Onfray et Houellebecq dans de beaux draps
«Je crois que le souhait de la population française de souche, comme on dit, ce n’est pas que les musulmans s’assimilent, mais qu’ils cessent de les voler et de les agresser, en somme que leur violence diminue, qu’ils respectent la loi de gens. Ou bien, autre bonne solution, qu’ils s’en aillent.» Michel Houellebcq

Cette phrase, prononcée par Michel Houellebecq, est issue d’un long entretien avec Michel Onfray dans le numéro Hors-Série de Front populaire qui vient de paraître et qui s’intitule Fin de l’Occident? Houellebecq, Onfray, la rencontre. Et si elle fait désormais polémique, c’est que le recteur de la Grande Mosquée de Paris a décidé de porter plainte pour «provocation à la haine contre les musulmans». Levée de boucliers contre le recteur: c’est la liberté d’expression qui est à nouveau bafouée, c’est de la censure, une fatwa qui ne dit pas son nom et, dans un article du Figaro, Matthieu Block-Côté s’insurge: «Fût-ce involontairement, cette plainte pénale fait de Houellebecq une cible. On le condamne à une existence sécurisée à l’extrême, et on risque d’en faire le prochain Salman Rushdie. Par ailleurs, derrière ce recours aux tribunaux, c’est à une tentative de censure que se livre le recteur, qui, quoi qu’on en dise, ne respecte pas ainsi les codes d’un islam modéré acceptant l’esprit de contradiction consubstantiel aux sociétés libérales. Qui, en définitive, pour reprendre une expression à la mode, fait injure aux valeurs de la République?» De son côté – toujours dans une tribune du Figaro –, le philosophe Robert Redecker, qui a été en son temps victime d’une fatwa, pense que la Grande Mosquée de Paris sera défaite devant un tribunal en arguant: «Pour que la plainte fût recevable intellectuellement, il eût fallu que les phrases de Houellebecq fussent prescriptives. (…) Battue devant le tribunal, elle le sera devant l’opinion publique. La Grande Mosquée de Paris n’aura, alors, réussi qu’à ériger Michel Houellebecq en bouc émissaire.» Enfin, Michel Onfray qui semble mal à l’aise dans cette affaire, affirme: «La vérité du monde n’est pas affaire d’avocat talentueux et retors, mais de débats contradictoires avec des intellectuels, des penseurs, des philosophes.»

Je ne suis ni un penseur, ni un intellectuel, ni un philosophe. Je suis un simple quidam qui souffre d’une certaine forme de pyrrhonisme lorsque j’entends Michel Houellebecq s’exprimer ainsi. Né de père inconnu – Céline m’aurait volontiers traité de bâtard –, je ne peux même pas me targuer d’être un Français de souche. Je ne suis pas musulman. Je ne suis pas islamo-gauchiste. Alors fais-je partie, comme l’a dit Michel Onfray en septembre 2017 au Figaro, de la horde des collaborateurs: «Les collabos sont ceux qui estiment que l’islam est une religion de paix, de tolérance et d’amour et ne veulent pas entendre parler d’un Islam de guerre, d’intolérance et de haine.» En réalité, tout ce qui concerne l’interprétation exégétique de l’islam dans le dialogue entre les deux intellectuels est faux. Le propos de ce billet n’est pas de le démontrer. Je laisserai le soin à une spécialiste de corriger prochainement ces deux ignorants qui, en toute sûreté de conscience, ne savent que médire.

Voilà pourquoi, en modeste citoyen et béotien, je fais le choix de me ranger derrière l’argumentation du recteur de la Grande Mosquée de Paris. La tolérance est le premier pas vers la justice. C’est faire preuve d’une grande incompétence morale que de vouloir globaliser l’ensemble des musulmans, en les assimilant à des voleurs, des agresseurs et en les inclinant à quitter notre pays prétendument composé de Français de souche. Cela nous rappelle des heures sombres… Quand nous en sommes réduits à de tels propos, nous ne sommes plus tributaires de la raison. «Un homme ça s’empêche», disait Albert Camus.

«Bagatelles pour un massacre, ça m’avait bien plu»

Les grands talents, disait d’Alembert, attirent la haine comme le fer attire la rouille. La seule médiocrité n’a point d’ennemis. Cet ancien secrétaire perpétuel de l’Académie française avait raison: la médiocrité n’a que des amis et par cette seule phrase mise en exergue et qui – n’en déplaise à Michel Onfray – est parfaitement contextualisée, Michel Houellebecq (écrivain nobélisable, Dieu merci Annie Ernaux lui a soufflé la place!) vient d’être pris en flagrant délit de médiocrité: celle de s’être – inconsciemment? – inspiré du pamphlet de Louis-Ferdinand Céline Bagatelles pour un massacre (1937). En voici un florilège:

Lorsque Michel Onfray lui demande: «Vous y croyez, vous, au grand remplacement?», Michel Houellebecq répond: «D’abord, j’ai été très choqué qu’on appelle ça une théorie. Ce n’est pas une théorie, c’est un fait.» Louis-Ferdinand Céline avait fait le même constat: «La colonisation youtre peut foncer désormais 'au culot'!… Toutes les digues sont rompues!… La colonisation youtre se fait de jour en jour, plus impatiente, plus despotique, plus susceptible, intransigeante. (…) Les Juifs, stériles, fats, ravageurs, monstrueusement mégalomaniaques, pourceaux, achèvent à présent, en pleine forme, sous le même étendard, leur conquête du monde l’écrasement monstrueux, l’avilissement, annihilement (sic) systématique et total, de nos plus naturelles émotions de tous nos arts essentiels, instinctifs, musique, peinture, poésie, théâtre… (…) Remplacer l’émotion aryenne par le tam-tam nègre.»


