«Anna O.» ou l’hystérie mise en scène
Dans cette pièce traitant de l’hystérie, le personnage principal, Anna O., est en fait le premier cas de psychanalyse traité par Joseph Breuer et Sigmund Freud. Après deux mois de répétitions, de recherches ciblées et de ratures dans le noir, le texte se met en place, telle une plume discrète se battant pour que l’hystérie voie le jour sur les planches de l’ACT du théâtre Monnot. Cette performance à trois développe réflexions et monde imaginaire, basés sur le livre Études sur l’hystérie, publié pour la première fois en 1895 et tiré à huit cents exemplaires.

Anna O. est interprétée par Solange Trak, Patrick Chemali et Zalfa Chelhot. À partir du 2 mars 2023.

L’hystérie insaisissable

Exclusivement associée aux femmes – et au diable, dans une dimension religieuse – au Moyen Âge, l’hystérie évolue vers une approche plus savante et désexualisée aux XVIIe et XVIIIe siècles.

Déjà mentionné par Hippocrate, qui l'inventa en référence à l'utérus dans son traité Des maladies des femmes, le terme hystera reflétait la révolte de l'utérus qui s'ennuie, le mal des vierges. Au XIXe siècle, Charcot définit l'hystérie comme la base des découvertes de Freud en psychanalyse.

D’après le Vocabulaire de la psychanalyse, en 1967, l’hystérie est une «classe de névroses aux tableaux classiques très variés.»

Bertha Pappenheim, Anna O. ou les trois Anna

Bertha Pappenheim, connue sous le pseudonyme d'Anna O. était la patiente de Joseph Breuer, confrère et ami de Freud. Ce fut Breuer qui inventa ce pseudonyme pour préserver son anonymat. Le cas d'Anna O. fut décrit par Freud lui-même comme le déclencheur de l'émergence de la psychanalyse, et par les deux spécialistes de «méthode cathartique».

Issue d’une famille bourgeoise et conservatrice, Anna O. était créative, sensible, altruiste et intuitive. Dévouée, elle veilla, avec sa mère, son père malade, jusqu’à sa mort en 1881.  Elle n'avait pas de vie sexuelle ni amoureuse.


La jeune femme de 21 ans tombe malade en 1880. Elle commence par se réfugier dans son «propre théâtre» – comprendre ses rêveries – pour échapper aux restrictions sociales et familiales. Peu à peu, elle finit par être en proie à des hallucinations, des insomnies, des angoisses, des douleurs, ainsi que des anémies, des anorexies, des convulsions, de la culpabilité, des états d’humeur contradictoires, un strabisme et une surdité fragmentaire… Constatant que le fait d'en parler à son médecin, Breuer, soulageait ses maux, elle baptisa cette méthode Chimney Sweeping (ou ramonage de la cheminée) ou Talking Cure (ou cure par la parole). C’est de là que naquit la psychanalyse...

Anna dirigera un orphelinat, ne se mariera pas, n’aura pas d’enfant. Mais elle publiera des livres pour enfants sous le pseudonyme de Paul Berthold et, en éternelle féministe, luttera pour les femmes. Elle sera qualifiée plus tard, par Lacan, de «reine des assistantes sociales.»

Elle mourra en 1936, à la suite d'un cancer, et viendra longtemps hanter Freud qui, dans ses dernières années, trouvera en sa fille Anna un dévouement pareil à celui d’Anna O.

Acteurs et actant

Les personnages sont incarnés par des acteurs différents, tant par leurs parcours respectifs que par leur technique de jeu, qui transmettent la tension contenue dans un cercle de pathologies et d’illusions à partir d'un texte subtile et bien ficelé.

Leur dénominateur commun? Le maître ultime. Le théâtre. Celui qui reste quand tout s'effondre. Celui qui trouve la force de (se) remettre debout, sur les planches, dans tout ce qui reste de sain, malgré tout, jusqu’à la dernière révérence.

Comme le disait l'éternel Jalal Khoury de certaines pièces, celle-ci se révèle être «un document sociologique». Ainsi, face à nos séismes intérieurs, les planches de la scène chavirent, se tiennent debout et laissent le grand échiquier aux fous.

Puisse Anna O. être l’ultime catharsis de toutes nos douleurs communes.

«S’il existe une justice, dans une autre vie, les femmes feront les lois et les hommes enfanteront.» Bertha Pappenheim, alias Anna O.»
Commentaires
  • Aucun commentaire