Comme une envie de rêver en ce mois de fêtes. Comme une envie de s’échapper au glauque et de regarder plus loin. Ou peut-être de jeter un coup d’œil sur hier, quand le Liban savait se parer de paillettes et de magie. Tout cela est fini ou alors en suspens. Car le Casino demeure. Lieu de tous les délires, des démesures et des réalisations extravagantes, il a été un jour qualifié par le «Daily Telegraph» du «plus grand et plus spectaculaire casino du monde». Et pour «Le Figaro»: «Le Libanais lance un défi à un autre colosse; à Monte-Carlo lui-même.» C’était hier.
Hier, oui, quand l’idée d’ériger un casino au Liban a germé dans la tête d’entrepreneurs d’avant-garde. Nous sommes en 1956, le mandat de Camille Chamoun a mis le Liban en lumière et le tourisme est au meilleur de sa forme. Surtout le tourisme arabe avec des centaines de milliers de villégiateurs chaque été. Le Liban attire et séduit. Le lieu est tout trouvé, ce sera la baie de Maameltein, avec son joli point de vue surplombant la mer. En mars 1957, l’offre de la société Menassah et Kharrat est retenue. La Compagnie du Casino du Liban est créée, groupant Victor Moussa, Albert Menassah et Émile Kharrat. Elle bénéficie d’une concession de trente ans et le monopole des jeux de hasard.
Les travaux peuvent commencer et ils vont durer plus de deux ans tant les entrepreneurs ont vu grand et beau. Ce sera un Casino-spectacle avec tout ce qu’il faudra pour attirer les plus grands shows du monde et les noctambules de tous genres. Sur plus de 100.000 mètres carrés, la forme élégante du casino, qui occupera 20.000 mètres carrés, avec une immense terrasse, se profile, ainsi que celle plus sobre du théâtre adjacent. La route pour y accéder a été creusée en une nuit par 700 ouvriers déterminés.
Les happy few invités à l’inauguration, le 17 décembre 1959, n’oublieront pas de sitôt leur première soirée dans ce lieu magique. D’abord, parce qu’ils ont mis plus de deux heures pour faire le trajet Beyrouth-Jounieh, tant il y avait du monde. Ensuite, parce que, après le feu d’artifice grandiose, ils découvrent deux bâtiments, le premier composé de salles de jeux gigantesques sur plus de 35.000 m2, gérées par des spécialistes français qui dirigent 80 croupiers de niveau international, et de cinq restaurants, l’autre d’un théâtre (pas encore achevé) avec une fosse d’orchestre à niveau changeable, une scène tournante et une acoustique parfaite. La coupole, haute de 17 mètres, est en aluminium et restera illuminée toute la nuit. Les glaces géantes ont été coulées à Saint-Gobain, le marbre vient d’Italie, les jeux d’orgue de Belgique. Le restaurant a une capacité de 2.000 places avec la possibilité d’ajouter 2.000 autres dans le jardin. Le lendemain, 2.000 invités assistent, dans la Salle des Ambassadeurs, à un show grandiose, Avec vous, tout droit venu de Paris avec ce qu’il faut de paillettes et de plumes pour auréoler le lieu de magie.
Très vite, le Casino va enchaîner les performances et s’inscrire irrévocablement tout en haut des places to be. En avril 1960, le théâtre – 500 mètres carrés, 25 mètres de hauteur sous plafond, une scène de 30 mètres de large et 20 mètres de profondeur et 1.100 fauteuils de velours rouge – reçoit les acteurs de la Comédie française dans des pièces de choix comme L’École des maris de Molière ou le Jeu de l’amour et du hasard de Marivaux. C’est un événement dans l’histoire théâtrale du pays et ce ne sera pas le seul. Les pièces vont se suivre et les vedettes internationales se succéder.
Et, pour la première fois dans l’histoire, l’élection de Miss Europe aura lieu… hors de l’Europe. Le 6 juin 1960, les Miss se retrouvent sur le podium du Casino du Liban pour un événement inédit. L’idée a tellement plu que, durant les cinq années suivantes, le mois de juin verra atterrir à l’AIB les plus belles filles d’Europe venues disputer le titre sur la scène du Casino du Liban. Elles seront accompagnées de nuées de journalistes qui auront tôt fait d’inscrire le Liban et son Casino sur la liste des endroits à voir absolument. «La poursuite du bonheur? La contribution libanaise à la vie. Le Liban est peut-être un petit pays, mais il pense en grand.» The Manchester Guardian. Allan Wicker, le commentateur de la BBC Television, le décrit comme le plus grand Casino «in the world». «C’est réellement un magnifique édifice, perché sur une colline face à la Méditerranée. Élégance et ampleur sont sa marque, et, il faut avoir visité ses cabarets et son restaurant pour y croire.» The Evening Post. «À quinze miles de Beyrouth, vous pouvez passer une soirée, dîner en dansant, applaudir un spectacle international de revue et, si vous vous sentez en forme, essayer votre chance à la table de jeu. Le Casino est le plus moderne et le plus vaste du monde.» Rome Daily American.
