Le relâchement total dans les comportements, les regroupements massifs dans les espaces publics sans respect des gestes-barrières et le faible taux de vaccination font craindre aux spécialistes un scénario catastrophique au lendemain des fêtes.
À la veille de Noël et du Nouvel An, de plus en plus de spécialistes craignent que le scénario vécu en janvier dernier, au lendemain des fêtes, lorsque quelque 6 000 à 7 000 cas de Covid-19 et plusieurs dizaines de morts étaient signalés au quotidien, ne se réitère cette année aussi. À juste titre, puisque les mêmes facteurs de risque prévalent aujourd’hui encore, à savoir l’émergence d’un nouveau variant du coronavirus – Omicron contre Delta l’année dernière – et surtout le relâchement total observé dans la société. Cela, avec des ressources humaines et économiques en moins. Jacques Mokhbat, spécialiste en maladies infectieuses, répond aux questions d’Ici Beyrouth.
Cette hausse des chiffres est-elle due au comportement des gens ou à un changement dans la nature du virus?
J.M. - C’est une combinaison des deux. Il y a bien sûr les regroupements dans les espaces publics et le relâchement total dans le comportement des gens qui font fi des gestes barrières, auxquels s’ajoutent le faible taux de vaccination (35% des personnes éligibles ont déjà pris les deux doses du vaccin) et les contaminations au variant Omicron qui, jusqu’à présent, sont détectées chez les personnes arrivant de l’étranger.
Malheureusement, près de deux ans après le début de la pandémie au Liban, certains ne croient toujours pas à la menace que représente ce virus. Nous avons beau insisté sur l’importance de garder son masque, les gens rechignent encore à le faire. Or la hausse des cas observée actuellement n’augure rien de bon. Nous risquons d’assister au même scénario catastrophique vécu en janvier dernier. À la différence qu’avec la crise économique qui s’aggrave et l’exode massif des médecins et infirmier(ère)s, de nombreuses unités de Covid-19 ont été fermées sur l’ensemble du territoire. Nous avons aussi des médicaments en moins. Par ailleurs, certains infirmier(ère)s refusent de s’exposer au risque que présente la maladie, vu leur salaire médiocre. Même si Omicron serait moins virulent que Delta et Alpha, nous risquons d’avoir un grand nombre d’hospitalisation, vu sa haute contagiosité. La malnutrition – qui entraîne une baisse de l’immunité – et la saison froide n’arrangent pas non plus les choses, puisqu’il est de plus en plus difficile de réchauffer plus qu’une pièce et on va se retrouver nombreux dans un même espace exigu.
On constate que chaque nouvelle souche du coronavirus est moins virulente que celle qui la précède, comme c’était le cas avec le variant Delta, qui était moins virulent qu’Alpha, et actuellement avec Omicron. Cela signifie-t-il que la pandémie tire à sa fin?
J.M. - Vu la haute contagiosité du variant Omicron, la communauté scientifique dans le monde a espéré qu’il dominera les autres variants qui sont moins transmissibles. Le cas échéant, un plus grand nombre de personnes sera contaminé avec des symptômes peut-être moins sévères chez la majorité d’entre eux. Progressivement donc, la population sera protégée. Si ce n’est pas avec Omicron ce sera avec un autre variant. Nous assistons peut-être aux dernières phases de la pandémie, le virus ayant choisi de se suicider, privilégiant la transmissibilité à la virulence, sachant qu’il ne disparaîtra pas complètement mais qu’il se calmera. Nous allons apprendre à vivre avec. Il n’en reste pas moins que ce processus pourrait durer encore deux ans et que la vigilance reste de mise.
Dans ce cas, la vaccination demeurera-t-elle nécessaire, comme le vaccin anti-grippe qu’on fait chaque année?
J.M. - Au stade actuel, le processus de vaccination doit s’accélérer encore plus, parce que c’est le seul moyen de se protéger contre une forme grave de la maladie, quelle que soit la souche du virus. La troisième dose est absolument importante, notamment pour les personnes vulnérables comme celles qui ont des comorbidités (diabète, maladie pulmonaire, cardiaques, déficience immunitaire…), les femmes enceintes, ainsi que les personnes âgées de 50 ans et plus.
