Mikati tente de défendre la convocation du gouvernement démissionnaire
La décision du Premier ministre sortant, Najib Mikati, de convoquer son équipe démissionnaire et chargée seulement d’expédier les affaires courantes, à un Conseil des ministres restreint, lundi, continue de faire des vagues dans les milieux politiques, notamment chrétiens. Le bloc parlementaire des Forces libanaises doit se réunir très prochainement, probablement lundi matin, à l’initiative du chef des FL, Samir Geagea, afin de discuter de cette affaire et de prendre position.

Samedi, un des députés de ce bloc, Fady Karam, a estimé que rien ne justifie un ordre du jour de 65 points pour un gouvernement démissionnaire. Selon lui, le paiement des sommes dues aux hôpitaux, un des principaux motifs avancés pour justifier la réunion de lundi, peut être approuvé par le biais d’un décret itinérant.

Au-delà de l’aspect (anti)constitutionnel de cette démarche, justifiée, certes, par la nécessité de plancher sur des dossiers qui ne peuvent pas attendre, la convocation d’un gouvernement démissionnaire à l’ombre d’un vide à la tête de l’État tend surtout à banaliser ce vide. L’urgence, puisque tel est le prétexte avancé par ceux qui pressent pour la réunion du gouvernement, serait non pas de banaliser un vide mais d’œuvrer pour le combler, à travers l’élection d’un président.


Najib Mikati a plaidé pour l’élection, en priorité, d’un nouveau chef de l’État, tout en essayant de nouveau samedi de défendre sa décision. Il a ainsi assuré, en marge de la cérémonie d’ouverture du Salon du livre arabe international, que son équipe se limitera à l’examen des « dossiers fondamentaux, en rapport notamment avec la Santé des Libanais. Selon lui, ce qu’elle entreprend « s’inscrit de ce fait dans le cadre des expéditions des affaires courantes ». « Nous avons fait part depuis mardi dernier de notre intention de convoquer le gouvernement à cause d’un dossier urgent qui concerne directement la santé des citoyens, notamment ceux qui souffrent de cancers et qui subissent des dialyses », a-t-il dit, en allusion aux sommes dues aux hôpitaux qui accueillent des patients qui se font soigner aux frais du ministère de la Santé. « J’ai demandé au secrétariat général du Conseil des ministres d’établir l’ordre du jour de la séance. Celui qui m’a été remis comprenait 318 points, ce qui ne correspond pas au concept de l’expédition des affaires courantes », a-t-il ajouté, en précisant que l’ordre du jour de la réunion de lundi a été au final réduit à 65 articles. « Je pense même qu’il est possible d’en écarter une quarantaine pour nous limiter à ce qui est urgent », a insisté Najib Mikati, en expliquant que les sujets qui nécessitent la présence de ministres compétents ne seront pas abordés si ces derniers ne sont pas présents. Il faisait ainsi allusion à une éventuelle absence des ministres du CPL, qui boycotteraient la réunion de lundi, en signe de protestation.

Le CPL estime qu’un gouvernement d’expédition des affaires courantes ne peut pas se réunir et ne peut pas non plus assumer les prérogatives du chef de l’État. En soirée, la vice-présidente du parti, May Khreiche, a critiqué de façon cinglante la démarche de Najib Mikati, s'attirant une vive réponse de ce dernier qui a brandi la menace d'un recours à la justice. Sur son compte Twitter, elle a littéralement accusé ce dernier d'être "mû par une rancune qui risque d'entraîner une discorde". "La crise sociale que vous prétextez n'est pas nouvelle, a-t-elle écrit sur son compte Twitter, en s'adressant à M. Mikati. Vous êtes le chef d'un gouvernement démissionnaire et la Constitution vous interdit de convoquer le Conseil des ministres en l'absence d'un chef de l'État. Comment avez-vous rétabli un droit qui est tombé et qui a entraîné avec lui votre désignation" pour former un nouveau gouvernement. Et d'ajouter: "Prenez garde à la rancune, car elle peut entraîner une discorde. Dans le temps, un conseil valait son pesant d'or, mais je sais que cette expression vous fait rigoler puisque vos prix sont affichés en dollars". Ces propos ont visiblement irrité le Premier ministre sortant qui a réagi sans tarder, en relevant une menace à peine voilée dans le tweet de la responsable aouniste. "Le discours de la vice-présidente du CPL recèle une menace et une provocation et devrait être considéré comme une note d'information", a écrit M. Mikati sur son compte Twitter, en situant ce discours "dans le cadre de la campagne de provocation menée par ce parti depuis la convocation du gouvernement à une réunion".

La querelle autour de l'opportunité d'une convocation du cabinet en l'absence d'un chef de l'État revêt, dans certains de ses aspects, un caractère confessionnel, des partis comme le CPL accusant le Premier ministre sunnite de vouloir s'arroger les prérogatives du président chrétien et de consacrer ainsi un fait accompli, en contradiction avec l'esprit du Pacte national.
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