Le cardinal Béchara Raï, patriarche de l’Église syriaque maronite d’Antioche, a rencontré les patriarches des quatre autres Églises syriaques à Atchané afin de renouer les liens coupés depuis les conciles du Vᵉ siècle. Cette réunion a permis d’établir une vision commune afin de faire face à l’exode des chrétiens, à leur acculturation et à la perte de leur identité.
Le patriarche maronite, le cardinal Béchara Raï, s’est rendu le 16 décembre à Atchané pour prendre part à la réunion des patriarches des Églises syriaques. Il s’agit là de la première rencontre du genre depuis le schisme des syriaques orientaux au concile d’Éphèse en 431, et la séparation entre maronites et autres syriaques occidentaux à la suite du concile de Chalcédoine en 451.
Concile de Chalcédoine en 451. ©Philosophie du christianisme.
Des rapprochements sporadiques
Ce que les Églises jacobites (aujourd’hui syriaques orthodoxes) et maronite ont connu comme fructueux échanges au Moyen Âge dans le Mont-Liban, avait dû être brutalement interrompu et de manière définitive au XVIᵉ siècle, suite aux influences romaines telles que celle du franciscain maronite Gabriel Barcleius, suivies des missions vaticanes des Jésuites Tommasso Raggio, Giovanni Battista et Girolamo Dandini.
Des rassemblements ont certes eu lieu plus récemment, mais dans le cadre plus élargi de l’œcuménisme, engageant les différentes branches catholiques, orthodoxes et protestantes, ne touchant pas au fond de la question syriaque.
Pour la première fois, donc, depuis le Vᵉ siècle, les différentes Églises syriaques orientales (assyrienne et chaldéenne) et syriaques occidentales (maronite, syro-orthodoxe et syro-catholique) se sont retrouvées pour élaborer une vision commune engageant leur identité culturelle et historique, ainsi que leur présence et leur survie face aux défis actuels.
Les patriarches d’Antioche, Mar Béchara Boutros Raï, et Mor Ignatios Éphrem II. ©Bkerké
Le sommet des patriarches
C’est au siège patriarcal syriaque-orthodoxe de Atchané que se sont réunis les patriarches des cinq Églises syriaques, soit Ignatios Éphrem II pour les syriaques-orthodoxes, Ignatios Joseph III Younan pour les syriaques-catholiques, Béchara Boutros Raï pour les maronites, Louis Raphael Sako (via internet) pour les chaldéens, et Awa III Roel pour les assyriens.
Les prélats ont évoqué les éléments communs à leurs Églises, allant de leur héritage culturel, linguistique et artistique, aux vicissitudes de l’histoire qui ont cumulé massacres, génocides et acculturation. Car, ont-ils déclaré, l’enracinement des chrétiens dans leurs terres ancestrales se fait par la transmission de leur culture et par la cohésion entre leurs diverses composantes. Or cette dernière se réalise à travers la sauvegarde du patrimoine syriaque qui unit les fils de ces Églises et les fédère, ont-ils souligné.
On ne peut aborder ce patrimoine sans soulever le caractère déterminant de sa spiritualité particulière, en ce qu’elle est vivante et omniprésente autant en milieu ecclésiastique que laïc où elle fait partie du quotidien. Les cinq patriarches ont ainsi signalé ce rôle crucial de la foi et de la tradition chrétienne qui ont permis à leurs communautés respectives de traverser les siècles et de survivre aux oppressions, aux guerres, aux persécutions et aux génocides.
Ils ont néanmoins exprimé le défi existentiel le plus grave actuellement, celui de l’émigration. Les nouvelles paroisses fondées en Occident ne pourront jamais maintenir cette culture vivante sans la présence d’un noyau principal sur ses terres historiques.
L’initiative de Atchané a été intentionnellement désignée comme la «première rencontre», à savoir qu’elle ne fait qu’inaugurer une série de réunions sur une base annuelle, visant à élaborer un plan de redressement d’une société martyrisée et en cours d’effacement. D’ores et déjà, un comité de suivi a été formé pour poursuivre les efforts. Il est composé de l’évêque Youssef Soueif pour l’Église maronite, de Mgr Habib Mrad pour les syriaques-catholiques, ainsi que des évêques Daniel Gourié pour les syriaques-orthodoxes, Michel Kassarji pour les chaldéens, et Elia Isaac pour les assyriens.