Cette dose de rappel est d’autant plus importante qu’elle protège contre Delta qui représente près de 97% des cas au Liban et qu’elle atténue la gravité d’Omicron. D’ailleurs, les autorités de santé européennes conseillent de ne pas attendre six mois après la seconde dose pour administrer la dose de rappel, mais de le faire à partir du troisième ou quatrième mois. Toujours est-il que la vaccination demeurera essentielle et qu’elle sera probablement routinière comme celle contre la grippe, mais avec une fréquence plus élevée (deux à trois fois par an) vu l’immunité limitée et de courte durée que ce vaccin prodigue.
De plus en plus de personnes abandonnent les gestes barrières parce qu’elles sont complètement vaccinées…
J.M. - Les gens doivent comprendre que même s’ils sont vaccinés et qu’ils ont un important taux d’anticorps, ils doivent garder leur masque et respecter les gestes barrières, parce que la vaccination n’empêche pas d’être contaminé au coronavirus et de transmettre le virus à autrui. Ce vaccin est différent de tout autre vaccin, dans le sens qu’il n’a pas accompli son rôle idéal d’empêcher la transmission du virus à autrui comme c’est le cas avec le vaccin de la grippe, de la polio, de la rougeole… Il a toutefois contribué à protéger contre les formes graves du Covid-19 et à diminuer la mortalité qui y est associée, sachant que plus de 90% des cas d’hospitalisation et de décès sont signalés parmi les non-vaccinés.
Pourquoi le vaccin a-t-il échoué à atteindre son objectif?
J.M. - Parce que c’est un coronavirus et l’immunité contre le coronavirus n’a jamais été parfaite puisque c’est un virus qui mute beaucoup. D’ailleurs, on le voit avec les rhumes, qui sont également dus à des coronavirus. On peut attraper un rhume plusieurs fois l’an. Le vaccin contre la grippe protège toutefois des formes graves de la maladie.
Faut-il se faire vacciner contre la grippe ou celui du Covid-19 est suffisant?
J.M. - Bien sûr, puisqu’il s’agit de deux maladies différentes dues à des virus différents et qu’on risque d’avoir des coinfections. Il faut que tout le monde fasse ce vaccin, surtout les personnes vulnérables.
Mais certaines personnes sont toujours réticentes à la vaccination…
J.M. - La vaccination contre le Covid-19 a été entamée il y a plus d’un an et plus de 8,5 milliards de doses ont été administrées dans le monde, tous vaccins confondus. Les effets secondaires majeurs qui y sont associés sont rarissimes.
Les mesures restrictives prises par certains pays contre les non-vaccinés sont-elles légitimes?
J.M. - En termes de santé publique, l’objectif final est de protéger la population. Dans le cas du VIH, il faut aller chercher le virus. Des mesures ne devraient pas être prises contre la personne séropositive puisqu’il y a une responsabilité à deux. Ce qui n’est pas le cas avec le Covid-19, puisque le virus se transmet par le simple contact social. La vaccination est donc importante parce qu’elle diminue les risques de la contamination et de la transmission et protège autrui. De telles mesures sont donc nécessaires, d’autant que partout au monde le vaccin est gratuit. Or les personnes qui refusent de se faire vacciner acceptent de prendre le risque de tomber gravement malades et d’occuper par la suite, aux frais de l’État, un lit d’hôpital dont aurait besoin un autre patient cardiaque ou souffrant d’un cancer ou d’une autre maladie. Cela est inacceptable.
Les mesures prises par le gouvernement sur base des recommandations émises par la commission nationale chargée de suivre le Covid-19 sont-elles suffisantes?
J.M. - Ce sont les autorités qui doivent veiller à l’application de ces mesures. Toutefois, elles ne peuvent contrôler que les endroits publics, sachant que dans certaines régions ceux-ci échappent à tout contrôle. Elles ne peuvent pas s’immiscer dans l’intimité des individus. Or nous savons que pour les réveillons, les regroupements seront nombreux dans les maisons.
Existe-t-il de nouveaux traitements du Covid-19?
J.M. - Oui, ces médicaments, dont certains ont déjà été approuvés par la FDA, empêchent la progression de la maladie vers une forme grave. Mais il faut les prendre dans les cinq jours qui suivent le début des symptômes s’ils existent. Comme il s’agit de médicaments excessivement chers, les recommandations seraient de les offrir aux personnes les plus vulnérables.
