Oliver Stone: «Zola a payé le prix pour Dreyfus»
Oliver Stone avait visité le Liban en 1975, juste avant la guerre civile. Il était alors marié à une Libanaise. Il affirme avoir flairé que la situation sécuritaire allait empirer dans un pays aussi divisé que le Liban. Lui qui avait participé à la guerre du Vietnam était bien placé pour la ressentir. Après le Vietnam, il était rentré en Amérique, le cœur retourné par tant de violences et avait rejoint l’école de cinéma pour devenir un artiste engagé. Pour lui, il faut rester compatissant et écouter les nombreux points de vue. «J'aime garder les choses en perspective», affirme-t-il. Il s’agit d’être «un intellectuel engagé sans avoir peur ni devenir un idéologue».

Le réalisateur, scénariste, acteur et producteur reconnu internationalement et lauréat de différents prix, entre autres l’oscar du meilleur scénario pour le film Midnight Express, a présidé le jury international de la seconde édition du Festival international du film de la mer Rouge à Jeddah. Il a confié lors de la cérémonie d’ouverture: «Vous voyez les changements qui arrivent ici ainsi que les réformes. Ceux qui jugent trop sévèrement devraient visiter cet endroit et voir par eux-mêmes.» C’est dans le cadre du festival qu’Ici Beyrouth l’a rencontré, le temps de quelques questions et d’une mise en perspective.

Certains de vos films, tels que JFK et Jim Morrison - The Doors, sont à cheval entre un documentaire et une fiction. Quelle est votre approche en tant que réalisateur?

J'essaie de travailler tout en restant le plus proche possible de la réalité. La réalité est une base. Quand il s’agit en particulier de documentaires, on se retrouve dans un champ illimité de recherches. Parfois on doit faire des tonnes de recherches. C’est le cas pour le film JFK, mais à un moment donné, il faut se décider à réaliser le film. Quand on parle de film, cela devrait être plaisant. Un documentaire devrait être plus instructif et pas aussi divertissant. Cependant, on ne peut pas nier qu’actuellement, ce processus a été corrompu à nouveau. Ce qui se trouve sur Netflix, par exemple, concerne les tueurs en série et ce genre de bêtises. Le monde a connu une sorte de pression pour faire du documentaire un film divertissant et ce n'est pas une idée très intelligente parce qu’on ne pourrait plus délimiter la vérité et la fiction. Il faut parfois dire la vérité telle quelle. La raison pour laquelle Fahrenheit 9/11 de Michael Moore n'a pas été rendu accessible, c'est parce qu'il était critique et poignant. Mais c’est en effet la bonne chose à faire pour les documentaires.

Plusieurs de vos films ont été qualifiés de «controversés». Qu’en pensez-vous?


C’est ce qu’on dit toujours. Je trouve que c'est ridicule.

Quelle serait alors votre idée du controversé?

Je pense que n'est pas grave, on peut être controversé quand on est artiste. En fait, un homme politique devrait également être controversé. Je reviens à Émile Zola; il a payé le prix pour avoir défendu Dreyfus. En ce qui concerne Charles Dickens, il se concentrait sur les défauts et les tensions de la société. Quant à mes films, ils mettent en relief la tension dans la société américaine. Voilà pourquoi ils ne sont pas toujours populaires.

Marie-Christine Tayah
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