Jumelage entre Bonifacio – Byblos et PNRC – Cèdres du Chouf
Le samedi 29 octobre 2022, la cérémonie du double jumelage entre Byblos et Bonifacio d’une part, et le parc naturel régional de Corse avec la biosphère des cèdres du Chouf d’autre part, a eu lieu dans le fleuron de l’antique cité phénicienne, l’hôtel Byblos-sur-mer, devant un parterre d’invités éminemment francophones. Un double projet né de la passion, des liens culturels et de l’art.



Dans son mot d’ouverture, Marc Saikali, le P.D.G. d’Ici Beyrouth et l’un des partenaires du jumelage, a déclaré qu’il est corse dans l’âme, rappelant indirectement le caractère passionné des deux peuples et leurs nombreux points communs. L’ex-directeur de France 3 Corse ViaStella a évoqué les convergences entre les deux perles de la Méditerranée, celle qui a donné l’alphabet au monde et celle dont les falaises surplombent la merveilleuse Sardaigne en martelant: «La Corse, c’est le Liban tel qu’il aurait dû être». Ensuite, il a invité l’instigatrice du double projet, Pascale Ojeil, à monter sur scène pour raconter sa merveilleuse aventure (voir plus loin) avant de convier l’audience à assister au documentaire qui retrace la naissance et l’évolution des jumelages. S’est ensuivi le discours de l’attaché de coopération au service culturel, M. Sébastien Lesaulnier, représentant Son Excellence l’ambassadrice de France, Anne Grillo. En saluant la signature de la convention entre Byblos et Bonifacio, le 29 mars 2022, il insiste sur «la coopération décentralisée entre les communes françaises et libanaises qui témoigne d’une volonté commune de renforcer la contribution dans le domaine du tourisme, du patrimoine, de la culture, des sciences, de l’éducation et des arts…»

Le maire de Bonifacio Jean- Charles Orsucci, Pascale Ojeil et le maire de Byblos Wissam Zaarour.

Sollicité par son adjoint, Alain Di Meglio, le maire de Bonifacio, Jean-Charles Orsucci, a précisé qu’il n’a pas hésité une seconde à s’engager, a fortiori après avoir écouté l’interprétation poignante de Pascale Ojeil de l’Altru Mundo, suite à l’explosion du 4 août. «Je me suis dit: si on est capable de faire cela avec notre langue, c’est qu’on est capable de grandes choses», a-t-il assuré. Orsucci a insisté sur la parenté et les liens entre les différentes villes méditerranéennes, en s’extasiant devant la richesse du patrimoine libanais et l’immensité des stalagmites de la grotte de Jeita, sans pareille à Bonifacio. Le maire de Bonifacio a noté que «dix-huit civilisations nous contemplent depuis les sites de la ville de Byblos». Il a conclu en disant: «Les Corses, c’est les Français avec des défauts et des qualités amplifiés». Le maire de Byblos, Wissam Zaarour, a remercié son homologue corse et tous les partenaires, en mettant l’accent sur les valeurs communes. «Un jumelage est déjà signé par les valeurs partagées qu’incarnent les deux villes: la paix, la liberté, l’entraide et la solidarité». Puis il a enchaîné: «L’ancienne ville de Byblos reliait les différentes villes méditerranéennes, en particulier Gênes, à l’époque des croisés». Le président du parc naturel régional corse, Jacques Costa, a exprimé sa grande joie d’être au Liban qu’il visite constamment avec ses proches et a signalé que le jumelage entre le parc naturel régional corse, qui recouvre 52% du territoire corse et 178 communes, et la biosphère libanaise implique des échanges réguliers».

L'écrivain et dramaturge Alexandre Najjar

Pourquoi Byblos et Bonifacio sont-elles des sœurs jumelles?