À la veille de Noël et du Nouvel An, de plus en plus de spécialistes craignent que le scénario vécu en janvier dernier, au lendemain des fêtes, lorsque quelque 6 000 à 7 000 cas de Covid-19 et plusieurs dizaines de morts étaient signalés au quotidien, ne se réitère cette année aussi. À juste titre, puisque les mêmes facteurs de risque prévalent aujourd’hui encore, à savoir l’émergence d’un nouveau variant du coronavirus – Omicron contre Delta l’année dernière – et surtout le relâchement total observé dans la société. Cela, avec des ressources humaines et économiques en moins. Jacques Mokhbat, spécialiste en maladies infectieuses, répond aux questions d’Ici Beyrouth.
Cette hausse des chiffres est-elle due au comportement des gens ou à un changement dans la nature du virus?
J.M. - C’est une combinaison des deux. Il y a bien sûr les regroupements dans les espaces publics et le relâchement total dans le comportement des gens qui font fi des gestes barrières, auxquels s’ajoutent le faible taux de vaccination (35% des personnes éligibles ont déjà pris les deux doses du vaccin) et les contaminations au variant Omicron qui, jusqu’à présent, sont détectées chez les personnes arrivant de l’étranger.
Malheureusement, près de deux ans après le début de la pandémie au Liban, certains ne croient toujours pas à la menace que représente ce virus. Nous avons beau insisté sur l’importance de garder son masque, les gens rechignent encore à le faire. Or la hausse des cas observée actuellement n’augure rien de bon. Nous risquons d’assister au même scénario catastrophique vécu en janvier dernier. À la différence qu’avec la crise économique qui s’aggrave et l’exode massif des médecins et infirmier(ère)s, de nombreuses unités de Covid-19 ont été fermées sur l’ensemble du territoire. Nous avons aussi des médicaments en moins. Par ailleurs, certains infirmier(ère)s refusent de s’exposer au risque que présente la maladie, vu leur salaire médiocre. Même si Omicron serait moins virulent que Delta et Alpha, nous risquons d’avoir un grand nombre d’hospitalisation, vu sa haute contagiosité. La malnutrition – qui entraîne une baisse de l’immunité – et la saison froide n’arrangent pas non plus les choses, puisqu’il est de plus en plus difficile de réchauffer plus qu’une pièce et on va se retrouver nombreux dans un même espace exigu.
On constate que chaque nouvelle souche du coronavirus est moins virulente que celle qui la précède, comme c’était le cas avec le variant Delta, qui était moins virulent qu’Alpha, et actuellement avec Omicron. Cela signifie-t-il que la pandémie tire à sa fin?
J.M. - Vu la haute contagiosité du variant Omicron, la communauté scientifique dans le monde a espéré qu’il dominera les autres variants qui sont moins transmissibles. Le cas échéant, un plus grand nombre de personnes sera contaminé avec des symptômes peut-être moins sévères chez la majorité d’entre eux. Progressivement donc, la population sera protégée. Si ce n’est pas avec Omicron ce sera avec un autre variant. Nous assistons peut-être aux dernières phases de la pandémie, le virus ayant choisi de se suicider, privilégiant la transmissibilité à la virulence, sachant qu’il ne disparaîtra pas complètement mais qu’il se calmera. Nous allons apprendre à vivre avec. Il n’en reste pas moins que ce processus pourrait durer encore deux ans et que la vigilance reste de mise.
Dans ce cas, la vaccination demeurera-t-elle nécessaire, comme le vaccin anti-grippe qu’on fait chaque année?
J.M. - Au stade actuel, le processus de vaccination doit s’accélérer encore plus, parce que c’est le seul moyen de se protéger contre une forme grave de la maladie, quelle que soit la souche du virus. La troisième dose est absolument importante, notamment pour les personnes vulnérables comme celles qui ont des comorbidités (diabète, maladie pulmonaire, cardiaques, déficience immunitaire…), les femmes enceintes, ainsi que les personnes âgées de 50 ans et plus.