Rencontre de Atchané, le 16 décembre 2022. ©Bkerké
La déclaration conjointe
La déclaration conjointe, rendue publique le 16 décembre dernier, constitue une première dans la prise de conscience par ces Églises de leur destin commun en Orient et dans la diaspora. Elle met l’accent sur la dimension centrale de l’identité, aujourd’hui plus que jamais menacée, et propose l’enseignement de la langue et de la culture syriaques jusque dans les établissements universitaires. Le document signé par les cinq patriarches se présente sous cinq points qui insistent tous sur la revalorisation du patrimoine syriaque qui confère à ces Églises une unité historique et linguistique, en plus des rites ecclésiastiques et liturgiques communs.
Vie monastique et dimension missionnaire
Dans la déclaration, on rappelle le rôle des saints Pères syriaques dans l’élaboration de la spiritualité et dans sa diffusion au niveau de l’Église universelle à la fois dans la vie monastique et dans la dimension missionnaire. Cette spiritualité syriaque «est enracinée dans nos Églises et nous la vivons dans l’Eucharistie et les prières». «Avec fidélité apostolique et armées de cet héritage, ces Églises ont pu traverser les siècles ponctués de nombreux troubles et tribulations», soulignent les patriarches.
«Et nous voici aujourd’hui, lit-on encore dans le premier point, jugeant nécessaire de renforcer le lien entre nos Églises et d’intensifier la coopération entre elles… dans un effort pour diffuser notre héritage syriaque, le mettre en lumière et le conserver avec soin.»
Un héritage syriaque commun
Concernant les défis pastoraux au Moyen-Orient, les patriarches sont encore revenus sur la notion d’unité. «Nous affirmons, ont-ils souligné, que nous sommes un seul peuple avec son héritage syriaque commun, enraciné au cœur de cet Orient et au fondement de sa formation, malgré la multiplicité de nos Églises et la diversité de nos traditions apostoliques.»
Après avoir mis l’accent sur la primauté de cette présence civilisationnelle syriaque au fondement de l’Orient, les patriarches ont fait part de leurs inquiétudes liées au baptême dans le sang, d’un peuple qui «témoigne de la foi chrétienne en général, et de la foi syriaque en particulier». Pour cela, ils ont mentionné la nécessité de la mise en place de mécanismes pour soutenir la présence des familles en Orient et pour «réduire l’hémorragie migratoire due aux conflits et aux conditions politiques, économiques et sociales».
Menace permanente de disparition
La présence syriaque en diaspora n’échappe pas non plus à son lot de défis. Elle subit la menace permanente de disparition par dissolution dans les nouvelles sociétés dans lesquelles les syriaques se sont retrouvés fortement dispersés.
Dans la déclaration, les patriarches les exhortent alors à «adhérer à la foi de leurs ancêtres, à leur identité et à leur héritage, qu’ils auront pour mission de diffuser dans leurs nouvelles patries et de transmettre aux nouvelles générations». Ils sont également incités à entretenir des liens étroits avec leurs pays d’origine. Dans cette optique, l’Église devra assumer son rôle social, spirituel et pastoral.
L'œcuménisme de sang
Dans le quatrième point, les patriarches reviennent sur le principe d’unité en évoquant «l’œcuménisme de sang qui nous unit dans le témoignage de foi au Seigneur Jésus et dans la défense de notre existence et de notre présence dans notre pays». Pour cela, les Églises doivent s’ouvrir les unes aux autres et se rapprocher tout «en respectant les spécificités théologiques et doctrinales de chacune d’elles».
La sauvegarde de l'héritage syriaque
Dans leur déclaration, les patriarches rendent enfin hommage aux institutions académiques et surtout aux initiatives associatives qui contribuent à la sauvegarde de l’héritage syriaque. Ils préconisent, en outre, la mise en place de «mécanismes communs pour l’enseignement de la langue syriaque et sa diffusion par les moyens traditionnels et modernes disponibles». Ils encouragent, de ce fait, la spécialisation en études syriaques dans les universités, et l’organisation d’activités visant à sensibiliser les membres de ces Églises en Orient comme dans la diaspora, à l’identité syriaque commune. Elle motive les générations montantes à préserver cet authentique patrimoine historique.
