Le juge d'instruction militaire pas encore démis de ses fonctions
Contrairement à ce qui circule dans les médias, le juge Marcel Bassil n'a pas encore été démis de ses fonctions. Il a interjeté appel devant le Haut Conseil de discipline contre une décision prise à son encontre pour «négligence» et continuera d'exercer ses fonctions jusqu'à ce que le verdict final soit prononcé. 

Contrairement à ce qui circule dans les médias, le juge d’instruction militaire, Marcel Bassil, continue d’exercer ses fonctions. Il reste en poste jusqu’à ce qu’une décision finale soit rendue par le Haut Conseil de discipline (en deuxième instance), formé de cinq juges du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) et présidé par le juge Souheil Abboud, qui assure le suivi d'une plainte déposée contre lui par un justiciable pour «négligence».

M. Bassil a été affecté, en 2017, au tribunal de Zghorta, en tant que juge unique. En 2018, il fait l’objet d’une plainte déposée contre lui, par un justiciable, devant l’Inspection judiciaire, pour négligence. Sur son bureau, les dossiers se seraient amoncelés entre 2017 et 2018, révélant le nombre de citoyens en attente d’une décision définitive concernant leur condamnation. Le Conseil de discipline, devant lequel l’affaire a été transférée, a jugé en première instance que le magistrat devrait être démis de ses fonctions. Décision contre laquelle M. Bassil a interjeté appel devant le Haut Conseil de discipline. En attendant le verdict final, aucune mesure ne peut être prise à son encontre. La raison pour laquelle l’affaire a pris une telle ampleur est que les motifs de cette première décision ne font pas l’unanimité dans les milieux judiciaires. Cependant, tous les juristes s’accordent à dire que «la politique n’entre pas en jeu ici» et que les fondements en sont purement juridiques. Le fait que de telles procédures soient tenues secrètes du fait de la loi entraîne spéculations et interprétations aléatoires.

Certains juristes considèrent que la négligence n’est pas une raison valable pour démettre un juge de ses fonctions, cette sanction étant la plus grave parmi celles infligées par le Conseil de discipline. «Il aurait pu faire plutôt l’objet d’un avertissement, d’un blâme ou même d’une réduction de grade», affirme l’ancien président du Conseil d'État, Churci Sader. «Au stade où se trouve l’affaire, le juge Bassil devrait être impliqué dans d’autres manœuvres ‘disciplinaires’», poursuit-il.


Interrogé par Ici Beyrouth, un ancien membre du CSM, déclare que la «négligence excessive et intentionnelle constitue une raison qui peut pousser le Conseil de discipline à le démettre de ses fonctions. Encore faut-il savoir comment les éléments du dossier ont été traités». D’après lui, d’autres dossiers semblables à celui de M. Bassil seront tranchés dans l'avenir proche et «la grève des magistrats, si elle persiste, ne sera pas sans conséquences sur le plan judiciaire». Rappelons à cet égard que les juges sont en cessation de travail depuis plusieurs mois et que cette démarche est au centre de multiples controverses. Ils protestent contre leurs conditions de vie qui se sont dégradées à la lumière de la crise financière, mais aussi contre celles, professionnelles, auxquelles ils sont confrontés quotidiennement.

Le sort de M. Bassil: une première?

Si le Haut Conseil de discipline venait à décider de démettre le magistrat Bassil de ses fonctions, cette mesure sans recours mettrait fin à sa carrière. Il serait privé de son indemnisation de licenciement et de sa retraite. Tout lien avec lui en tant que juge serait en outre rompu. «Ce serait une première décision rendue pour des motifs de négligence», avance une magistrate sous couvert d'anonymat.

Il ne s’agit cependant pas d’un fait inédit. Au cours des vingt dernières années, de nombreux juges ont été démis de leurs fonctions. Rappelons qu’en 2009, l’ancien ministre de la Justice, Ibrahim Najjar, avait fait part de la décision rendue par le Conseil supérieur de discipline «de ratifier l'arrêt confirmatif de la décision de la Commission disciplinaire de première instance prise en mars 2007» de démettre un juge de ses fonctions. Il avait également déclaré que 18 autres dossiers étaient sous étude. Ceux-ci ont depuis été tous clôturés, comme le confirme M. Najjar à Ici Beyrouth, se félicitant du travail de cette instance «qui continue de fonctionner malgré tout». Une injustice est toutefois à relever. Il s’avère, d’après M. Sader, qu'il a été conseillé à d’autres juges «de démissionner d'eux-mêmes, pour qu’ils puissent préserver la part d’indemnités de fin de service à laquelle ils ont droit». C’est dire que le favoritisme a toujours lieu d’être, même dans le secteur le plus «noble» de l’État.
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