Cette dose de rappel est d’autant plus importante qu’elle protège contre Delta qui représente près de 97% des cas au Liban et qu’elle atténue la gravité d’Omicron. D’ailleurs, les autorités de santé européennes conseillent de ne pas attendre six mois après la seconde dose pour administrer la dose de rappel, mais de le faire à partir du troisième ou quatrième mois. Toujours est-il que la vaccination demeurera essentielle et qu’elle sera probablement routinière comme celle contre la grippe, mais avec une fréquence plus élevée (deux à trois fois par an) vu l’immunité limitée et de courte durée que ce vaccin prodigue.
De plus en plus de personnes abandonnent les gestes barrières parce qu’elles sont complètement vaccinées…
J.M. - Les gens doivent comprendre que même s’ils sont vaccinés et qu’ils ont un important taux d’anticorps, ils doivent garder leur masque et respecter les gestes barrières, parce que la vaccination n’empêche pas d’être contaminé au coronavirus et de transmettre le virus à autrui. Ce vaccin est différent de tout autre vaccin, dans le sens qu’il n’a pas accompli son rôle idéal d’empêcher la transmission du virus à autrui comme c’est le cas avec le vaccin de la grippe, de la polio, de la rougeole… Il a toutefois contribué à protéger contre les formes graves du Covid-19 et à diminuer la mortalité qui y est associée, sachant que plus de 90% des cas d’hospitalisation et de décès sont signalés parmi les non-vaccinés.
Pourquoi le vaccin a-t-il échoué à atteindre son objectif?
J.M. - Parce que c’est un coronavirus et l’immunité contre le coronavirus n’a jamais été parfaite puisque c’est un virus qui mute beaucoup. D’ailleurs, on le voit avec les rhumes, qui sont également dus à des coronavirus. On peut attraper un rhume plusieurs fois l’an. Le vaccin contre la grippe protège toutefois des formes graves de la maladie.
Faut-il se faire vacciner contre la grippe ou celui du Covid-19 est suffisant?
J.M. - Bien sûr, puisqu’il s’agit de deux maladies différentes dues à des virus différents et qu’on risque d’avoir des coinfections. Il faut que tout le monde fasse ce vaccin, surtout les personnes vulnérables.
Mais certaines personnes sont toujours réticentes à la vaccination…
J.M. - La vaccination contre le Covid-19 a été entamée il y a plus d’un an et plus de 8,5 milliards de doses ont été administrées dans le monde, tous vaccins confondus. Les effets secondaires majeurs qui y sont associés sont rarissimes.
Les mesures restrictives prises par certains pays contre les non-vaccinés sont-elles légitimes?
J.M. - En termes de santé publique, l’objectif final est de protéger la population. Dans le cas du VIH, il faut aller chercher le virus. Des mesures ne devraient pas être prises contre la personne séropositive puisqu’il y a une responsabilité à deux. Ce qui n’est pas le cas avec le Covid-19, puisque le virus se transmet par le simple contact social. La vaccination est donc importante parce qu’elle diminue les risques de la contamination et de la transmission et protège autrui. De telles mesures sont donc nécessaires, d’autant que partout au monde le vaccin est gratuit. Or les personnes qui refusent de se faire vacciner acceptent de prendre le risque de tomber gravement malades et d’occuper par la suite, aux frais de l’État, un lit d’hôpital dont aurait besoin un autre patient cardiaque ou souffrant d’un cancer ou d’une autre maladie. Cela est inacceptable.
Les mesures prises par le gouvernement sur base des recommandations émises par la commission nationale chargée de suivre le Covid-19 sont-elles suffisantes?
J.M. - Ce sont les autorités qui doivent veiller à l’application de ces mesures. Toutefois, elles ne peuvent contrôler que les endroits publics, sachant que dans certaines régions ceux-ci échappent à tout contrôle. Elles ne peuvent pas s’immiscer dans l’intimité des individus. Or nous savons que pour les réveillons, les regroupements seront nombreux dans les maisons.
Existe-t-il de nouveaux traitements du Covid-19?
J.M. - Oui, ces médicaments, dont certains ont déjà été approuvés par la FDA, empêchent la progression de la maladie vers une forme grave. Mais il faut les prendre dans les cinq jours qui suivent le début des symptômes s’ils existent. Comme il s’agit de médicaments excessivement chers, les recommandations seraient de les offrir aux personnes les plus vulnérables.
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