En conclusion, les cinq Églises s’engagent à assumer leurs responsabilités envers leurs fidèles et à préserver leur ancien héritage syriaque. Elles refusent de renoncer à leur présence dans cet «Orient berceau du christianisme et source de nos racines, de notre civilisation, de notre patrimoine et de notre culture».
Le patriarche maronite, le cardinal Béchara Raï, s’est rendu le 16 décembre à Atchané pour prendre part à la réunion des patriarches des Églises syriaques. Il s’agit là de la première rencontre du genre depuis le schisme des syriaques orientaux au concile d’Éphèse en 431, et la séparation entre maronites et autres syriaques occidentaux à la suite du concile de Chalcédoine en 451.
Concile de Chalcédoine en 451. ©Philosophie du christianisme.
Des rapprochements sporadiques
Ce que les Églises jacobites (aujourd’hui syriaques orthodoxes) et maronite ont connu comme fructueux échanges au Moyen Âge dans le Mont-Liban, avait dû être brutalement interrompu et de manière définitive au XVIᵉ siècle, suite aux influences romaines telles que celle du franciscain maronite Gabriel Barcleius, suivies des missions vaticanes des Jésuites Tommasso Raggio, Giovanni Battista et Girolamo Dandini.
Des rassemblements ont certes eu lieu plus récemment, mais dans le cadre plus élargi de l’œcuménisme, engageant les différentes branches catholiques, orthodoxes et protestantes, ne touchant pas au fond de la question syriaque.
Pour la première fois, donc, depuis le Vᵉ siècle, les différentes Églises syriaques orientales (assyrienne et chaldéenne) et syriaques occidentales (maronite, syro-orthodoxe et syro-catholique) se sont retrouvées pour élaborer une vision commune engageant leur identité culturelle et historique, ainsi que leur présence et leur survie face aux défis actuels.
Les patriarches d’Antioche, Mar Béchara Boutros Raï, et Mor Ignatios Éphrem II. ©Bkerké
Le sommet des patriarches
C’est au siège patriarcal syriaque-orthodoxe de Atchané que se sont réunis les patriarches des cinq Églises syriaques, soit Ignatios Éphrem II pour les syriaques-orthodoxes, Ignatios Joseph III Younan pour les syriaques-catholiques, Béchara Boutros Raï pour les maronites, Louis Raphael Sako (via internet) pour les chaldéens, et Awa III Roel pour les assyriens.
Les prélats ont évoqué les éléments communs à leurs Églises, allant de leur héritage culturel, linguistique et artistique, aux vicissitudes de l’histoire qui ont cumulé massacres, génocides et acculturation. Car, ont-ils déclaré, l’enracinement des chrétiens dans leurs terres ancestrales se fait par la transmission de leur culture et par la cohésion entre leurs diverses composantes. Or cette dernière se réalise à travers la sauvegarde du patrimoine syriaque qui unit les fils de ces Églises et les fédère, ont-ils souligné.
On ne peut aborder ce patrimoine sans soulever le caractère déterminant de sa spiritualité particulière, en ce qu’elle est vivante et omniprésente autant en milieu ecclésiastique que laïc où elle fait partie du quotidien. Les cinq patriarches ont ainsi signalé ce rôle crucial de la foi et de la tradition chrétienne qui ont permis à leurs communautés respectives de traverser les siècles et de survivre aux oppressions, aux guerres, aux persécutions et aux génocides.
Ils ont néanmoins exprimé le défi existentiel le plus grave actuellement, celui de l’émigration. Les nouvelles paroisses fondées en Occident ne pourront jamais maintenir cette culture vivante sans la présence d’un noyau principal sur ses terres historiques.
L’initiative de Atchané a été intentionnellement désignée comme la «première rencontre», à savoir qu’elle ne fait qu’inaugurer une série de réunions sur une base annuelle, visant à élaborer un plan de redressement d’une société martyrisée et en cours d’effacement. D’ores et déjà, un comité de suivi a été formé pour poursuivre les efforts. Il est composé de l’évêque Youssef Soueif pour l’Église maronite, de Mgr Habib Mrad pour les syriaques-catholiques, ainsi que des évêques Daniel Gourié pour les syriaques-orthodoxes, Michel Kassarji pour les chaldéens, et Elia Isaac pour les assyriens.
