©Un membre du groupe de suprémaciste blanc "Nationalist Social Club" arbore le symbole des SS lors d'un rassemblement pro-police et pro-Trump. (AFP)
"J'aime Hitler" a déclaré Kanye West. Le tollé provoqué par le rappeur est le dernier phénomène en date indiquant la banalisation de l'antisémitisme aux États-Unis. Le trumpisme, le divorce des minorités, ainsi que l'aspect nocif des réseaux sociaux amplifient les théories du complot contre les juifs et la banalisation de l'Holocauste, affirment des experts.
"Plutôt que lui offrir une tribune, nos responsables politiques devraient dénoncer publiquement l'antisémitisme partout où il se trouve", a tweeté le président américain Joe Biden. "L'Holocauste s'est bien produit. Hitler était une personne diabolique", a-t-il ajouté au lendemain du tollé provoqué par le rappeur Kanye West, qui a confessé son admiration pour Hitler et les nazis lors d'une interview avec un présentateur américain complotiste.
"J'aime Hitler", a lancé à plusieurs reprises l'artiste, qui se fait désormais appeler Ye et qui avait dîné en petit comité quelques jours plus tôt au domicile de Donald Trump en Floride avec l'ancien président républicain, en présence d'un suprémaciste blanc, Nick Fuentes, connu pour avoir remis en cause la réalité de la Shoah. Pour les analystes, ces propos montrent que l'intolérance religieuse et les théories du complot impliquant la communauté juive sont devenues presque normales.
Elles sont relayées notamment par le mouvement MAGA ("Make America great again", ou rendre à l'Amérique sa grandeur) de Donald Trump et la nébuleuse complotiste d'extrême droite QAnon. Mais aussi par des personnalités du sport et du show business comme Kanye West ou la star du basket Kyrie Irving, qui a récemment fait la promotion d'un film à caractère antisémite, contenant entre autres une citation attribuée à Adolf Hitler et niant la réalité de l'Holocauste.
Le président Joe Biden appelle les responsables politiques américains à dénoncer publiquement l'antisémitisme, peu après que Donald Trump a reçu un négationniste à son domicile de Floride et que le rappeur Kanye West a fait l'apologie d'Adolf Hitler. (AFP)
"Quand on a des célébrités qui défendent un antisémitisme classique comme Kanye West, qui a plus d'abonnés à son compte Twitter qu'il n'y a de juifs sur la planète Terre, c'est une chose qui va entrer dans le débat public", note Oren Segal, de l'organisation de lutte contre l'antisémitisme ADL.
Il n'y a pas que Donald Trump qui a déjeuné avec Kanye West et Nick Fuentes, remarque-t-il. Plusieurs élus républicains ont participé à une conférence pro-Trump organisée par Fuentes il y a quelques mois. "Cette normalisation n'a pas commencé lorsque Kanye a perdu la tête", souligne Oren Segal auprès de l'AFP. "C'est une chose à laquelle nous assistons depuis longtemps."
Pour lui, le trumpisme est un facteur important de la banalisation de ces incitations à la haine. "Le trumpisme est compris comme la normalisation de la désinformation et des théories du complot, et la normalisation de l'antisémitisme n'est pas loin", explique-t-il. Et les conséquences sont réelles, rappelle-t-il, mentionnant les attentats sanglants contre les synagogues de Pittsburgh, en Pennsylvanie (11 morts en 2018) et de Poway, en Californie (1 mort en 2019).
Le fait que Kanye West et Kyrie Irving soient tous les deux afro-américains a fait craindre une montée de l'antisémitisme dans la communauté noire et chez les jeunes. Mais pour Cheryl Greenberg, professeure au Trinity College, il s'agit surtout d'une "tendance à banaliser des idées extrémistes".
Cette tendance est selon elle favorisée par le fait que les plus jeunes générations connaissent moins bien l'Holocauste et sont davantage sensibilisées aux problèmes des autres communautés marginalisées ou oppressées, que ce soit les minorités ethniques ou LGBT+.
Invité par Donald Trump à la Maison Blanche, Kanye West évoquait en 2018 son soutien au président qui est "sur sa route de héros." (AFP)
"En faisant de l'antisémitisme la question centrale, les juifs ont compliqué le dialogue avec beaucoup d'autres communautés", estime l'experte du Trinity College. Elle note également que l'alliance traditionnelle des communautés juive et afro-américaine qui existait dans les années 1950-60 pour la défense des droits civiques s'est aujourd'hui défaite.
Les personnalités noires les plus jeunes et les autres minorités ne considèrent plus les juifs comme des victimes, mais comme des personnes blanches qui ont réussi. "Il y a beaucoup de communautés, il n'y a pas que les juifs", et la seule solution est de coopérer avec les autres - même celles qui critiquent Israël - pour continuer à lutter contre le sentiment anti-juifs, estime Mme Greenberg, qui est elle-même juive.
Le rabbin Charlie Cytron-Walker, libéré après avoir été retenu en otage dans une synagogue du Texas en 2019, déclare que l'expérience "a été terrifiante" et raconte comment il a pu s'échapper en jetant une chaise sur le tireur. (AFP)
La prise de contrôle chaotique de Twitter par Elon Musk a par ailleurs montré à quel point des contenus problématiques peuvent réapparaître rapidement sur les réseaux sociaux dès que les responsables de la modération des contenus relâchent leur vigilance.
Mais Oren Segal s'inquiète plutôt de "l'écosystème" des hébergeurs de vidéos basés sur des algorithmes, comme TikTok, ou des plateformes de discussion sans modération des contenus, comme Telegram ou Reddit, où des communautés entières se sont bâties autour de l'antisémitisme. "C'est un environnement toxique où les plus vulnérables viennent former leurs opinions", conclut-il. "Nous commençons à en voir les conséquences."
