Tout changement à la formule de Taëf expose le pays à la partition
Un ancien responsable évoque quelques anecdotes concernant le compromis présidentiel conclu en 2016 entre le général Michel Aoun, Saad Hariri et Samir Geagea. Il semblerait que lors d’une réunion à Paris entre Saad Hariri et Sleiman Frangié, il aurait été convenu de proposer la candidature de Frangié pour mettre fin à la vacance au niveau du pouvoir après les difficultés rencontrées pour assurer le quorum à Michel Aoun. Samir Geagea a eu vent de la réunion à laquelle Hariri ne l’avait pas convié. Il s’est aussitôt dépêché de contacter Rabieh et la réconciliation entre les deux partis chrétiens a vu le jour. Elle a été favorablement accueillie dans les milieux chrétiens ainsi que sur le plan national, sans compter Bkerké, car cet accord a mis un terme à une guerre fratricide grâce aux efforts déployés par Melhem Riachi et Ibrahim Kanaan qui ont œuvré pour la réussite de cette entreprise.

Cette démarche avait pour objectif de barrer la route à Sleiman Frangié afin qu’il n’accède pas à la Magistrature suprême. Michel Aoun avait également mobilisé Hasan Nasrallah pour faire obstruction à cette démarche alors que Saad Hariri avait pavait la voie à Frangié à Paris, Riyad, le Caire, Abu Dhabi, entre autres capitales. Les démarches de Frangié ont été entravées bien que le président François Hollande se soit entretenu avec lui pendant un quart d’heure en guise de soutien, en parallèle avec d’autres signes positifs et des appels du pied du Courant patriotique libre à Saad Hariri par le truchement de son cousin Nader Hariri, camarade de Gebran Bassil sur les bancs de l’Université américaine de Beyrouth.

Suite à quoi, Saad Hariri change son fusil d’épaule et entreprend de soutenir Michel Aoun, d’autant plus que Samir Geagea s’opposait à la démarche de Frangié. M. Geagea s’est aussitôt emparé du soutien de Saad Hariri à Michel Aoun pour combler le vide après que Gebrane Bassil l’ai submergé de promesses avec la garantie de Nader Hariri.

Un ancien Premier ministre avait conseillé à Saad Hariri de s’assurer du soutien saoudien avant d’effectuer ce pas. Saad Hariri s’était rendu à Riyad et avait reçu un feu orange alors qu’il était rouge à la base. Il a poursuivi sur cette voie après avoir convaincu Riyad de ne pas opposer son véto.

La situation devant se cristalliser après l’arrivée de Aoun à Baabda, ce dernier devant œuvrer à la « libanisation » du Hezbollah et mettre en place une stratégie de défense afin d’utiliser au mieux les capacités du Hezb et mettre en œuvre les dispositions de la résolution 1559 qui prévoit le monopole des armes aux mains de la légalité ainsi que la distanciation par rapport aux conflits régionaux.

Cette proposition a été soumise à Geagea qui a opté pour Aoun au détriment de Frangié car ce dernier « allait achever les Forces libanaises dans le Nord ». De ce fait, Aoun a été élu et il s’est rendu en Arabie Saoudite pour sa première visite à l’étranger, où il a reçu la promesse de soutien et d’aide. Cependant, ces promesses ont été aussitôt gelées suite au revirement de Aoun par rapport aux engagements pris lors de sa visite en Arabie Saoudite.

Michel Aoun a ainsi annoncé au Sommet du Caire, en réponse à une question sur le Hezbollah, « que le Liban a besoin de la résistance pour protéger les frontières et libérer les parties du territoire sous occupation car l’armée n’est pas en mesure de le faire ». C’est alors que la perception des pays du Golfe à l’égard de Aoun a changé, notamment celle de l’Arabie saoudite, et Aoun s’est retrouvé pris à son propre piège, alors que Hariri a payé le prix de cette mésaventure et du compromis présidentiel.


Des milieux du cercle des anciens Premiers ministres se demandent qui oserait encore s’aventurer avec les aounistes sur la voie d’un nouveau compromis après que le chef du CPL a retourné sa veste en violant tous les compromis, les accords, les ententes, en contredisant les échanges entre le CPL et les FL, et entre le CPL et le Courant du Futur.

Le CPL a uniquement maintenu l’entente avec le Hezbollah (Mar Mikhael) car les deux partis ont besoin l’un de l’autre durant cette étape. Les conditions pour aboutir à un compromis ne sont pas favorables aujourd’hui ni sur le plan intérieur ni au niveau extérieur même si Aoun œuvre dans ce sens en raison de la divergence sur l’identité et le rôle du Liban entre les différentes composantes de l’échiquier politique qui réclament des réformes sans disposer d’un plan unifié ou de dénominateurs communs.

Les contours de la personnalité du prochain président ne sont pas encore clairement définis dans les capitales qui détiennent un pouvoir de décision car le règlement régional n’a pas encore émergé. Le président Aoun essaye de profiter de ce flou artistique, selon les milieux du tandem chiite, pour faire passer son « projet de succession ». Cependant, l’opposition du président Berri et sa distanciation de Baabda sont autant d’indicateurs négatifs sous-tendant un refus du projet de Aoun.

Berri et d’autres forces s’opposent au projet de succession y compris le Hezbollah qui évite de se prononcer par rapport à cette question pour l’instant. Le Hezbollah avait pourtant promis à Frangié en 2016 son soutien pour succéder à Aoun en dépit de l’accord conclu entre Aoun et Geagea sur le rapport des forces dans le milieu chrétien, de manière à porter le plus fort au pouvoir, et c’est ce à quoi s’accroche Geagea qui refuse désormais le qualificatif du président faible qui n’est plus acceptable aujourd’hui.

En contrepartie, un des membres du club des anciens Premiers ministres déclare qu’ils ne voteront plus pour un président fort ou partisan mais pour un président modéré, sage, et qui se tient à équidistance des Libanais.

Ne pas aborder la question de la présidentielle à moins d’un an de l’échéance revient au fait que l’importance est accordée au règlement majeur en gestation et à la résolution des problèmes conformément à la conception des régimes dans la région sur base d’un nouveau Yalta qui sera imposé au Liban, car les différentes forces politiques divergent sur la solution et sur les réformes à entreprendre ainsi que sur la nouvelle forme du régime.

L’accord de Taëf restera la seule solution acceptable en l’absence d’une formule alternative et l’accord de Taëf sera mis en oeuvre dans sa totalité. Tenir à la parité islamo-chrétienne serait–il le prélude à l’État laïc ? Des milieux proches des Forces libanaises considèrent que tout changement à la formule de Taëf pour réclamer un partage du pouvoir sur base des trois tiers posera les jalons de la partition du pays.
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