Esplanade des mosquées: retenue palestinienne après la visite de Ben Gvir
Itamar Ben Gvir, héraut de l'extrême droite israélienne et chargé depuis la semaine dernière de la Sécurité nationale, a visité mardi l'esplanade des mosquées à Jérusalem-Est. En dehors des condamnations de mise, les Palestiniens jouent la carte de la retenue, le Hamas affirmant ne pas vouloir une nouvelle "escalade".

 

En charge de la Sécurité nationale au sein du nouveau gouvernement, M. Ben Gvir, connu pour ses diatribes antipalestiniennes, a visité mardi l'esplanade des mosquées. Il avait déclaré son intention de continuer à visiter ce troisième lieu saint de l'islam et site le plus sacré du judaïsme sous le nom de "Mont du Temple", situé dans la partie palestinienne de Jérusalem, occupée et annexée par Israël et au cœur du conflit israélo-palestinien.
"Ligne rouge"

Sa visite, mardi, sous escorte des forces israéliennes, a rappelé celle du chef de l'opposition Ariel Sharon en septembre 2000, qui avait mené à la seconde Intifada, soulèvement palestinien (2000-2005). Dans la bande de Gaza, le mouvement islamiste Hamas au pouvoir, qui a livré par le passé quatre guerres à Israël, avait déjà affirmé qu'une telle visite était une "ligne rouge".

À Gaza, les bureaux politique et militaire du Hamas et des factions palestiniennes armées ont tenu des réunions mardi pour décider d'une réaction "proportionnelle" à "l'assaut" du ministre, ont indiqué à l'AFP des sources dans le mouvement. Dans la nuit, une roquette a été lancée vers Israël depuis l'enclave sous blocus israélien, mais elle s'est échouée dans le territoire palestinien. Un seul tir, non revendiqué.
Éviter l'escalade

Le Hamas "ne veut pas d'une nouvelle escalade militaire et jauge pour le moment les réactions américaines et arabes", affirme à l'AFP Jamal al-Fadi, professeur de sciences politiques à l'université al-Azhar de Gaza. Tous les pays du Golfe, dont les Émirats arabes unis ayant normalisé leurs relations avec l'État hébreu, ainsi que la Jordanie et l'Égypte ont vivement condamné la visite, comme plusieurs pays occidentaux, dont les États-Unis.

À Gaza, enclave appauvrie de 2,3 millions d'habitants, "le Hamas cherche à obtenir des gains pour les citoyens" et pourrait ainsi avoir fait preuve de retenue dans sa réaction afin de s'en servir comme d'un atout dans les négociations indirectes avec l'État hébreu, estime M. al-Fadi. Via une médiation de l'ONU, de l'Égypte et du Qatar, le Hamas et Israël s'étaient déjà entendus pour alléger le blocus, avec notamment l'octroi de permis de travail en Israël pour des Gazaouis, en échange d'un calme dans ce micro-territoire.

 


 

La visite mardi de Ben Gvir, sous escorte des forces israéliennes, a rappelé celle du chef de l'opposition Ariel Sharon en septembre 2000, qui avait mené à la Seconde Intifada, soulèvement palestinien (2000-2005).

Pas de "réactions émotives"

Autre sujet des discussions: la libération de prisonniers palestiniens en échange des dépouilles de deux soldats israéliens tués durant la guerre de 2014 à Gaza et du retour de deux citoyens israéliens présumés vivants qui sont aussi aux mains du Hamas. "Le Hamas ne fera pas de réactions émotives, mais en cas d'assauts répétés des lieux saints, ce qui constituera une grande provocation pour les Palestiniens et le monde arabo-musulman, cela créera des pressions en vue d'une escalade", souligne M. Fadi.

Pour le quotidien israélien Haaretz, la "première échéance sensible sera la prière de ce vendredi" sur l'esplanade, réunissant chaque semaine des dizaines de milliers de fidèles et menant parfois à des heurts avec la police israélienne qui en garde les accès. "Un autre problème est que l'expérience passée montre que des incidents largement publicisés sur le Mont du Temple tendent à encourager des loups solitaires (palestiniens) à mener des attaques", poursuit le quotidien de gauche.
"Provocation sans précédent"

Du côté de l'Autorité palestinienne basée en Cisjordanie, le président Mahmoud Abbas a affirmé vouloir en référer à l'ONU. Des responsables ont fustigé une "provocation sans précédent". Mais pour Nour Odeh, analyste palestinienne, l'Autorité palestinienne, décriée ces dernières années, n'a "plus les cartes en main" et s'en est remise aux réactions des pays arabes. "Mais ils sont conscients que plus cette situation durera, plus leur image sera négative, si tant est que ce soit possible", dit-elle.

Selon l'analyste, s'attendre à une réponse immédiate à la visite du ministre n'est pas "réaliste". Mais "Ben Gvir met la pression alors que la situation sur le terrain est déjà très intense". D'après l'ONU, le bilan des Palestiniens tués dans des opérations ou des heurts avec les forces israéliennes en 2022 est le plus élevé depuis des années. "Personne ne sait à quoi cette explosion ressemblera" ni quand elle interviendra, prévient Mme Odeh.

Maxime Pluvinet avec AFP
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