Bonifacio remonte à 7.000 ans avant Jésus-Christ. Byblos est l’une des plus vieilles villes du monde. Toutes deux ont fait l’objet d’une immense convoitise et été le théâtre de multiples cultures. Sur le plan archéologique, elles ont des citadelles croisées, des ports qui ont marqué l’histoire, et ont été constamment habitées à travers les siècles. Byblos est classée au patrimoine de l’Unesco, la citadelle de Bonifacio est classée aux monuments historiques français. Ce sont deux villes résilientes. La Corse était sous le gouvernement génois. Byblos a été offerte aux Génois. Il faut pour cela remonter à la flotte génoise, venue à la rescousse du comte Raymond de Saint-Gilles, un des chevaliers qui organisa la croisade de 1096. En guise de remerciement, le comte concéda les trois quarts de Byblos aux Génois. Les deux villes antiques ont une histoire commune, une géographie similaire. Toutes deux sont francophones, méditerranéennes et ont connu la domination des mêmes peuples. Elles font face aujourd’hui aux mêmes défis sociaux, aux mêmes enjeux climatiques, aux mêmes crises financières qui ont secoué Bonifacio et dévasté le Liban avec la dévaluation spectaculaire de la livre libanaise. Sur le plan géographique, elles jouissent d’une nature paradisiaque, d’un climat doux et d’une végétation méditerranéenne. Elles sont jumelles grâce à leur patrimoine très riche sur les plans culturel et touristique, ce qui appelle à un échange d’expertise et des liens d’entraide et de solidarité. Bonifacio, à l’extrême sud de la Corse, est un plateau qui surplombe la Méditerranée à près de 80 mètres d'altitude, dont les falaises de calcaire blanc ou de granite composent une façade naturelle. C’est à Byblos qu’on découvre l’origine de l’alphabet, grâce à une inscription phénicienne sur le sarcophage d’Ahiram. À Bonifacio, la citadelle a été renforcée par trois fortifications: pisane, génoise et française. De même, Byblos, occupée par les Croisés, possède toutes les caractéristiques d’une ville médiévale: muraille, cathédrale, château fort et donjon. Celui-ci est le plus ancien témoin de l’architecture croisée au Liban.

Sébastien Lesaulnier, le réprésentant de S.E l'Ambassadrice de France Anne Grillo, Pascale Ojeil et Marc Saikaly, le PDG d'Ici Beyrouth.

 La vraie générosité envers le Liban consiste à tout déployer au présent 

À travers la culture, la poésie et la musique, Pascale Ojeil a exprimé son amour pour la Corse qui devient « le prolongement de [son] amour pour le Liban». Quatre chansons corses, correspondant chacune à une étape cruciale de la crise libanaise vécue par l’artiste, renforcent les liens d’amitié qui se sont créés. La première pierre à l’édifice a été la reprise de la chanson Corsica, de Petru Guelfucci qui nous a quittés depuis quelques mois. Elle l’a chantée avec la métrique, pour contribuer, à son échelle, à raviver cette langue en voie de disparition et à exprimer son attachement à l’héritage des ancêtres.


La deuxième chanson a été l’Altru Mondu, interprétée, à la suite de l’explosion du 4 août, dans différentes régions corses. Dans cette chanson, un fils décédé s’adresse à sa mère éplorée, la rassurant qu’il est en de bonnes mains au paradis. C’est une façon de s’adresser à toutes les mamans éplorées, dont évidemment les Libanaises, pour leur dire: vos enfants sont entre les mains du Divin. Cette chanson, fruit d’un travail de groupe, a résonné aux quatre coins du monde. La force de ce projet résidait dans l’incroyable solidarité des amis qui ont soutenu la chanteuse militante: Ainsi, à titre d’exemple, Charles Eid, le ténor, Jean-Marie Riachi, qui a mis son studio à sa disposition, et l’ingénieur du son français Laurent Binder qui a refusé d’être rémunéré. Les Corses pleuraient, très surpris de voir une Libanaise chanter aussi bien leur patrimoine, leur culture. La douleur des Libanais.es et des Corses entrait en osmose, l’identification et la complicité étaient parfaites.

Le président de la bisophère du Chouf Charles Noujeim et une vue de l'assistance

En 2020, pendant la révolution, Pascale choisit de chanter Sintineddi, qui signifie les Sentinelles. C’est la chanson des nationaux corses qui revendiquent leur autonomie. Qui sont ces gardiens? Ce sont les bons citoyens qui vont sauvegarder, chacun. e à son échelle, l’identité du pays. Or cela correspond parfaitement au combat de l’artiste. Après la double explosion qui a occasionné de graves dommages au Conservatoire national, que ce soit à Zokak el Blatt ou à Monot, Pascale met sa voix et son talent au service de son pays. Elle reçoit des donations sous forme de divers instruments d'une valeur de huit cent mille dollars. Elle organise un concert dans le sud de la France, à  Gordes, avec le virtuose Abdel Rahmane El Bacha. Les recettes sont destinées à l’association Achrafié 2020 qui soutient des familles en difficulté. Quand les gens souffrent autour d’elle, dit-elle, elle ressent une grande culpabilité si elle ne se rend pas utile.

