Le Conseil constitutionnel (CC) devrait rendre jeudi une première décision relative aux 15 recours en invalidation déposés auprès de lui contre les résultats des législatives libanaises de 2022, qui ciblent 18 députés. Une démarche exceptionnelle, surtout lorsque l’on sait que les textes de loi proposent aux CC (ils ne l’obligent aucunement) d’émettre ces jugements dans des délais qualifiés d’incitatifs (par opposition aux délais de forclusion qui, une fois dépassés, rendent impossible l’exercice de toute action).
Au lendemain des élections législatives de mai 2022, des recours en invalidation ont été présentés devant le CC (au mois de juin, soit trente jours après la proclamation des résultats). Le Conseil a alors désigné un ou des rapporteurs (selon la complexité du dossier) pour mener les travaux d’investigation. Ces derniers ont disposé de trois mois pour émettre leurs rapports, ce qui a été accompli en septembre, du moins pour une partie des recours. D’après la loi, le CC peut rendre ses décisions dans un délai d’un mois à compter à partir du moment où il reçoit les rapports. Il n’est cependant pas contraint de le faire. D’ailleurs, lors des élections législatives de 2018, le CC avait tranché sur l’affaire des recours en invalidation environ un an plus tard. Une durée qui s’explique par la complexité des procédures : avant de commencer ses investigations, le rapporteur doit recevoir les procès-verbaux et les urnes en provenance du ministère de l’Intérieur. Le CC devrait se voir aussi remettre une copie du rapport de la commission de supervision des élections.
Aujourd’hui, il en est décidé autrement, pour des motifs « douteux » selon certaines sources interrogées par Ici Beyrouth. En se saisissant de l’affaire à quelques jours de la fin du mandat du président de la République Michel Aoun, l’on ne peut que s’interroger sur les raisons qui ont poussé le CC à y procéder aussi rapidement. « Cela relève d’une manœuvre politique. Cette instrumentalisation du CC a pour objectif fondamental de bouleverser les résultats électoraux et de favoriser la formation d’une nouvelle majorité parlementaire », a précisé une source judiciaire à Ici Beyrouth. Il nous a été confié, par cette même source, qu’en 2019, « la nomination de plusieurs membres du CC, régi par le clientélisme, s’est faite de sorte à faire pencher la balance pour que, une fois l’affaire des recours tranchée, celui qui a réussi échoue et vice-versa ».
En poussant vers un changement de la donne (majorité/minorité au sein du Parlement), l’on pourrait s’attendre à l’élection d’un chef de l’État proche de la classe dirigeante, si élection il y a, d'autant plus que les décisions du CC sont exécutoires et définitives. Ce qui motive encore plus cette haute instance nationale à statuer sur les recours en invalidation avant l’échéance, c’est que si jamais un président est élu avant la prise de décision du CC, « c’est la théorie du fonctionnaire de fait qui est appliquée », comme l’indique la magistrate Mireille Najm, membre du CC à Ici Beyrouth. Cela signifie que l’on ne peut considérer comme nul tout acte entrepris par un député dans l’exercice de ses fonctions, avant que l’invalidation de son élection ne soit confirmée. C’est-à-dire que le vote d’un député ne peut être remis en question s’il se fait avant la confirmation du recours en invalidation présenté contre lui. À supposer que le CC a accéléré la procédure dans le but de permettre l’élection d’un président par des députés dont l’élection n’est pas irrégulière, l’on se demande pourquoi c’est sur le sort d’une partie des recours que les décisions du CC seraient prises et non sur leur totalité. Mme Najm explique que certains dossiers font l’objet de longues enquêtes.
« Du fait de mon expérience au sein du CC, nous avons toujours rendu les décisions sur les recours en invalidation, d’un seul coup. Jamais en lots », s’est exclamé le juge Antoine Messarra, ancien membre du CC, en mettant l’accent sur le fait que « le CC n’est pas un second collège électoral et qu’il devrait être soucieux de la volonté populaire ».
À titre de rappel les quinze requêtes déposées auprès du CC le 16 juin dernier sont les suivantes :
Au lendemain des élections législatives de mai 2022, des recours en invalidation ont été présentés devant le CC (au mois de juin, soit trente jours après la proclamation des résultats). Le Conseil a alors désigné un ou des rapporteurs (selon la complexité du dossier) pour mener les travaux d’investigation. Ces derniers ont disposé de trois mois pour émettre leurs rapports, ce qui a été accompli en septembre, du moins pour une partie des recours. D’après la loi, le CC peut rendre ses décisions dans un délai d’un mois à compter à partir du moment où il reçoit les rapports. Il n’est cependant pas contraint de le faire. D’ailleurs, lors des élections législatives de 2018, le CC avait tranché sur l’affaire des recours en invalidation environ un an plus tard. Une durée qui s’explique par la complexité des procédures : avant de commencer ses investigations, le rapporteur doit recevoir les procès-verbaux et les urnes en provenance du ministère de l’Intérieur. Le CC devrait se voir aussi remettre une copie du rapport de la commission de supervision des élections.