Dès lors seront tout auréolés de paillettes les noms «Casino», «Salle des Ambassadeurs», «Baccarat», passage obligé pour les nombreuses vedettes, hommes politiques et têtes couronnées qui se succèdent au Liban durant cette période bénie des années 60. Dès 1961, la direction des spectacles est confiée à Charley Henchis, organisateur de shows à Las Vegas, qui a vite fait d’illuminer la Salle des Ambassadeurs avec sa première production, Mais oui, suivie en 1963 de S’il vous plait qui met en scène 7 vedettes internationales, 50 danseuses, mannequins, chanteurs et attractions du music-hall international. Avec les 400 costumes, les 20 tonnes de décors et d’accessoires, les 120 projecteurs et les 52 rideaux, cette revue de très haut standing va irrévocablement ancrer le Casino du Liban dans la cour des très grands.
On n’oubliera pas de mentionner toutes les élections de Miss Liban, les réveillons d’une abondance inégalée, le trentième Bal des Petits lits blancs, en juillet 1964, tenu pour la première fois hors de France, où Robert Hossein, Pierre Cardin, Gilbert Bécaud, Jean Piat, Géraldine Chaplin et 250 autres personnalités du gotha ont dégusté sur les terrasses du Casino plus de 350 merveilleuses spécialités libanaises préparées par Georges Rayess avant d’assister au spectacle flamboyant de Henchis. Ce qui a fait dire à Philippe Bouvard dans un long article élogieux: «Et si on remettait cela au Liban l’année prochaine?»
On continue de rêver? Côté spectacles, Sacha Distel, Charles Trenet, Gilbert Bécaud, Dalida, Najwa Fouad, Charles Aznavour, le mime Marceau, les Frères Jacques, les Frères Rahbani, Feyrouz, Shirley Bassey, Jacques Brel, Richard Anthony, Raymond Devos, Josephine Baker, Amalia Rodriguez, Joe Dassin, Michel Sardou, Serge Lama et Gérard Lenorman pour ne citer que ceux-là. Côté théâtre, Pierre Brasseur, Maria Casarès, Danielle Delorme, François Périer, Jacqueline Maillan, Claude Brasseur, Catherine Rouvel, Suzanne Flon, Louis Velle, Delphine Seyrig (qui est née au Liban), Curd Jurgens, Robert Lamoureux… Côté événements, le Festival de la coiffure et de la haute-couture, le Bal des débutantes et encore un inédit: la finale de la chanson française, en avril 1962, avec un jury prestigieux composé de Marcel Carné, Henri Verneuil, Jean-Pierre Aumont et Jean Bruce qui décidera de rester quelques jours de plus pour explorer l’idée de tourner un film au Casino.
C’était un Casino à la libanaise. Le clinquant des salles de jeux, les paillettes des shows extravagants, mais aussi la culture qui allait si bien à ce Liban d’avant-guerre. Et puis, durant les années noires, le Casino a su faire de la résistance. Les plumes et les décors rangés aux oubliettes, il restait les salles qui accueillaient, de temps en temps et à la faveur des accalmies, de petits spectacles. Il restait aussi les salles de jeux qui ont fonctionné jusqu’en 1989, date à laquelle les portes se sont fermées. Après des travaux de rénovation, l’inauguration a lieu le 3 décembre 1996. Une deuxième phase de travaux est prévue et enfin, en 1998, le Casino est fin prêt pour accueillir les spectacles dans son Théâtre et sa Salle des Ambassadeurs, les expositions dans une Salle polyvalente, conçue à cet effet et ses restaurants tout neufs. Sans oublier bien sûr ses salles de jeux sur une surface de 3.500 mètres carrés avec à la clé un record mondial, certifié en 2017 par le Guinness Book of World Records, de la plus grande roulette du monde de 8,75 mètres de diamètre.
