déposants, et effacement progressif de la responsabilité de l’État dans la crise.

Ce n’est pas un hasard si cette logique est également portée par Nawaf Salam, lui aussi issu des cercles diplomatiques et internationaux, souvent présenté comme une figure d’envergure, mais dont l’action politique révèle une proximité assumée avec les agendas des institutions financières et des chancelleries étrangères.

Le problème n’est pas le parcours international en soi. Le problème est la déconnexion. Lorsque des responsables libanais parlent le langage des ambassades, des organismes internationaux et des ONG, mais ne parlent plus celui des déposants, des salariés et des PME, ils cessent de gouverner pour le pays réel.

La Gap Law n’est pas un simple texte technique : c’est un acte politique majeur. La soutenir sans l’avoir examinée, débattue ou assumée collectivement, revient à traiter le Liban comme un terrain d’application d’expériences importées, et non comme une société à protéger.

Une question de légitimité

Que Ghassan Salamé exprime une opinion idéologique est son droit. Mais qu’il le fasse en tant que ministre, sur un texte qu’il n’a pas étudié en séance et dont il ne portera pas les conséquences politiques directes, pose une question de légitimité et de responsabilité.

À ce stade de la crise, le Liban n’a plus besoin de postures internationales ni de satisfecits adressés à l’étranger. Il a besoin de responsables qui lisent, comprennent, assument — et répondent devant leur peuple, pas devant des réseaux, des bailleurs ou des partenaires extérieurs.

 

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