Quand son grand père a quitté son village de la Békaa, il n’était qu’adolescent. Comme le résume Shirine, il est parti comme tous ceux qui, comme lui, "allaient chercher fortune". Pour lui, ce fut le Canada. Un de ses aïeuls s’était arrêté ici, il y a encore plus longtemps. Sans doute vers 1700. C’est dire si le village de Kfarmechki est le berceau de sa famille depuis presque la nuit des temps. Un village orthodoxe qui a toujours vécu en bonne intelligence avec les voisins qui prient un autre Dieu. Shirine et son cousin Raja sont chez eux ici. Ils y ont passé tant d’étés. Ils viennent souvent le week-end se reposer de Beyrouth.
À l’entrée du village, on s’arrête chez le moukhtar Kamal, la troisième génération à cultiver le raisin sur cette terre. Une centaine d’espèces, assure-t-il, dont 72 anciennes. Et, là, en goûtant les grains charnus ou ceux en forme de "pis de chèvres", les blancs, les noirs, les petits, les ventrus, ceux sans aucun pépin, vous comprenez que vous n’avez jamais vraiment mangé de bon raisin. Il fallait venir jusqu'ici.
Dimanche matin, c’est une des doyennes du village qui m’en fera goûter à nouveau. Un raisin noir, bien sucré, très ferme. Elle vient de le cueillir et remonte vers chez elle, mais marque une petite pause en me faisant un geste de la main pour la rejoindre. Sur le mur d’une maison, un street-artist s’est emparé de son sourire. Si des graffeurs et adeptes du street-art ont débarqué à Kfarmechki, c’est grâce à Raja qui a eu l’idée de les faire monter au village. Grâce à lui aussi que des producteurs descendent certains jours jusqu’à Beyrouth pour vendre leurs produits sur un marché dans le quartier branché de Badaro. Comme le jus de mûres ou des miels réputés, celui de lavande ou celui de printemps, parfumé à la fleur d’oranger.
Shirine et Raja ont déployé une belle énergie pour lancer, il y a quelques années, le festival de la *mouné*, cette tradition des montagnes libanaises où, l’été, on accumule les réserves alimentaires en prévision de l’hiver. C’est qu’il peut être rude dans les hauteurs.
De chez eux, on aperçoit le mont Hermon. Derrière, c’est la Syrie. Ce n’est donc pas étonnant si des camps de réfugiés se sont installés un peu plus bas dans la vallée. Dans ce pays de quatre millions d’habitants, grand comme deux départements français, entre – selon les estimations – un million et un million et demi de Syriens vivent désormais en déplacés chez leurs voisins libanais.
C’est évidemment beaucoup trop pour un pays qui craque de partout et dont s’éloignent ceux qui ont la possibilité d’aller vivre ailleurs. Une nouvelle vague d’émigration déchire les familles, surtout depuis l’explosion au port de Beyrouth que beaucoup ont vécu comme un coup de grâce.
Le village a sa page Facebook. On y lit les nouvelles principales et on découvre les félicitations adressées aux jeunes de Kfarmechki, qui ont décroché un bon diplôme à Beyrouth, mais aussi au Canada, aux États Unis, en Europe. Ailleurs, souvent.
On leur dit qu’ils sont "l’espoir et l’avenir".
Merci Shirine et Raja de m’avoir emmenée avec vous ce week-end dans votre petit paradis.
Prochain article le lundi 27 décembre
À l’entrée du village, on s’arrête chez le moukhtar Kamal, la troisième génération à cultiver le raisin sur cette terre. Une centaine d’espèces, assure-t-il, dont 72 anciennes. Et, là, en goûtant les grains charnus ou ceux en forme de "pis de chèvres", les blancs, les noirs, les petits, les ventrus, ceux sans aucun pépin, vous comprenez que vous n’avez jamais vraiment mangé de bon raisin. Il fallait venir jusqu'ici.
Dimanche matin, c’est une des doyennes du village qui m’en fera goûter à nouveau. Un raisin noir, bien sucré, très ferme. Elle vient de le cueillir et remonte vers chez elle, mais marque une petite pause en me faisant un geste de la main pour la rejoindre. Sur le mur d’une maison, un street-artist s’est emparé de son sourire. Si des graffeurs et adeptes du street-art ont débarqué à Kfarmechki, c’est grâce à Raja qui a eu l’idée de les faire monter au village. Grâce à lui aussi que des producteurs descendent certains jours jusqu’à Beyrouth pour vendre leurs produits sur un marché dans le quartier branché de Badaro. Comme le jus de mûres ou des miels réputés, celui de lavande ou celui de printemps, parfumé à la fleur d’oranger.
Shirine et Raja ont déployé une belle énergie pour lancer, il y a quelques années, le festival de la *mouné*, cette tradition des montagnes libanaises où, l’été, on accumule les réserves alimentaires en prévision de l’hiver. C’est qu’il peut être rude dans les hauteurs.
De chez eux, on aperçoit le mont Hermon. Derrière, c’est la Syrie. Ce n’est donc pas étonnant si des camps de réfugiés se sont installés un peu plus bas dans la vallée. Dans ce pays de quatre millions d’habitants, grand comme deux départements français, entre – selon les estimations – un million et un million et demi de Syriens vivent désormais en déplacés chez leurs voisins libanais.
C’est évidemment beaucoup trop pour un pays qui craque de partout et dont s’éloignent ceux qui ont la possibilité d’aller vivre ailleurs. Une nouvelle vague d’émigration déchire les familles, surtout depuis l’explosion au port de Beyrouth que beaucoup ont vécu comme un coup de grâce.
Le village a sa page Facebook. On y lit les nouvelles principales et on découvre les félicitations adressées aux jeunes de Kfarmechki, qui ont décroché un bon diplôme à Beyrouth, mais aussi au Canada, aux États Unis, en Europe. Ailleurs, souvent.
On leur dit qu’ils sont "l’espoir et l’avenir".
Merci Shirine et Raja de m’avoir emmenée avec vous ce week-end dans votre petit paradis.
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