Les moyens mis en œuvre pour «ressusciter» le Casino sont importants. On retrouve des prouesses techniques côté spectacles, et le Lido de Paris, venu s'y produire en 1998, a trouvé une scène de haut niveau. Ballets, comédies musicales et récitals, relais du Festival du Baalbeck, le Casino est toujours là. L’esprit peut-être un peu moins.
Hier, oui, quand l’idée d’ériger un casino au Liban a germé dans la tête d’entrepreneurs d’avant-garde. Nous sommes en 1956, le mandat de Camille Chamoun a mis le Liban en lumière et le tourisme est au meilleur de sa forme. Surtout le tourisme arabe avec des centaines de milliers de villégiateurs chaque été. Le Liban attire et séduit. Le lieu est tout trouvé, ce sera la baie de Maameltein, avec son joli point de vue surplombant la mer. En mars 1957, l’offre de la société Menassah et Kharrat est retenue. La Compagnie du Casino du Liban est créée, groupant Victor Moussa, Albert Menassah et Émile Kharrat. Elle bénéficie d’une concession de trente ans et le monopole des jeux de hasard.
Les travaux peuvent commencer et ils vont durer plus de deux ans tant les entrepreneurs ont vu grand et beau. Ce sera un Casino-spectacle avec tout ce qu’il faudra pour attirer les plus grands shows du monde et les noctambules de tous genres. Sur plus de 100.000 mètres carrés, la forme élégante du casino, qui occupera 20.000 mètres carrés, avec une immense terrasse, se profile, ainsi que celle plus sobre du théâtre adjacent. La route pour y accéder a été creusée en une nuit par 700 ouvriers déterminés.
Les happy few invités à l’inauguration, le 17 décembre 1959, n’oublieront pas de sitôt leur première soirée dans ce lieu magique. D’abord, parce qu’ils ont mis plus de deux heures pour faire le trajet Beyrouth-Jounieh, tant il y avait du monde. Ensuite, parce que, après le feu d’artifice grandiose, ils découvrent deux bâtiments, le premier composé de salles de jeux gigantesques sur plus de 35.000 m2, gérées par des spécialistes français qui dirigent 80 croupiers de niveau international, et de cinq restaurants, l’autre d’un théâtre (pas encore achevé) avec une fosse d’orchestre à niveau changeable, une scène tournante et une acoustique parfaite. La coupole, haute de 17 mètres, est en aluminium et restera illuminée toute la nuit. Les glaces géantes ont été coulées à Saint-Gobain, le marbre vient d’Italie, les jeux d’orgue de Belgique. Le restaurant a une capacité de 2.000 places avec la possibilité d’ajouter 2.000 autres dans le jardin. Le lendemain, 2.000 invités assistent, dans la Salle des Ambassadeurs, à un show grandiose, Avec vous, tout droit venu de Paris avec ce qu’il faut de paillettes et de plumes pour auréoler le lieu de magie.
Très vite, le Casino va enchaîner les performances et s’inscrire irrévocablement tout en haut des places to be. En avril 1960, le théâtre – 500 mètres carrés, 25 mètres de hauteur sous plafond, une scène de 30 mètres de large et 20 mètres de profondeur et 1.100 fauteuils de velours rouge – reçoit les acteurs de la Comédie française dans des pièces de choix comme L’École des maris de Molière ou le Jeu de l’amour et du hasard de Marivaux. C’est un événement dans l’histoire théâtrale du pays et ce ne sera pas le seul. Les pièces vont se suivre et les vedettes internationales se succéder.
Et, pour la première fois dans l’histoire, l’élection de Miss Europe aura lieu… hors de l’Europe. Le 6 juin 1960, les Miss se retrouvent sur le podium du Casino du Liban pour un événement inédit. L’idée a tellement plu que, durant les cinq années suivantes, le mois de juin verra atterrir à l’AIB les plus belles filles d’Europe venues disputer le titre sur la scène du Casino du Liban. Elles seront accompagnées de nuées de journalistes qui auront tôt fait d’inscrire le Liban et son Casino sur la liste des endroits à voir absolument. «La poursuite du bonheur? La contribution libanaise à la vie. Le Liban est peut-être un petit pays, mais il pense en grand.» The Manchester Guardian. Allan Wicker, le commentateur de la BBC Television, le décrit comme le plus grand Casino «in the world». «C’est réellement un magnifique édifice, perché sur une colline face à la Méditerranée. Élégance et ampleur sont sa marque, et, il faut avoir visité ses cabarets et son restaurant pour y croire.» The Evening Post. «À quinze miles de Beyrouth, vous pouvez passer une soirée, dîner en dansant, applaudir un spectacle international de revue et, si vous vous sentez en forme, essayer votre chance à la table de jeu. Le Casino est le plus moderne et le plus vaste du monde.» Rome Daily American.
