Ousman: «Le mondial nécessite une bonne préparation mentale»
Dans un entretien avec Ici Beyrouth, Danny Ousman, préparateur mental professionnel du club de basket Dynamo et des clubs de football de Nejmeh et Bourj, insiste notamment sur le fait que la sélection libanaise de basket doit être bien préparée mentalement pour gérer la pression du Mondial 2023.

Vous êtes préparateur mental ou préparateur psychologique? Et quelle est la différence?

J’ai un doctorat en psychologie du sport. Mais au Liban, le mot psychologie est mal perçu. Les gens fuient ce mot. Ainsi, nous l’avons nommé «préparation mentale», pour ne pas choquer les clubs et les joueurs. Mais au final, mon activité entre dans le cadre de la psychologie du sport. La préparation mentale est en fait une partie de la psychologie du sport. Le facteur psychologique chez un joueur est une chose, et la préparation mentale pour les matches est une chose différente. La préparation d’un joueur pour un match consiste par exemple à lui montrer les séquences où il s’est énervé pendant un match. Lui montrer sa réaction à la suite de cet énervement, pour voir si les décisions qu’il a prises ont été bonnes ou mauvaises. Mon travail est d’analyser ce type de phases et les débriefer avec les joueurs.

Est-ce que vous avez eu à traiter de nombreux cas de dépression dans les clubs de football et de basket libanais avec lesquels vous avez travaillé?

Bien sûr. J’ai eu de nombreux joueurs qui sont passés par des phases de dépression. En ce moment, j’ai plusieurs joueurs qui traversent une phase dépressive. Un cas fréquent est un joueur qui revient à la compétition après une période de blessure et qui, à son retour, perd un match. Pour le joueur, seule une victoire fera office de guérison. Il faut non seulement qu'il joue, mais qu'en plus il gagne. Les victoires de son équipe en son absence ne l’aident généralement pas mentalement. Ceci n’est pas de l’individualisme, mais son traitement passe à la fois par la participation et la victoire dans le match.

Cas de Sergio Darwich 

Sergio Darwich, pilier de l’équipe nationale de basket libanaise, a récemment révélé avoir eu des problèmes psychologiques au cours de sa carrière. Que pensez-vous de son cas?

Je suis en contact avec Sergio Darwich. Je pense que ce joueur va surmonter ses difficultés. Il adopte la bonne attitude en continuant à pratiquer certains exercices sportifs sur le terrain comme le tir, tout en étant plâtré. Ainsi, il ne sort pas de l’atmosphère de la compétitionest et est en train de se soigner lui-même. Après sa blessure, la transition du retour à la compétition sera plus simple.

Est-ce que l’excès de médiatisation du basket libanais rend la préparation mentale des basketteurs plus difficile?

Cela dépend des joueurs. Certains supportent mieux que d’autres la pression qu’exercent par exemple sur eux les réseaux sociaux. Dans le grand public, il y a beaucoup de personnes qui ne maîtrisent pas bien le sujet en question et qui critiquent. Des joueurs âgés peuvent parfois prendre mal les critiques qu’ils subissent. L’excès de médiatisation par exemple autour de la sélection libanaise de basket, qui est suivie par plus de 10 millions de personnes dans le monde, est une pression importante sur l’équipe. Il faut être fort mentalement et bien préparé – qu'il s'agisse du coach ou des joueurs – pour gérer cette pression. Il n’y a pas de préparateur mental en sélection et j’ai fait part de cette nécessité à la fédération. À la Coupe du monde de basketball (NDLR: La compétition débutera le 25 août 2023), l’équipe aura fortement besoin de préparation mentale. Cette compétition génère beaucoup de pression sur les sportifs.

Quelle approche mentale doivent avoir les sportifs pour dépasser le «bullying» dont ils peuvent être l’objet sur les réseaux sociaux?


Le joueur libanais n’a pas encore le stade de maturité pour contacter de lui-même son préparateur mental. La mentalité est différente dans d’autres pays. Ainsi, récemment, Cristiano Ronaldo a pris son téléphone et a contacté un psychologue du sport. Il a la maturité dans la compréhension du sport pour savoir qu’il passe par une phase où il a besoin d’aide et donc de ce type de spécialiste. Certains joueurs libanais ont également cette maturité, mais la majorité ne l’ont pas.

Comment aidez-vous les joueurs à dépasser une phase où leur performance sportive est moins bonne?

Cela dépend de chaque joueur. Je dois parler avec le joueur pour savoir ce qui lui arrive. Par exemple, il y a un joueur qui vient d’arriver dans le championnat du Liban et qui a de très fortes attentes en termes de performances sportives. Mais ce joueur n’a pas encore trouvé son rythme de croisière. Dans ce cas, le coach peut contribuer à son épanouissement en lui trouvant le bon rôle technique et tactique. Une solution pour ce type de situation est de fixer une barre de résultats moins haute pour ce joueur dans un premier temps. Quand le joueur atteindra le nouvel objectif, moins élevé que la barre initiale, il prendra confiance et pourra s’améliorer progressivement.

L'importance de la visualisation dans la préparation mentale

Comment prépare-t-on un basketteur mentalement pour différents aspects techniques de ce sport tels que le tir à 3 points et le «dunk»? Y-a-t-il un travail de visualisation que vous incitez le sportif à faire en amont des matches?

La visualisation est une partie importante de la préparation mentale. Elle consiste dans le fait de s’imaginer en train de réaliser un acte précis, comme le tir, à condition qu'il s'agisse d'événements réalistes, d'actes faisables. Si un joueur n’a pas l’aptitude physique de dunker le panier, il ne doit pas faire de visualisation en ce sens.

Pour ce qui est du tir à trois points, la visualisation par le joueur doit être faite impérativement et quotidiennement. Je conseille aux joueurs de faire cette visualisation en toute fin de journée, avant de dormir.

Comment un sportif doit-il gérer mentalement son après-carrière?

Dans tous les domaines, un individu qui arrête de travailler après une longue carrière pourrait rencontrer des difficultés mentales. Pour les sportifs, cela n’est naturellement pas facile, d’autant plus qu’ils sont passionnés par leur activité. C’est comme une histoire d’amour qui dure depuis trente ans et qui se termine par un divorce. Il est important que le joueur pense à un plan B pour sa reconversion d’après-carrière.

khalil.hatem@icibeyrouth
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