Le chef du Courant patriotique libre, le député Gebran Bassil, maintient sa pression sur le Premier ministre Nagib Mikati et appelle le gouvernement à se réunir sans tenir compte de la condition sine qua non avancée par le duopole chiite Hezbollah-Amal pour un déblocage des réunions du Conseil des ministres, en l’occurrence la démission du juge d’instruction chargé de l’enquête sur l’explosion du port de Beyrouth, le juge Tarek Bitar.
Michel Aoun a favorablement accueilli l’initiative de M. Bassil pour plusieurs raisons. Lors de leur dernier entretien au palais de Baabda, le président Aoun avait demandé à M. Mikati de convoquer à une réunion du Conseil des ministres, le pays ne pouvant rester paralysé ad vitam aeternam. Les deux hommes ont évoqué les répercussions d’une telle démarche à tous les niveaux, le chef de l’Etat exprimant son mécontentement vis-à-vis de la position du binôme chiite et refusant de céder à sa demande. Il a même été question d’un appel téléphonique de M. Aoun au secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, pour lui demander la levée du veto chiite sur les réunions du Conseil des ministres. De sources bien informées, il y aurait pas moins de 135 articles prévus à l’ordre du jour de cette première réunion, dont 120 ont besoin du contreseing du ministre des Finances Youssef el-Khalil, qui refuse d’assister aux réunions tant que le juge Bitar n’a pas été démis de ses fonctions.
Après mûre réflexion, MM. Aoun et Mikati ont jugé qu’il ne servirait à rien d’entreprendre un forcing à même de débloquer l’action du gouvernement, dans la mesure où cela mènerait presque certainement à une escalade politique et, partant, à un plus d’effondrement économique, social et financier du pays. Le chef de l’Etat avait déjà protesté contre la décision du Gouverneur de la Banque centrale, Riad Salamé, de relever le taux de change du dollar américain de 3.900 à 8.000 livres libanaises. Pourtant, le président de la commission parlementaire des Finances, le député Ibrahim Kanaan (Courant patriotique libre), avait lui-même critiqué il y a plus d’un mois l’absence d’initiative de la Banque centrale de relever le taux de change à 8.000 livres libanaises…
Le président de la République et le Premier ministre ont sans doute craint la perspective d’un scénario identique à celui de 2006, lorsque les ministres chiites avaient démissionné du cabinet dirigé par Fouad Siniora pour protester contre la mise sur pied du Tribunal spécial pour le Liban chargé de juger les assassins de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri, assassiné à Beyrouth le 14 février 2005. En dépit de la démission des ministres du Hezbollah et du mouvement Amal à l’époque, le cabinet Siniora avait poursuivi ses réunions, mais la légitimité de ses décisions avait été contestée sans relâche par les forces du 8 Mars (le Hezbollah, Amal, le Courant patriotique libre, les Marada et les partis pro-Assad) au nom du “consensualisme”, la représentation de la communauté chiite ayant été amputée du gouvernement.
Depuis, ce “consensualisme”, qui se base sur un alinéa confus et sujet à diverses interprétations du préambule de la Constitution selon laquelle “la légitimité du pouvoir ne peut contredire le pacte de coexistence”, est devenu l’argument pour justifier toutes les hérésies. Du respect de la parité islamo-chrétienne initialement prévue dans les coutumes et les usages, le consensus a dérivé vers un sectarisme étriqué qui donne désormais à chaque communauté, même minoritaire, une possibilité de bloquer le gouvernement, puisqu’il suffit que ses représentants, quel que soit leur nombre, pratiquent la politique de la chaise vide pour que le cabinet se retrouve suspendu dans le vide… Or une “légitimité fondée sur le respect du vivre-ensemble" ne suppose pas qu’une ou deux parties aient à elles seules le monopole de la représentation communautaire, et, partant, de la “légitimité communautaire”. Transformer le gouvernement en fédérations de communautés revient à en paralyser l’action dès que le principe qui guide l’action des institutions n’est plus la collaboration, mais la confrontation des pouvoirs. La formule actuelle est donc un parfait manuel de torpillage de l’Exécutif.