Rencontre de Atchané, le 16 décembre 2022. ©Bkerké
La déclaration conjointe
La déclaration conjointe, rendue publique le 16 décembre dernier, constitue une première dans la prise de conscience par ces Églises de leur destin commun en Orient et dans la diaspora. Elle met l’accent sur la dimension centrale de l’identité, aujourd’hui plus que jamais menacée, et propose l’enseignement de la langue et de la culture syriaques jusque dans les établissements universitaires. Le document signé par les cinq patriarches se présente sous cinq points qui insistent tous sur la revalorisation du patrimoine syriaque qui confère à ces Églises une unité historique et linguistique, en plus des rites ecclésiastiques et liturgiques communs.
Vie monastique et dimension missionnaire
Dans la déclaration, on rappelle le rôle des saints Pères syriaques dans l’élaboration de la spiritualité et dans sa diffusion au niveau de l’Église universelle à la fois dans la vie monastique et dans la dimension missionnaire. Cette spiritualité syriaque «est enracinée dans nos Églises et nous la vivons dans l’Eucharistie et les prières». «Avec fidélité apostolique et armées de cet héritage, ces Églises ont pu traverser les siècles ponctués de nombreux troubles et tribulations», soulignent les patriarches.
«Et nous voici aujourd’hui, lit-on encore dans le premier point, jugeant nécessaire de renforcer le lien entre nos Églises et d’intensifier la coopération entre elles… dans un effort pour diffuser notre héritage syriaque, le mettre en lumière et le conserver avec soin.»
Un héritage syriaque commun
Concernant les défis pastoraux au Moyen-Orient, les patriarches sont encore revenus sur la notion d’unité. «Nous affirmons, ont-ils souligné, que nous sommes un seul peuple avec son héritage syriaque commun, enraciné au cœur de cet Orient et au fondement de sa formation, malgré la multiplicité de nos Églises et la diversité de nos traditions apostoliques.»
Après avoir mis l’accent sur la primauté de cette présence civilisationnelle syriaque au fondement de l’Orient, les patriarches ont fait part de leurs inquiétudes liées au baptême dans le sang, d’un peuple qui «témoigne de la foi chrétienne en général, et de la foi syriaque en particulier». Pour cela, ils ont mentionné la nécessité de la mise en place de mécanismes pour soutenir la présence des familles en Orient et pour «réduire l’hémorragie migratoire due aux conflits et aux conditions politiques, économiques et sociales».
Menace permanente de disparition
La présence syriaque en diaspora n’échappe pas non plus à son lot de défis. Elle subit la menace permanente de disparition par dissolution dans les nouvelles sociétés dans lesquelles les syriaques se sont retrouvés fortement dispersés.
Dans la déclaration, les patriarches les exhortent alors à «adhérer à la foi de leurs ancêtres, à leur identité et à leur héritage, qu’ils auront pour mission de diffuser dans leurs nouvelles patries et de transmettre aux nouvelles générations». Ils sont également incités à entretenir des liens étroits avec leurs pays d’origine. Dans cette optique, l’Église devra assumer son rôle social, spirituel et pastoral.
L'œcuménisme de sang
Dans le quatrième point, les patriarches reviennent sur le principe d’unité en évoquant «l’œcuménisme de sang qui nous unit dans le témoignage de foi au Seigneur Jésus et dans la défense de notre existence et de notre présence dans notre pays». Pour cela, les Églises doivent s’ouvrir les unes aux autres et se rapprocher tout «en respectant les spécificités théologiques et doctrinales de chacune d’elles».
La sauvegarde de l'héritage syriaque
Dans leur déclaration, les patriarches rendent enfin hommage aux institutions académiques et surtout aux initiatives associatives qui contribuent à la sauvegarde de l’héritage syriaque. Ils préconisent, en outre, la mise en place de «mécanismes communs pour l’enseignement de la langue syriaque et sa diffusion par les moyens traditionnels et modernes disponibles». Ils encouragent, de ce fait, la spécialisation en études syriaques dans les universités, et l’organisation d’activités visant à sensibiliser les membres de ces Églises en Orient comme dans la diaspora, à l’identité syriaque commune. Elle motive les générations montantes à préserver cet authentique patrimoine historique.
En conclusion, les cinq Églises s’engagent à assumer leurs responsabilités envers leurs fidèles et à préserver leur ancien héritage syriaque. Elles refusent de renoncer à leur présence dans cet «Orient berceau du christianisme et source de nos racines, de notre civilisation, de notre patrimoine et de notre culture».
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