Aujourd’hui, il en est décidé autrement, pour des motifs « douteux » selon certaines sources interrogées par Ici Beyrouth. En se saisissant de l’affaire à quelques jours de la fin du mandat du président de la République Michel Aoun, l’on ne peut que s’interroger sur les raisons qui ont poussé le CC à y procéder aussi rapidement. « Cela relève d’une manœuvre politique. Cette instrumentalisation du CC a pour objectif fondamental de bouleverser les résultats électoraux et de favoriser la formation d’une nouvelle majorité parlementaire », a précisé une source judiciaire à Ici Beyrouth. Il nous a été confié, par cette même source, qu’en 2019, « la nomination de plusieurs membres du CC, régi par le clientélisme, s’est faite de sorte à faire pencher la balance pour que, une fois l’affaire des recours tranchée, celui qui a réussi échoue et vice-versa ».
En poussant vers un changement de la donne (majorité/minorité au sein du Parlement), l’on pourrait s’attendre à l’élection d’un chef de l’État proche de la classe dirigeante, si élection il y a, d'autant plus que les décisions du CC sont exécutoires et définitives. Ce qui motive encore plus cette haute instance nationale à statuer sur les recours en invalidation avant l’échéance, c’est que si jamais un président est élu avant la prise de décision du CC, « c’est la théorie du fonctionnaire de fait qui est appliquée », comme l’indique la magistrate Mireille Najm, membre du CC à Ici Beyrouth. Cela signifie que l’on ne peut considérer comme nul tout acte entrepris par un député dans l’exercice de ses fonctions, avant que l’invalidation de son élection ne soit confirmée. C’est-à-dire que le vote d’un député ne peut être remis en question s’il se fait avant la confirmation du recours en invalidation présenté contre lui. À supposer que le CC a accéléré la procédure dans le but de permettre l’élection d’un président par des députés dont l’élection n’est pas irrégulière, l’on se demande pourquoi c’est sur le sort d’une partie des recours que les décisions du CC seraient prises et non sur leur totalité. Mme Najm explique que certains dossiers font l’objet de longues enquêtes.
« Du fait de mon expérience au sein du CC, nous avons toujours rendu les décisions sur les recours en invalidation, d’un seul coup. Jamais en lots », s’est exclamé le juge Antoine Messarra, ancien membre du CC, en mettant l’accent sur le fait que « le CC n’est pas un second collège électoral et qu’il devrait être soucieux de la volonté populaire ».
À titre de rappel les quinze requêtes déposées auprès du CC le 16 juin dernier sont les suivantes :
- Paul Hanna Hamod contre Elias Fouad Khoury (Nord II – maronite)
- Mohammad Chafic Hammoud contre Bilal Hocheimi (Békaa II – sunnite)
- Joséphine Zogheib contre Farid Haykal el-Khazen (Mont-Liban I – maronite)
- Haydar Issa contre Ahmad Rustom (Nord I – alaouite)
- Elie Charbachi contre Cynthia Zarazir (Beyrouth I – minorités)
- Fayçal Karamé contre Ihab Matar, Firas Salloum et Rami Saadallah Fanj (Nord II – sunnite)
- Amal Abou Zeid contre Saïd Asmar (Sud I – maronite)
- Zeina Mounzer contre Fayçal Sayegh et Waddah Sadek (Beyrouth II – druze)
- Ibrahim Azar contre Charbel Massaad et Saïd Asmar (Sud I – maronite)
- Les députés et candidats de la liste Amal-Hezbollah (Mohammad Raad, Hani Kobeissi, Nasser Jaber, Ali Hassan Khalil, Ali Fayad, Kassem Hachem, Assaad Hardane, Hassan Fadlallah, Ayoub Hmayed, Achraf Beydoun et Marwan Kheireddine) contre Firas Hamdane (Sud III – druze)
- Jad Émile Ghosn contre Razi Hajj et Hagop Pakradounian (Mont-Liban II – maronite)
- Haydar Nasser contre Ihab Matar, Firas Salloum et Rami Fanj (Nord II – alaouite)
- Simon Sfeir contre Neemat Frem et Farid Haykal el-Khazen (Mont-Liban I – maronite)
- Wassef Haraké contre Fadi Alamé (Mont-Liban III – chiite)
- Tanios Mahfoud contre Jamil Abboud (Nord II - grec-orthodoxe)
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