Les distinctions honorifiques du général Aoun
C’est avec une grandeur d’âme et une générosité inégalée que Michel Aoun clôt son passage à la présidence de la République en décorant des personnes, ou encore des conseillers et des partisans, dont le seul mérite est d’être proche de son courant politique. Des personnes qui n’ont laissé, soit dit en passant, aucune empreinte dans le secteur public ou au service du Liban.

En outre, le président de la République libanaise a remis dernièrement à l’ambassadeur de Syrie au Liban, Ali Abdel Karim Ali, les insignes de l’Ordre national du Cèdre au rang de Chevalier, à un moment où Michel Aoun est en passe de devenir le président sortant à quelques jours du terme de son mandat.

De plus, le fait d’honorer l’ambassadeur syrien a coïncidé avec le refus du régime de Bachar el-Assad de recevoir (le 26 octobre) une délégation libanaise pour discuter de la démarcation de la frontière maritime entre le Liban et la Syrie, sous prétexte que « ce n’est pas le bon moment », à en croire les autorités syriennes… À moins que le « président fort » ait pensé qu'il avait encore certaines réalisations à ajouter à son actif, et a cru bon de les parachever dans le dernier quart d'heure de son mandat le plus « fort » en termes de ravages occasionnés dans le pays.

Peut-être que le président, que l'on peut qualifier d’ores et déjà d'ancien président, ignore ou préfère ne pas savoir que son pouvoir est purement factice. Un pouvoir qui lui a été distillé pour servir le projet imposé par l'Iran, en sa qualité de fer de lance de l'axe régional, et non pour ses qualités personnelles... ou encore pour ses capacités prodigieuses à clôturer son mandat présidentiel avec la démarcation des frontières maritimes avec Israël.

Le général Aoun refuse de voir la réalité en face, et ne veut interpréter les développements internes successifs qu’à partir de sa propre lecture.

Michel Aoun ne veut pas admettre que toutes les indications concernant l'accord conclu révèlent qu'il s'agit d'un début, et non d'un aboutissement de négociations qu'il a voulu dépeindre comme éprouvantes et difficiles, ayant nécessité des efforts ardus de sa part.

Le président sortant et son équipe politique se sont empressés de s’approprier le succès de ce dossier, et gommer l’idée qu’ils se sont pliés à la volonté américaine portant sur cet accord qui s’est fait avec l’approbation du Hezbollah et de l’Iran, chef de file de l’axe obstructionniste.


Par ailleurs, Michel Aoun s’est dépêché de laisser croire qu’il a sauvé les Libanais de l’effondrement financier et économique. Sans compter qu’il s'est empressé de promouvoir un autre de ses fameux accomplissements, en suggérant qu’il a jeté les bases de la démarcation des frontières maritimes avec le régime Assad.

Mais plus important encore, le président et son gendre, le député Gebran Bassil, ont présumé que la conclusion de l'accord de démarcation était une opportunité pour s’accrocher au pouvoir, écarter les opposants, et par conséquent, imposer leur volonté quant aux dossiers de la présidence de la République et de la formation du gouvernement. Les deux hommes ont été même plus loin en évoquant la nécessité de repenser la formule politique libanaise, la Constitution, ainsi que l’entente nationale qui est au cœur de l'accord de Taëf.

Toutefois, il est déplorable de relever que certaines parties soutiennent cette vision, le but recherché étant de garder les Libanais otages de ce « mandat fort », même après le départ de Michel Aoun du Palais de Baabda. Force est de relever dans ce cadre que le Hezbollah et son maître, entendre l'Iran, n’auront, actuellement, aucune personnalité capable de mettre en œuvre leur projet avec autant de loyauté et de rigueur que M. Aoun.

Partant, « le mandat fort » était tout au plus une invention utile pour le projet du Hezb et de son allié, qui a donné entière satisfaction et restera de ce fait un facteur de sabotage dans la structure libanaise, tant que l’axe iranien estimera que sa présence lui est bénéfique.

D’autant plus que l’accession de Michel Aoun au pouvoir a mis à nu ce pouvoir illusoire, couplé de la prétendue volonté d’entreprendre des réformes, et de juguler la corruption. De ce fait, un bon nombre de Libanais a déchanté, et a pris conscience que Gebran Bassil, avec la bénédiction de son beau-père, veut tout contrôler, que ce soit en monopolisant la représentation chrétienne, ou en succédant à son beau-père à la présidence de la République, ou encore en nommant les ministres chrétiens, et en s’appropriant les parts des autres, à l'exception de celles du tandem chiite Hezbollah-Amal, qui se doivent d’être respectées, afin de pouvoir faire de même.

Par conséquent, le général Michel Aoun et Gebran Bassil poursuivront cette politique absurde fondée sur le chantage et la mobilisation sectaire, jusqu'à ce que le flou régional se dissipe, et que les orientations de l'axe iranien se concrétisent, conduisant à une nouvelle formule pour la région et le Liban.

C’est à ce moment-là, peut-être, que le rôle aouniste perdra sa raison d’être, et que son commanditaire comprendra que celui qui l’a représenté a empoché gains et intérêts compris... Ainsi, il ne restera du « mandat fort » que les médailles décernées par son général.
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