Les députés Nehmat Frem et Ziad Hawat

Il faut rendre à César ce qui est à César

Dans son mot, Pascale Ojeil a tenu à remercier le député Ziad Hawat qui lui a ouvert ses portes et l’a mise en contact avec le maire de Byblos, Wissam Zaarour, lequel l’a lui-même reçue à bras ouverts avec son équipe, dont le responsable des relations internationales, Walid Bilane, et Dr Tania Kallab, cheffe de la ville résiliente. Grâce à eux, elle a pu foncer et établir le contact avec le maire adjoint de Bonifacio, Alain Di Meglio, «un homme exceptionnel et passionné d’Orient», selon ses propres termes. C'est lui qui a fait parvenir sa voix au maire de Bonifacio, Jean-Charles Orsucci, sans qui le jumelage n’aurait jamais vu le jour. Elle remercie Alexi Karim qui a mis généreusement l’hôtel Byblos-sur-mer à la disposition des délégations de Bonifacio, de la réserve de la Biosphère Falasorma dui Sevi et du PNRC. Il a tenu à offrir également le dîner de la cérémonie, dans son restaurant, Dar Al-Azrak, joyau posé au bord de la grande bleue, toile de fond des deux pays. L’artiste, dévouée aux causes humanitaires, exprime sa reconnaissance envers François Geronimi, qui lui a accordé sa confiance, et à tous les partenaires qui ont contribué à la réussite de ce double projet, dont le directeur du parc naturel, Jacques Costa, et son adjointe Marie-Hélène Parodin. Ses remerciements vont au président du comité de la biosphère du Chouf, Charles Noujeim, ainsi qu’à Nizar Hani, directeur de la même biosphère, qui l’ont soutenue dans les différentes étapes de sa démarche. Et l'artiste ne manque pas d'exprimer sa profonde gratitude au PDG d’Ici Beyrouth, Marc Saïkaly, ainsi qu'à son équipe.

Le président du parc naturel régional de Corse Jacques Costa

La chanson de clôture, un cadeau de retour

Afin de couronner le projet des deux jumelages, Pascale dévoile son cadeau aux invités corses, l’hymne national corse qu’elle interprète passionnément en y introduisant le chant syriaque sans toucher aux paroles initiales ni à leur sens. Elle reprend l’hymne en trois langues: l’italien, le syriaque et le corse. Elle réalise la vidéo à Bonifacio et enregistre accompagnée d'Eternu, un groupe de chanteurs polyphonique: Dio Vi Salvi Regina, l’hommage le plus répandu à la Sainte Vierge Marie, l’Immaculée Conception. En 1735, la Corte rompt avec Gênes et proclame la souveraineté de la Corse. Alors Salvi Regina devient le chant de ralliement des insurgés. En 1762, les nationaux corses se placent sous la protection de la Sainte Vierge et adoptent ce chant religieux comme hymne national auquel ils ajoutent un couplet ultime, en langue corse, exhortant à la victoire des Corses sur leurs ennemis. À travers ce passage, les deux rives orientale et occidentale de la Méditerranée expriment leurs mêmes croyances, mais surtout l’urgence de la résistance devant les agresseurs. Dio Vi Salvi Regina est l’hymne qui pourrait servir au mieux la cause libanaise. En effet, il semble qu’on ait besoin d’un miracle de la Vierge Marie, vénérée aussi bien chez les chrétiens que chez les musulmans, pour sortir de l’impasse sans précédent dans laquelle nous nous trouvons. Avant de laisser sa voix s’élever et envoûter le public, Pascale affirme: «À l’image de nos amis corses, les Libanais doivent se placer, maintenant plus que jamais, sous la protection de la Vierge Marie, car elle est l’espérance des tourmentés et des opprimés.» Puis elle termine avec le dernier couplet ajouté: «Sur nos ennemis donnez-nous la victoire puis l’éternelle gloire au paradis».

Pascale Ojeil, Le maire de Byblos Wissam Zaarour, l'attaché de coopération au service culturel Sébastien Lesaulnier, le maire de Bonifacio Jean- Charles Orsucci et le président du PNRC Jacques Costa

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