Cette querelle d’influence au sein du gouvernement ne peut pas tomber plus mal, à l’heure où le Liban doit entreprendre des réformes pour sortir du tunnel et dialoguer avec le Fonds monétaire international et la Banque mondiale à cette fin. D’autant que le Hezbollah ne se contente pas de bloquer le pouvoir exécutif seulement, mais cherche aussi à imposer, par ce chantage à l’Exécutif, sa loi au pouvoir judiciaire en imposant la démission du juge Tarek Bitar, dans le mépris le plus total du principe de la séparation des pouvoirs.
A travers sa cabale contre le juge Bitar, le parti chiite s’incrimine lui-même dans l’explosion du 4 août, comme le notait dimanche l’ancien député Farès Souhaid, traîné devant la justice pour avoir pointé du doigt les responsabilités du Hezbollah dans ce drame. Qu’à cela ne tienne, le parti est décidé à aller jusqu’au bout dans sa bataille, précisent des sources proches de la banlieue sud de la capitale, tandis que le juge Bitar, fort d’un vaste appui politique et populaire transversal à sa mission, mais surtout convaincu de la nécessité de faire son devoir en toute objectivité pour établir les faits qui ont conduit à ce massacre et poursuivre les coupables en justice, entend lui aussi mener à bout son enquête.
Une solution temporaire pour sortir du carcan actuel serait de mettre fin à l’usage des décrets itinérants, dans une volonté de faire pression sur toutes les parties, à un moment où la quasi totalité du spectre politique au pouvoir songe à provoquer un report des législatives. Le président de la Chambre, Nabih Berry, qui pensait avoir trouvé une solution à la question du juge Bitar à travers la dynamisation de la Haute-cour pour le jugement des présidents et des ministres, a vu son initiative mise en échec par Gebran Bassil sur fond de course présidentielle anticipée. En dehors de pressions politiques et populaires sur le tandem chiite pour le pousser à alléger le fardeau des Libanais en pleine crise globale, l’une des voies pour sortir de l’impasse actuelle pourrait être un compromis présidentiel similaire à celui de 2016 et la tenue d’une élection présidentielle anticipée.
Michel Aoun a favorablement accueilli l’initiative de M. Bassil pour plusieurs raisons. Lors de leur dernier entretien au palais de Baabda, le président Aoun avait demandé à M. Mikati de convoquer à une réunion du Conseil des ministres, le pays ne pouvant rester paralysé ad vitam aeternam. Les deux hommes ont évoqué les répercussions d’une telle démarche à tous les niveaux, le chef de l’Etat exprimant son mécontentement vis-à-vis de la position du binôme chiite et refusant de céder à sa demande. Il a même été question d’un appel téléphonique de M. Aoun au secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, pour lui demander la levée du veto chiite sur les réunions du Conseil des ministres. De sources bien informées, il y aurait pas moins de 135 articles prévus à l’ordre du jour de cette première réunion, dont 120 ont besoin du contreseing du ministre des Finances Youssef el-Khalil, qui refuse d’assister aux réunions tant que le juge Bitar n’a pas été démis de ses fonctions.
Après mûre réflexion, MM. Aoun et Mikati ont jugé qu’il ne servirait à rien d’entreprendre un forcing à même de débloquer l’action du gouvernement, dans la mesure où cela mènerait presque certainement à une escalade politique et, partant, à un plus d’effondrement économique, social et financier du pays. Le chef de l’Etat avait déjà protesté contre la décision du Gouverneur de la Banque centrale, Riad Salamé, de relever le taux de change du dollar américain de 3.900 à 8.000 livres libanaises. Pourtant, le président de la commission parlementaire des Finances, le député Ibrahim Kanaan (Courant patriotique libre), avait lui-même critiqué il y a plus d’un mois l’absence d’initiative de la Banque centrale de relever le taux de change à 8.000 livres libanaises…
Le président de la République et le Premier ministre ont sans doute craint la perspective d’un scénario identique à celui de 2006, lorsque les ministres chiites avaient démissionné du cabinet dirigé par Fouad Siniora pour protester contre la mise sur pied du Tribunal spécial pour le Liban chargé de juger les assassins de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri, assassiné à Beyrouth le 14 février 2005. En dépit de la démission des ministres du Hezbollah et du mouvement Amal à l’époque, le cabinet Siniora avait poursuivi ses réunions, mais la légitimité de ses décisions avait été contestée sans relâche par les forces du 8 Mars (le Hezbollah, Amal, le Courant patriotique libre, les Marada et les partis pro-Assad) au nom du “consensualisme”, la représentation de la communauté chiite ayant été amputée du gouvernement.
