Il ne reste plus grand monde pour descendre dans les rues et ranimer le souffle du soulèvement populaire de 2019. Tout avait commencé un 17 octobre. Deux ans tout pile. Il avait suffi d’un projet de taxation des appels WhatsApp pour allumer la mèche. Elle a bien brûlé et fait rêver les foules qui ont cru pouvoir faire plier ceux qui ont mis le pays à genoux.
Deux années plus tard, la crise a désagrégé les forces. La Covid-19 est passée par là. Et puis, le 4 août 2020, l’explosion venue au port qui a ravagé une partie de la ville.
"L’œuf", cette drôle de bâtisse, symbole des années de guerre civile, était devenu un des lieux de rassemblements de la révolution échouée. Il est toujours là, avec sa forme évocatrice, son béton sale et quelques graffitis. Un jour peut-être, on lui inventera un avenir.
Les manifestants sont partis de la place, laissant derrière eux son poing levé qui rappelle les folles nuits de 2019, pour se rassembler en bordure du port. Ils ne sont pas bien nombreux. Amal veut croire que le mouvement dans lequel elle a tant espéré n’est pas mort: "Mais comment voulez-vous que les gens descendent dans la rue quand ils sont occupés à trouver les moyens de survivre?"
Un homme, sans doute bricoleur, a fabriqué une installation avec deux petites cages. Derrière les barreaux, des silhouettes rouge orangé qui rappellent les tenues de prisonniers américains. Il peut produire une longue liste de tous ceux qu’il voudrait voir sous les verrous. Une femme brandit sa petite affichette. Elle y a dessiné au crayon de couleur un drapeau libanais. Elle lui permet de cacher son visage. On n’aperçoit que ses yeux et ils sont tristes.
Dans les rues, devant le port où se tenait le rassemblement, j’ai croisé une femme alanguie, un portrait de la chanteuse Feyrouz sur un mur, des rideaux de fer baissés parce que c’est dimanche, mais aussi parce que certains ne se relèveront plus. Il a plu un peu, aussi.
À la nuit tombée, les rues de Mar Mikhaël autrefois très animées, avec leurs bars débordant sur les trottoirs, avaient, elles aussi, un petit air fatigué. Comme une lassitude. Hicham, jeune trentenaire au look de hipster très travaillé, m’a pourtant assuré qu’on sait encore faire la fête ici. Que la bière y est bonne et les filles jolies.
Il était tard. Les ruelles étaient sombres, faute d’éclairage public.
Il était temps de rentrer.
Prochain article le lundi 13 décembre
Deux années plus tard, la crise a désagrégé les forces. La Covid-19 est passée par là. Et puis, le 4 août 2020, l’explosion venue au port qui a ravagé une partie de la ville.
"L’œuf", cette drôle de bâtisse, symbole des années de guerre civile, était devenu un des lieux de rassemblements de la révolution échouée. Il est toujours là, avec sa forme évocatrice, son béton sale et quelques graffitis. Un jour peut-être, on lui inventera un avenir.
Les manifestants sont partis de la place, laissant derrière eux son poing levé qui rappelle les folles nuits de 2019, pour se rassembler en bordure du port. Ils ne sont pas bien nombreux. Amal veut croire que le mouvement dans lequel elle a tant espéré n’est pas mort: "Mais comment voulez-vous que les gens descendent dans la rue quand ils sont occupés à trouver les moyens de survivre?"
Un homme, sans doute bricoleur, a fabriqué une installation avec deux petites cages. Derrière les barreaux, des silhouettes rouge orangé qui rappellent les tenues de prisonniers américains. Il peut produire une longue liste de tous ceux qu’il voudrait voir sous les verrous. Une femme brandit sa petite affichette. Elle y a dessiné au crayon de couleur un drapeau libanais. Elle lui permet de cacher son visage. On n’aperçoit que ses yeux et ils sont tristes.
Dans les rues, devant le port où se tenait le rassemblement, j’ai croisé une femme alanguie, un portrait de la chanteuse Feyrouz sur un mur, des rideaux de fer baissés parce que c’est dimanche, mais aussi parce que certains ne se relèveront plus. Il a plu un peu, aussi.
À la nuit tombée, les rues de Mar Mikhaël autrefois très animées, avec leurs bars débordant sur les trottoirs, avaient, elles aussi, un petit air fatigué. Comme une lassitude. Hicham, jeune trentenaire au look de hipster très travaillé, m’a pourtant assuré qu’on sait encore faire la fête ici. Que la bière y est bonne et les filles jolies.
Il était tard. Les ruelles étaient sombres, faute d’éclairage public.
Il était temps de rentrer.
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