Quand Céline écrit: «La race élue dans nos régions n’a pas encore fait procéder aux exécutions massives, seulement à quelques petits meurtres sporadiques. Mais cela ne saurait tarder. En attendant le grand spectacle, on travaille doucement la bête… Ou bien par saccades, par sautes, selon paniques bien préparées…», Houellebecq semble lui faire écho: «Ce qu’on peut déjà constater, c’est que des gens s’arment. Ils se procurent des fusils, prennent des cours dans les stands de tir. Et ce ne sont pas des têtes brûlées. Quand des territoires entiers seront sous contrôle islamiste, je pense que des actes de résistance auront lieu. Il y aura des attentats et les fusillades dans les mosquées, dans les cafés fréquentés par les musulmans, bref des Bataclan à l’envers.»

Quand Céline écrit: «Mais Minute! Je vais, à mon tour, vous dire un peu l’avenir: un jour, les Juifs lanceront les nègres, leurs frères, leurs troupes de choc sur les derniers 'cadres' blancs, le réduiront, tous ivrognes, à l’esclavage. (…) La mise en ghetto des Aryens ne saurait tarder… sous la férule nègre. (…) J’aime pas les nègres hors de chez eux… C’est tout. Je trouve pas ça un divin délice que l’Europe devienne toute noire… Ça me ferait pas plaisir du tout…» À son tour Houellebecq vaticine: «En matière d’immigration, personne ne contrôle rien, c’est bien là tout le problème. Il y a juste une réalité démographique écrasante. En 2050, rien qu’au Nigeria, il n’y aura 400 millions d’habitants. Pendant ce temps, l’Europe continuera de se dépeupler. Après c’est de l’hydraulique. Le transfert se fera et la composition de la population changera. (…) Cela va mal finir, en effet. L’Europe sera emportée par ce cataclysme.»

En mars 2011, alors que le magazine Les Inrocks l’interrogeait sur la possibilité de rééditer les pamphlets de Céline, Houellebecq qui avait  – on s’en souvient – dit dans un style célinien que «la religion la plus con, c’est quand même l’Islam», était partisan de tout publier et en confiant: «J’avais lu Bagatelles pour un massacre, ça m’avait bien plu – sans plus (…). Il m’est même arrivé de me demander s’il avait été réellement antisémite, si tout cela n’était pas qu’opportunisme cynique pour s’assurer une position élevée auprès des autorités d’Occupation.» Prenons acte que Bagatelles pour un massacre a bien plu à Michel Houellebecq. Nous espérons seulement qu’il est franchement en désaccord avec cette phrase: «Moi je voudrais bien faire une alliance avec Hitler. Pourquoi pas? Il a rien dit contre les Bretons, contre les Flamands… Rien du tout… Il a dit seulement sur les Juifs… Il les aime pas les Juifs… Moi non plus…»

Houellebecq s’est trompé d’urinoir

Publié en 1937, Bagatelles pour un massacre, fut vendu à 75 000 exemplaires et deux fois réédité pendant la guerre. Avec Les Décombres de Lucien Rebatet, il fut l’un des deux succès de librairie durant l’Occupation. À la sortie du livre, Georges Bernanos avait écrit: «Céline s’est trompé d’urinoir.» En s’attaquant aux musulmans de cette manière, Houellebecq en fait de même. L’enjeu du procès à venir n’est pas la violation de la liberté de penser, mais le danger que présente Houellebecq à tenir un tel langage face à des esprits vulgaires ou mal préparés, face aux islamophobes, face aux zélateurs du Grand Remplacement (60% des Français selon un sondage!), face aux affidés du Rassemblement national ou de Reconquête qui, sur les réseaux sociaux, l’admirent en le comparant à Zola ou précisément à Céline. Avec Houellebecq, le vice est désormais à la portée de tout le monde. Il y a des malfaiteurs qui font des crimes; il y en a d’autres qui font des phrases. Le recteur de la Grande Mosquée de Paris a toute la légitimité et le devoir de traîner Michel Houellebecq devant la justice (la loi des gens). Il est un point sur lequel cette dernière aura à se prononcer: les phrases de l’écrivain sont-elles prescriptives? Je le pense. Houellebecq devra également répondre d’un tel propos: «Qu’ils respectent la loi de gens. Ou bien, autre bonne solution, qu’ils s’en aillent.» Que va-t-on faire de ces millions de musulmans voleurs, violents, par essence inassimilables, et qui terrorisent les Français de souche? La «loi des gens», on la connaît; elle a sévi entre 1792 et 1794. «Qu’ils s’en aillent!» Mais où? Ils sont français! En 1938, les nazis avaient trouvé la solution: «le plan Madagascar». En 1942, la conférence de Wannsee en décida autrement…

En septembre 1938, Georges Bernanos – encore lui – avait dit que chaque mot écrit contre les juifs ruissellerait «tôt ou tard, de sang innocent». Depuis que l’islamisme frappe le monde, trop de sang innocent a été versé. N’y rajoutons pas encore plus de sang musulman. Que Bagatelles pour un massacre ne devienne pas, sous la plume d’un écrivain misanthrope et penseur de dégoûts amers: Bagatelle pour un Arabe
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