Dès lors seront tout auréolés de paillettes les noms «Casino», «Salle des Ambassadeurs», «Baccarat», passage obligé pour les nombreuses vedettes, hommes politiques et têtes couronnées qui se succèdent au Liban durant cette période bénie des années 60. Dès 1961, la direction des spectacles est confiée à Charley Henchis, organisateur de shows à Las Vegas, qui a vite fait d’illuminer la Salle des Ambassadeurs avec sa première production, Mais oui, suivie en 1963 de S’il vous plait qui met en scène 7 vedettes internationales, 50 danseuses, mannequins, chanteurs et attractions du music-hall international. Avec les 400 costumes, les 20 tonnes de décors et d’accessoires, les 120 projecteurs et les 52 rideaux, cette revue de très haut standing va irrévocablement ancrer le Casino du Liban dans la cour des très grands.
On n’oubliera pas de mentionner toutes les élections de Miss Liban, les réveillons d’une abondance inégalée, le trentième Bal des Petits lits blancs, en juillet 1964, tenu pour la première fois hors de France, où Robert Hossein, Pierre Cardin, Gilbert Bécaud, Jean Piat, Géraldine Chaplin et 250 autres personnalités du gotha ont dégusté sur les terrasses du Casino plus de 350 merveilleuses spécialités libanaises préparées par Georges Rayess avant d’assister au spectacle flamboyant de Henchis. Ce qui a fait dire à Philippe Bouvard dans un long article élogieux: «Et si on remettait cela au Liban l’année prochaine?»
On continue de rêver? Côté spectacles, Sacha Distel, Charles Trenet, Gilbert Bécaud, Dalida, Najwa Fouad, Charles Aznavour, le mime Marceau, les Frères Jacques, les Frères Rahbani, Feyrouz, Shirley Bassey, Jacques Brel, Richard Anthony, Raymond Devos, Josephine Baker, Amalia Rodriguez, Joe Dassin, Michel Sardou, Serge Lama et Gérard Lenorman pour ne citer que ceux-là. Côté théâtre, Pierre Brasseur, Maria Casarès, Danielle Delorme, François Périer, Jacqueline Maillan, Claude Brasseur, Catherine Rouvel, Suzanne Flon, Louis Velle, Delphine Seyrig (qui est née au Liban), Curd Jurgens, Robert Lamoureux… Côté événements, le Festival de la coiffure et de la haute-couture, le Bal des débutantes et encore un inédit: la finale de la chanson française, en avril 1962, avec un jury prestigieux composé de Marcel Carné, Henri Verneuil, Jean-Pierre Aumont et Jean Bruce qui décidera de rester quelques jours de plus pour explorer l’idée de tourner un film au Casino.
C’était un Casino à la libanaise. Le clinquant des salles de jeux, les paillettes des shows extravagants, mais aussi la culture qui allait si bien à ce Liban d’avant-guerre. Et puis, durant les années noires, le Casino a su faire de la résistance. Les plumes et les décors rangés aux oubliettes, il restait les salles qui accueillaient, de temps en temps et à la faveur des accalmies, de petits spectacles. Il restait aussi les salles de jeux qui ont fonctionné jusqu’en 1989, date à laquelle les portes se sont fermées. Après des travaux de rénovation, l’inauguration a lieu le 3 décembre 1996. Une deuxième phase de travaux est prévue et enfin, en 1998, le Casino est fin prêt pour accueillir les spectacles dans son Théâtre et sa Salle des Ambassadeurs, les expositions dans une Salle polyvalente, conçue à cet effet et ses restaurants tout neufs. Sans oublier bien sûr ses salles de jeux sur une surface de 3.500 mètres carrés avec à la clé un record mondial, certifié en 2017 par le Guinness Book of World Records, de la plus grande roulette du monde de 8,75 mètres de diamètre.
Les moyens mis en œuvre pour «ressusciter» le Casino sont importants. On retrouve des prouesses techniques côté spectacles, et le Lido de Paris, venu s'y produire en 1998, a trouvé une scène de haut niveau. Ballets, comédies musicales et récitals, relais du Festival du Baalbeck, le Casino est toujours là. L’esprit peut-être un peu moins.
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