Depuis, ce “consensualisme”, qui se base sur un alinéa confus et sujet à diverses interprétations du préambule de la Constitution selon laquelle “la légitimité du pouvoir ne peut contredire le pacte de coexistence”, est devenu l’argument pour justifier toutes les hérésies. Du respect de la parité islamo-chrétienne initialement prévue dans les coutumes et les usages, le consensus a dérivé vers un sectarisme étriqué qui donne désormais à chaque communauté, même minoritaire, une possibilité de bloquer le gouvernement, puisqu’il suffit que ses représentants, quel que soit leur nombre, pratiquent la politique de la chaise vide pour que le cabinet se retrouve suspendu dans le vide… Or une “légitimité fondée sur le respect du vivre-ensemble" ne suppose pas qu’une ou deux parties aient à elles seules le monopole de la représentation communautaire, et, partant, de la “légitimité communautaire”. Transformer le gouvernement en fédérations de communautés revient à en paralyser l’action dès que le principe qui guide l’action des institutions n’est plus la collaboration, mais la confrontation des pouvoirs. La formule actuelle est donc un parfait manuel de torpillage de l’Exécutif.
Cette querelle d’influence au sein du gouvernement ne peut pas tomber plus mal, à l’heure où le Liban doit entreprendre des réformes pour sortir du tunnel et dialoguer avec le Fonds monétaire international et la Banque mondiale à cette fin. D’autant que le Hezbollah ne se contente pas de bloquer le pouvoir exécutif seulement, mais cherche aussi à imposer, par ce chantage à l’Exécutif, sa loi au pouvoir judiciaire en imposant la démission du juge Tarek Bitar, dans le mépris le plus total du principe de la séparation des pouvoirs.
A travers sa cabale contre le juge Bitar, le parti chiite s’incrimine lui-même dans l’explosion du 4 août, comme le notait dimanche l’ancien député Farès Souhaid, traîné devant la justice pour avoir pointé du doigt les responsabilités du Hezbollah dans ce drame. Qu’à cela ne tienne, le parti est décidé à aller jusqu’au bout dans sa bataille, précisent des sources proches de la banlieue sud de la capitale, tandis que le juge Bitar, fort d’un vaste appui politique et populaire transversal à sa mission, mais surtout convaincu de la nécessité de faire son devoir en toute objectivité pour établir les faits qui ont conduit à ce massacre et poursuivre les coupables en justice, entend lui aussi mener à bout son enquête.
Une solution temporaire pour sortir du carcan actuel serait de mettre fin à l’usage des décrets itinérants, dans une volonté de faire pression sur toutes les parties, à un moment où la quasi totalité du spectre politique au pouvoir songe à provoquer un report des législatives. Le président de la Chambre, Nabih Berry, qui pensait avoir trouvé une solution à la question du juge Bitar à travers la dynamisation de la Haute-cour pour le jugement des présidents et des ministres, a vu son initiative mise en échec par Gebran Bassil sur fond de course présidentielle anticipée. En dehors de pressions politiques et populaires sur le tandem chiite pour le pousser à alléger le fardeau des Libanais en pleine crise globale, l’une des voies pour sortir de l’impasse actuelle pourrait être un compromis présidentiel similaire à celui de 2016 et la tenue d’une élection présidentielle anticipée.
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