La Commission européenne a présenté mardi une réforme de l'espace Schengen destinée à limiter les contrôles aux frontières intérieures pour préserver le marché unique, tout en répondant en partie aux préoccupations d'Etats membres sur les mouvements migratoires.
Si Schengen est en principe un espace de libre circulation sans contrôles aux frontières intérieures entre 26 pays (22 pays de l'UE plus Islande, Liechtenstein, Norvège et Suisse), plusieurs ont rétabli des contrôles aléatoires d'identité aux frontières ces dernières années, à la suite de la crise migratoire de 2015 et de la menace terroriste. Plus récemment, les restrictions de circulation imposées par les Etats membres pour lutter contre le Covid-19 ont encore fragmenté cet espace.
Six pays -la France, l'Allemagne, le Danemark, l'Autriche, la Norvège et la Suède- reconduisent depuis 2015, tous les six mois, ces contrôles, autorisés par le code Schengen à titre exceptionnel et de manière provisoire.
Le chef de l'Etat français a récemment souhaité "plus d'efficacité" contre la migration irrégulière, réclamant notamment la possibilité d'effectuer des contrôles à plusieurs kilomètres d'une frontière entre deux Etats membres.
Une préoccupation à laquelle répond partiellement la proposition de la Commission. Elle ouvre la possibilité pour un Etat membre d'appréhender un migrant en situation irrégulière dans une zone frontalière et de le transférer vers l'Etat membre voisin par lequel il est arrivé, au lieu de devoir le renvoyer vers son pays d'origine comme c'est actuellement le cas.
Mais à deux conditions. Que le migrant soit appréhendé dans le cadre d'une opération de police réalisée en commun par les deux pays. Ou qu'il existe un accord de réadmission entre ces deux Etats, dont la Commission encourage désormais la conclusion.
En permettant cette procédure dans ces zones frontalières, la Commission souhaite éviter le plus possible les contrôles à la frontière même, qui perturbent le bon fonctionnement du marché intérieur et la libre circulation des personnes et des marchandises.
"Avec nos propositions d'aujourd'hui, nous veillerons à ce que les contrôles aux frontières ne soient introduits qu'en dernier recours, sur la base d'une évaluation commune et pour la durée nécessaire", a déclaré la commissaire européenne aux Affaires intérieures Ylva Johansson.
Si ces contrôles durent plus de dix-huit mois, la Commission devra émettre une opinion sur leur proportionnalité.
Il ne s'agit "pas d'un veto", a précisé Ylva Johansson. Mais "plus les contrôles sont prolongés, plus (l'Etat membre) devra argumenter, en démontrant avoir envisagé des mesures alternatives et pourquoi elles ne suffisent pas".
L'exécutif européen veut aussi tirer les leçons de la pandémie, en rendant plus contraignante la coordination des restrictions d'accès aux voyageurs de pays tiers prises aux frontières extérieures de l'espace Schengen pour lutter contre la propagation du virus.
Par exemple, quand il s'agit d'interdire l'entrée à des voyageurs en provenance de zones particulièrement affectées ou de les soumettre à l'obligation de présenter un certificat vaccinal ou un test PCR négatif.
Cette harmonisation est nécessaire pour éviter là encore des contrôles internes dans Schengen car, une fois entré dans le bloc, un voyageur peut en théorie s'y déplacer librement.
Or les recommandations prises jusqu'à présent en la matière n'ont pas été suffisamment suivies par les Etats membres. Dans le nouveau cadre proposé par Bruxelles, la coordination relèverait d'une décision contraignante du Conseil, qui représente les Vingt-Sept.
L'exécutif européen veut aussi répondre à une situation d'instrumentalisation des migrants par un pays tiers, comme récemment le Bélarus. Pour permettre à des Etats membres de faire face à ce cas de figure, et comme elle l'a récemment fait pour la Pologne, la Lituanie et la Lettonie confrontées à des arrivées de migrants, elle propose des procédures d'asile exceptionnelles, notamment en prolongeant les délais d'enregistrement des demandes.
La proposition de la Commission va désormais être soumise au Parlement européen et aux Etats membres pour des négociations.
AFP
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