Maxime Pluvinet avec AFP
"Plutôt que lui offrir une tribune, nos responsables politiques devraient dénoncer publiquement l'antisémitisme partout où il se trouve", a tweeté le président américain Joe Biden. "L'Holocauste s'est bien produit. Hitler était une personne diabolique", a-t-il ajouté au lendemain du tollé provoqué par le rappeur Kanye West, qui a confessé son admiration pour Hitler et les nazis lors d'une interview avec un présentateur américain complotiste.
"J'aime Hitler"
"J'aime Hitler", a lancé à plusieurs reprises l'artiste, qui se fait désormais appeler Ye et qui avait dîné en petit comité quelques jours plus tôt au domicile de Donald Trump en Floride avec l'ancien président républicain, en présence d'un suprémaciste blanc, Nick Fuentes, connu pour avoir remis en cause la réalité de la Shoah. Pour les analystes, ces propos montrent que l'intolérance religieuse et les théories du complot impliquant la communauté juive sont devenues presque normales.
Elles sont relayées notamment par le mouvement MAGA ("Make America great again", ou rendre à l'Amérique sa grandeur) de Donald Trump et la nébuleuse complotiste d'extrême droite QAnon. Mais aussi par des personnalités du sport et du show business comme Kanye West ou la star du basket Kyrie Irving, qui a récemment fait la promotion d'un film à caractère antisémite, contenant entre autres une citation attribuée à Adolf Hitler et niant la réalité de l'Holocauste.
Le président Joe Biden appelle les responsables politiques américains à dénoncer publiquement l'antisémitisme, peu après que Donald Trump a reçu un négationniste à son domicile de Floride et que le rappeur Kanye West a fait l'apologie d'Adolf Hitler. (AFP)
Trumpisme et antisémitisme
"Quand on a des célébrités qui défendent un antisémitisme classique comme Kanye West, qui a plus d'abonnés à son compte Twitter qu'il n'y a de juifs sur la planète Terre, c'est une chose qui va entrer dans le débat public", note Oren Segal, de l'organisation de lutte contre l'antisémitisme ADL.
Il n'y a pas que Donald Trump qui a déjeuné avec Kanye West et Nick Fuentes, remarque-t-il. Plusieurs élus républicains ont participé à une conférence pro-Trump organisée par Fuentes il y a quelques mois. "Cette normalisation n'a pas commencé lorsque Kanye a perdu la tête", souligne Oren Segal auprès de l'AFP. "C'est une chose à laquelle nous assistons depuis longtemps."
Pour lui, le trumpisme est un facteur important de la banalisation de ces incitations à la haine. "Le trumpisme est compris comme la normalisation de la désinformation et des théories du complot, et la normalisation de l'antisémitisme n'est pas loin", explique-t-il. Et les conséquences sont réelles, rappelle-t-il, mentionnant les attentats sanglants contre les synagogues de Pittsburgh, en Pennsylvanie (11 morts en 2018) et de Poway, en Californie (1 mort en 2019).
Dialogue des minorités
Le fait que Kanye West et Kyrie Irving soient tous les deux afro-américains a fait craindre une montée de l'antisémitisme dans la communauté noire et chez les jeunes. Mais pour Cheryl Greenberg, professeure au Trinity College, il s'agit surtout d'une "tendance à banaliser des idées extrémistes".
Cette tendance est selon elle favorisée par le fait que les plus jeunes générations connaissent moins bien l'Holocauste et sont davantage sensibilisées aux problèmes des autres communautés marginalisées ou oppressées, que ce soit les minorités ethniques ou LGBT+.
Invité par Donald Trump à la Maison Blanche, Kanye West évoquait en 2018 son soutien au président qui est "sur sa route de héros." (AFP)
"En faisant de l'antisémitisme la question centrale, les juifs ont compliqué le dialogue avec beaucoup d'autres communautés", estime l'experte du Trinity College. Elle note également que l'alliance traditionnelle des communautés juive et afro-américaine qui existait dans les années 1950-60 pour la défense des droits civiques s'est aujourd'hui défaite.
Les personnalités noires les plus jeunes et les autres minorités ne considèrent plus les juifs comme des victimes, mais comme des personnes blanches qui ont réussi. "Il y a beaucoup de communautés, il n'y a pas que les juifs", et la seule solution est de coopérer avec les autres - même celles qui critiquent Israël - pour continuer à lutter contre le sentiment anti-juifs, estime Mme Greenberg, qui est elle-même juive.
Le rabbin Charlie Cytron-Walker, libéré après avoir été retenu en otage dans une synagogue du Texas en 2019, déclare que l'expérience "a été terrifiante" et raconte comment il a pu s'échapper en jetant une chaise sur le tireur. (AFP)
"Écosystème" virtuel nocif
La prise de contrôle chaotique de Twitter par Elon Musk a par ailleurs montré à quel point des contenus problématiques peuvent réapparaître rapidement sur les réseaux sociaux dès que les responsables de la modération des contenus relâchent leur vigilance.
Mais Oren Segal s'inquiète plutôt de "l'écosystème" des hébergeurs de vidéos basés sur des algorithmes, comme TikTok, ou des plateformes de discussion sans modération des contenus, comme Telegram ou Reddit, où des communautés entières se sont bâties autour de l'antisémitisme. "C'est un environnement toxique où les plus vulnérables viennent former leurs opinions", conclut-il. "Nous commençons à en voir les conséquences."
Maxime Pluvinet avec AFP
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